Par Jean-Marie Collin. “Blog Défense et Géopolitique, Alternatives-Internationales

Voilà c’est fait, la Mongolie est parvenue à convaincre les puissances nucléaires de devenir le premier Etat exempt d’armes nucléaires !

La Mongolie est un Etat géographiquement encerclé par les puissances nucléaires russes et chinoises. Ne pouvant rejoindre un groupe d’Etats pour devenir une Zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN), elle a adopté en 1992 un statut d’Etat exempt d’armes nucléaires (EEAN), puis une loi le 3 février 2000 pour renforcer ce statut.

Après plus de 15 années de pourparlers, le 17 septembre 2012, les cinq puissances nucléaires officielles Etats-Unis, Russie, France, Chine, Grande-Bretagne (ou P5) viennent de signer des déclarations bilatérales avec cet Etat pour garantir ce statut. Le mot « déclaration » a son importance. Ce n’est pas un instrument juridique contraignant (tel un traité comme le souhaitait la Mongolie) ; mais certainement que ce document sera à terme reconnu comme ayant une valeur similaire.

Ils reconnaissent et affirment leur intention de “respecter  le statut d’Etat exempt d’armes nucléaires de la Mongolie et à ne rien faire qui puisse le violer“. La Mongolie pour sa part a indiqué respecter pleinement ses engagements en tant qu’État partie non doté d’armes nucléaires au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). En clair, la Mongolie indique ne pas fabriquer, stationner des armes nucléaires ou encore vouloir procéder à des essais d’armes nucléaires.

Révolution : Cette action renforce le processus de non prolifération nucléaire, donc la sécurité mondiale (par conséquent celle de la France). Cette reconnaissance, après plus de 15 ans de négociations, vient créer un précédent. Et c’est bien pour cela que les pourparlers furent si long, car ce statut particulier pourrait être adopté par d’autres Etats ne pouvant intégrer une ZEAN. Par exemple, quelles réactions les britanniques, les français et les américains auront-ils le jour où l’Espagne, la Belgique, la Suède où l’Allemagne se déclareront EEAN ? Quelles conséquences politico-militaires pour l’Alliance Atlantique (Belgique et Allemagne ayant des armes nucléaires tactiques sur leur territoire), pour l’Union Européenne ? Et la question pourrait se poser rapidement. L’Autriche est en effet susceptible de devenir le second Etat exempt d’armes nucléaires. État neutre, respectant le TNP, son Parlement a voté en juillet 1999 une loi constitutionnelle, qui interdit la production, l’usage, le transport sur son territoire d’armes nucléaires. Il ne serait donc pas étonnant que Vienne poursuive ce processus en adoptant un tel statut.

Le concept de zone exempte d’armes nucléaires remonte à la résolution 2028 de l’Assemblée générale des Nations unies du 19 novembre 1965. Cette notion fut ensuite renforcée par le Traité de non-prolifération (établi le 1er juillet 1968), dont l’article 7 donne la possibilité à un groupe d’États de conclure un traité régional visant l’interdiction des armes nucléaires sur leur territoire : « Aucune clause du présent Traite ne porte atteinte au droit d’un groupe quelconque d’États de conclure des traités régionaux de façon à assurer l’absence totale d’armes nucléaires sur leurs territoires respectifs. »

Une zone exempte d’armes nucléaires exige le respect de conditions fondamentales s’adressant à la fois aux États qui l’intègrent, mais aussi aux puissances nucléaires officielles. Elle doit tout d’abord former une entité géographique cohérente et clairement définie, intégrant l’ensemble des États de la région. Chacun d’eux doit alors renoncer à posséder, fabriquer, acquérir et utiliser des armes nucléaires. La ZEAN, créée pour une durée illimitée, doit être reconnue par l’ONU. Elle doit également recevoir l’appui des puissances nucléaires officielles qui s’engagent à ne pas employer, ni menacer d’employer des armes nucléaires contre cette zone. Cet engagement est effectif après la ratification de différents protocoles annexés au traité de la ZEAN. On parle alors d’une « assurance de sécurité négative » entre les pays de la zone dénucléarisée et les cinq puissances nucléaires officielles.

Monde – 1 : Tout l’hémisphère sud (exception faite des puissances nucléaires chinoise, indienne, pakistanaise et nord-coréenne et de la zone du Moyen-orient) est théoriquement à l’abri d’un bombardement nucléaire. Ce sont les territoires de l’Amérique latine et des Caraïbes (traité de Tlatelolco), du Pacifique sud (traité de Rarotonga), le continent africain (traité de Pelindaba), d’Asie du Sud-Est (traité de Bangkok). À ces différentes ZEAN s’ajoute le pôle Sud, qui selon le traité de l’Antarctique (1961) est une zone neutre ou tout déploiement où stationnement d’armes nucléaires est interdit. L’hémisphère nord compte une seule ZEAN, celle de l’Asie Centrale (traité de Semipalatinsk).

Source : http://alternatives-economiques.fr/blogs/collin/2012/09/26/la-mongolie-sans-armes-nucleaires/