Les grandes entreprises spécialistes des « partenariats public privé » (PPP) avec les pouvoirs publics viennent de connaître quelques années florissantes, aussi bien en France qu’en Allemagne. Mais le vent est peut-être en train de tourner. Les critiques s’accumulent sur les conditions dans lesquels ces contrats sont signés, sur leur opacité, et plus généralement sur les profits confortables qu’ils assurent aux partenaires privés, en offrant aux élus l’illusion d’un solution de financement efficace. ARTE se penche sur divers exemples de contrats de PPP dans des domaines aussi divers que les infrastructures, l’eau ou les transports.
En complément d’un documentaire critique sur les « partenariats public privé » en France et en Allemagne, diffusé il y a quelques jours, ARTE met en ligne une série d’interviews et une infographie sur les enjeux de ces PPP.
À voir ici : http://future.arte.tv/fr/les-partenariats-public-prive
Le documentaire lui-même (qui n’est pas disponible en ligne sur le site d’ARTE, ni sous forme gratuite ni de manière payante, mais visible sur YouTube) aborde divers exemples de PPP en France et en Allemagne. Exemples qui concernent des autoroutes, l’eau, de grands projets, les transports, mais aussi l’éducation (on y apprend par exemple qu’une filiale de Vinci est impliquée dans un PPP en Allemagne pour la gestion d’écoles).
Une solution de financement illusoire
Dans tous les cas, on retrouve des problèmes similaires : coût supplémentaire à long terme pour la collectivité, opacité des contrats du fait d’un usage généralisé du secret commercial, coûts supplémentaires imprévus, perte de maîtrise des pouvoirs publics, conflits d’intérêts, etc. Du côté des aspects positifs, c’est principalement la capacité de mettre en œuvre rapidement les projets qui est citée. Mais celle-ci peut aussi avoir ses contreparties : le documentaire cite l’exemple d’une autoroute allemande dont le chantier accéléré a entraîné une augmentation exponentielle des accidents.
Le documentaire souligne également que la France constitue à bien des égards l’un des principaux berceaux des PPP au niveau international, ce qui a permis l’émergence de grands acteurs de l’eau ou du BTP comme Vinci, Veolia, Bouygues ou Suez environnement, lesquels ont ensuite exporté le « modèle » français des PPP dans d’autres pays.
ARTE Future met en ligne des entretiens avec plusieurs experts français et (majoritairement) allemands réalisés dans le cadre de la préparation du documentaire.
Si certains défendent encore l’utilité des PPP en tant qu’incitation à une gestion plus efficace et plus économe, on constate en revanche un large consensus pour considérer ces partenariats comme une illusion, voire comme un piège, en termes de solution alternative de financement pour les pouvoirs publics. Sous couvert de réduire les besoins d’investissements à court terme, les partenariats publics privés enferment les gouvernements locaux et nationaux dans des contrats plus coûteux à long terme, ce qui constitue au fond une forme de « vie à crédit » et d’endettement caché.
En France, d’ailleurs, une nouvelle loi de 2011 oblige les collectivités à inclure leurs engagements au titre des PPP dans leurs budgets, au même titre que leurs dettes classiques. Cette mesure a entraîné une diminution drastique du nombre de nouveaux contrats de PPP. Le documentaire d’ARTE se conclut sur un appel à l’adoption de dispositions similaires en Allemagne.
Signalons aussi que l’émission de France 2 Envoyé spécial a elle aussi récemment consacré un reportage aux PPP en France, principalement dans le domaine du bâtiment et des grands projets d’infrastructures (Notre-Dame des Landes, Stade du Mans, nouveau Palais de Justice de Paris). À voir ici.
Olivier Petitjean
Source: http://multinationales.org/Partenariats-public-prive-lorsque