L’entreprise pétrolière s’est livrée il y a plusieurs jours à une manœuvre spéculative sur le dollar et a procédé hier à une forte hausse des prix de 12%. Une attitude unilatérale défiant les intérêts du pays et qui n’a pas de justification technique.
« L’attitude de Shell et de son plus haut dirigeant en Argentine – Juan José Aranguren – , est conspiratrice comme toujours, portant atteinte aux intérêts du pays », avait déclaré Jorge Capitanich, chef de cabinet du gouvernement, lundi 3 février. Le ministre de la Planification, Julio De Vido, est allé dans le même sens aujourd’hui, soulignant que « Aranguren continue à penser que la rentabilité des combustibles qui sont produits en Argentine en pesos, avec des salaires et des matières premières en pesos, doit être dollarisée, comme s’il s’agissait de vendre sur un marché global et non aux consommateurs de ce pays ».
Le patron de Shell en Argentine a curieusement justifié la hausse des prix de 12% des combustibles dans ces stations services par la modification du taux de change pesos/dollar enregistré ces derniers jours dans le pays.
Évolution à laquelle Shell a directement participé en faisant, à travers une opération spéculative, passer le cours 7,12 pesos à 8,40 pesos pour un dollar : en quelques minutes, il y a dix jours, en achetant des dollars à un cours supérieur au cours de vente du marché (pour information le cours interbancaire est à 8,02 au 4 février).
Aucun communiqué sur le site internet de « Shell Argentina » n’explique cette hausse des prix, elle s’est contentée d’un e-mail à la presse locale. La compagnie avait déjà augmenté les prix de 6,8 % le 2 janvier dernier. Pour mémoire, Shell représente 18% du marché argentin.
En même temps, le gouvernement prend des mesures pour contenir la hausse des prix sur nombre de produits.
L’attitude de la compagnie pétrolière finalement ne surprend pas grand monde, puisque les dirigeants de Shell en Argentina avaient laissé entendre qu’ils attendaient un changement de gouvernement pour investir dans le pays. Du coté du gouvernement argentin, on souligne, qu’on ne sait pas s’il s’agit d’une attitude personnelle des dirigeants de la filiale argentine, ou de la stratégie du groupe, et quelle est la politique qu’ils attendent.
Pour le moment, il semble que la politique de Shell revient à ajuster la demande des argentins avec l’offre disponible sur le marché local mais en prix dollarisés et alignés sur le marché international. Or, Shell détient la concession de plusieurs grands gisements en Argentine comme Cruz Lorena, Sierras Blancas et Aguila Mora qui lui permettraient d’alimenter ses raffineries. Pourquoi dès lors, la compagnie annonce qu’elle repousse ses investissements ? Alors que de son coté YPF (dont une partie du capital est contrôlé par l’Etat) s’est lancé dans un plan d’investissements dont les résultats sont perceptibles en terme d’augmentation de production de pétrole et de gaz.
Comment interpréter l’attitude de Shell autrement que d’avoir la volonté d’imposer la dollarisation de l’économie et de faire resurgir les vieux démons en participant directement à la déstabilisation du pays.
Le consommateur argentin doit aussi faire acte de citoyenneté, en sanctionnant les entreprises aux comportements délictueux allant contre l’intérêt commun. Et ne pas laisser certains groupes économiques en position dominante faire pression pour établir leurs règles du jeu contraire au jeu démocratique. Pour mémoire, Nestor Kirchner en 2005 avait demandé aux consommateurs argentins de boycotter Shell après une forte hausse des prix .
Estelle Leroy-Debiasi pour El Correo