Cinq « marches populaires » sont venues des 4 coins de France : d’Ile-de-France mais aussi, à pied, de Toulouse, Bayonne, Marseille, Angers et Lille et ont convergé vers Paris.
Se réclamant ou non du mouvement des Indignés, les participants partagent les mêmes lignes de force : « le rejet du système politique actuel » et la volonté de « se réapproprier l’espace public » et d' »éveiller la population ».
C’est vers 14h et au son des tambours, que les cinq « marches populaires » ont fait la jonction avec la « marche des banlieues », qui s’est lancée le 15 avril de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Ces « marches populaires » sont parties entre le 3 mars (Marseille) et le 7 avril (Angers). A raison de 20 à 30 kilomètres par jour, les marches ont rassemblé entre 10 et 15 participants par étape pour les plus petites (Angers) et entre 20 et 30 pour les plus importantes (Bayonne, Marseille). Certains y ont participé du début à la fin, d’autres n’ont pris part qu’à quelques étapes, selon leur disponibilité car beaucoup de marcheurs sont salariés.
« Ce n’est pas du tout un mouvement de gens qui n’ont rien à faire », assure Charlotte, professeur d’arts plastiques de 29 ans, de Toulouse, qui refuse de donner son patronyme ». Il y a tous les âges, toutes les catégories socio professionnelles, toutes les professions », dit-elle, citant « un gynécologue, météorologues, professeur de chant, intérimaires, étudiants, enseignants, aides-soignants, sans emploi, retraités et militants du mouvement des Indignés.
On trouvait aussi des instituteurs, des infirmiers ou des RMIstes à Angers, un coiffeur, des chercheurs, un graphiste,un plombier-chauffagiste à Lille, et même un lycéen qui prépare le bac à Marseille ou encore le doyen de Toulouse (60 ans), sans oublier la benjamine d’Angers (13 ans) qui marche avec sa mère …
A chaque commune traversée, les marcheurs se sont installés « sur la place publique », organisant des « assemblées et repas populaires », des projections de documentaires ou des débats.
« Le but c’est d’échanger avec les gens, de partager les expériences, les ressentis » et de « créer l’étincelle là où il y a besoin, pour ne plus subir une société qui met des murs entre les gens », pense Nicolas, 25 ans, de la marche marseillaise.
Les marcheurs interrogés disent qu’ils ont été accueillis positivement par les gens. « Ils sont intrigués, posent des questions, restent avec nous pour discuter. Certains se sont joints à nous. On a fait de belles rencontres », souligne Louise, 19 ans, de Marseille.
Durant la marche, les campements étaient installés la plupart du temps avec l’accord des mairies, qui ont collaboré en fournissant douches et toilettes.
Il y a eu toutefois des hostilités dans des municipalités, comme à Illiers-Combray (Eure-et-Loir), Longjumeau (Essonne) ou Montrouge (Hauts-de-Seine), relèvent des marcheurs obligés de trouver refuge chez l’habitant.
Le but de marcher vers Paris ce samedi était de dénoncer la grande « mascarade électorale » et de réclamer « une démocratie réelle », car « les candidats actuels ne nous représentent pas », a expliqué l’un d’eux, 30 ans, qui souhaite garder l’anonymat et est venu à pied de Bayonne. « On veut montrer que le peuple n’a pas la parole », explique Sylvie, 42 ans, qui vient de Lille.
Le lieu du rendez-vous de départ étant fixé à Châtelet, la Fontaine des Innocents du quartier des Halles (1er arrondissement de Paris), les manifestants munis de banderoles sur lesquelles on pouvait lire « Indignez-vous ! », ont déploré être oubliés, comme Arthur, 26 ans, de Toulouse, car « dans le panel des candidats, il y a des idées et des alternatives qu’on ne nous propose jamais, comme par exemple réduire le productivisme ».
Selon lui, parmi les manifestants, « certains voteront pour un candidat qui se dit anticapitaliste », ajoute-t-il en souriant.
« Vu que les politiciens actuels ne nous écoutent pas, c’est à nous de nous réorganiser, pour qu’au moins au niveau local, par des assemblées démocratiques, nous puissions nous faire entendre et mettre en place des idées alternatives en matière de logement, de santé, d’éducation, d’environnement, d’alimentation », ajoute un autre manifestant, avouant que même s’il n’est pas satisfait, il votera quand même, par procuration, « pour un candidat plutôt de gauche et plus proche des questions environnementales ».
La parade s’est déroulée dans un climat festif mais surtout joyeux, réunissant des clowns régulant le trafic, des musiciens mettant de l’ambiance, des batucadas annonçant de loin leur arrivée, des percussions au rythme de capoeiras animant des danseurs spontanés. Se sont fait entendre une grande variété de chansons tantôt libertaires «Bella ciao» tantôt marseillaises ou Reggae comme sur la place de la Bourse.
Certains manifestants ont dénoncé les banques avec des étiquetages sur les distributeurs pour les désigner » coupables « . On a scandé des slogans » le peuple uni jamais ne sera vaincu » sur le boulevard des Italiens en agitant un drapeau vert, de gauche à droite où il est inscrit » les Indignés « .
Sur son passage, de nouveaux arrivants grossissaient la marche : on calculait devant l’Opéra environ 800 personnes …
Initiant un parcours sans incident important, les manifestants ont pris la route les menant au Champ-de-Mars (VIIe), lieu symbolique pour une journée d’action nationale de tous les « Indignés », ceci un an après le début du mouvement espagnol.
C’est à leur arrivée au Trocadéro que l’on a assisté à des hostilités provoquées par les forces de l’ordre. Il y a eu un renforcement et un resserrement du cordon policier formé par plus de 400 CRS autour des 300 manifestants restants. Action qui, selon la police, était justifiée pour les maintenir dans le périmètre sur lequel la mairie de Paris les avait autorisés à rester jusqu’à 23 heures.
» Les Indignés ont exprimé le désir de partir d’eux-mêmes à plusieurs reprises le long de la marche vers Trocadéro bien avant 23 heures « , a indiqué une indignée épuisée. » Mais le cordon policier nous a ignorés et nous a poussés au-delà des limites autorisées des jardins du Trocadéro en nous laissant occuper la moitié de l’espace autorisé « .
Selon une source policière, voici le motif de cet encerclement : « Ils ne peuvent occuper les jardins du Trocadéro au-delà de minuit car il ne peut y avoir d’action militante un jour d’élection », a souligné la mairie de Paris, jointe par l’AFP.
Plusieurs manifestants joints par l’AFP se sont plaints d’avoir été encerclés » par les forces de l’ordre, qui ne laissaient sortir que de petits groupes de dix à vingt personnes, raccompagnées jusqu’au métro par des policiers pour éviter un regroupement ailleurs dans l’espace public et avec interdiction de se réincorporer à la manifestation une fois sortis « .
Natalie : » j’ai voulu m’asseoir un moment car depuis 14h jusqu’à 21h j’étais fatiguée de marcher, je voulais rentrer chez moi, 2 CRS m’ont forcée à rejoindre la marche contre ma volonté « .
Joëlle : » j’avais besoin de manger et boire un peu après autant d’heures de marche, ils m’ont interdit de sortir sans leur autorisation et menacé de ne plus pouvoir rentrer si je sortais « .
Jean : » nous avons insisté plusieurs fois pour que nous puissions rentrer chez nous respectueusement vu que la manifestation terminait à 23h. C’est le responsable de la police sur place qui a donné des ordres pour ne pas nous laisser sortir librement, sans aucune explication cohérente « . » Nous nous sentons humiliés par le traitement reçu de la police, du manque de respect vis-à-vis de notre droit de manifester librement en France « .
Karla, une supporter allemande des marches venant de Berlin pour la première fois en France, a perdu son calme et a giflé directement un des policiers afin que l’on trouve une solution pour la laisser sortir …
Charlotte, arrivée de Toulouse, confiait : » on aimerait sortir tranquillement (…) on a tous envie d’aller se coucher « .
Jusqu’à minuit, il y eut une attente interminable et non justifiée provoquée par les forces de l’ordre. Le désespoir gagnait les personnes encerclées, ceux qui avaient marché depuis des jours ayant besoin de diner ou de se reposer.
La fatigue se mêlait à l’humiliation d’être soumis à une force qui ne respecte pas les droits humains, menaçante, répressive et armée de gaz lacrymogènes face à une trentaine d’indignés pacifiques, traités comme des écoliers à une sortie d’école…
La privation d’un droit fondamental (le droit de manifester librement) a également généré des tensions que les indignés non- violents ont pu maîtriser malgré les abus des forces de l’ordre dont la fonction originale est la protection des citoyens et non la répression sans sommation …
Pour les prochains jours, les marcheurs envisagent d’organiser différents types d’actions : des assemblées populaires ou des actions symboliques contre des banques ou des supermarchés à Paris …
Un agenda a été créé où vous pouvez consulter toutes les actions de la semaine sur le site :
http://paris.reelledemocratie.net/agenda