La Défense, Grande Arche, 7ème jour d’occupation de l’espace public par le mouvement des indignés de Paris.
Le premier jour fut le plus difficile à cause de la confrontation avec les forces de l’ordre qui ont déployé plus de 200 policiers pour empêcher ces jeunes non violents et non armés d’installer leur tente pour s’abriter le soir. Bilan de la première journée : deux blessés dont un plus grave.
Un grand nombre de radios et de chaînes de TV se sont retrouvés sur place pour couvrir les faits.
Les grands médias n’ont pas mentionné ces reportages : est-ce dû au hasard ou cela démontre-t-il simplement qu’en France les médias sont manipulés par la politique ?
Les jours qui ont suivi ont été plutôt durs car les forces de l’ordre ont reçu des ordres d’ »en haut » de ne pas laisser les jeunes utiliser les bâches mobiles ni les couvertures de survie pour se protéger de la pluie et du froid extrême des nuits de Paris.
Ceux-ci se sont vus obligés de dormir sur des cartons bien souvent mouillés par la pluie ou des duvets trempés.
Ces obstacles s’ajoutent au fait que certains médias s’emploient à minimiser le mouvement en rapportant que le nombre de personnes sur place le soir était de 15 quand et ils n’étaient pas moins de 50 (j’y étais personnellement), ou encore en disant qu’ils étaient une centaine durant la journée alors qu’ils étaient approximativement 200.
Que la police compte mal, c’est compréhensible si l’on tient compte des instructions qui viennent d’ »en haut » mais que les médias ne sachent plus compter les personnes sur place, c’est … . Peut être qu’une bonne paire de lunettes serait nécessaire ? Ou un stage d’arithmétique ?
Peu importe les obstacles mis en place pour empêcher ces jeunes de tenir un campement et de démontrer au monde leur savoir-faire : autogestion, autonomie et système horizontal sans leader.
Les jeunes et moins jeunes viennent soutenir le mouvement durant toute cette première semaine, avec des donations, des soupes ou boissons chaudes apportées en thermos de tous les coins de Paris, des vêtements chauds, des duvets, des couvertures leur ont été apportés par les 99% de la population qui se sentent représentés par les indignés.
Toutes les décisions se prennent en Assemblée Générale où la voix des personnes présentes est écoutée et les arguments pour et contre sont débattus.
Une des décisions surprenante de l’AG a été de ne pas se laisser financer par des dons en espèce de manière à garder leur cohérence contre la corruption du système financier actuel.
Les AG ont normalement lieu vers 17h ou le week-end exceptionnellement vers 15h, tandis que le matin ou le soir des groupes se mettent en place pour travailler sur les brochures ou sur les actions à réaliser le jour …
La diversité rend parfois le consensus difficile dans les groupes de travail, ou même dans l’AG mais cela fait partie du processus d’horizontalité, « nous allons lentement mais très loin » disent les Espagnols.
C’est aussi grâce à cette diversité que les idées ne stagnent pas et que le groupe s’enrichit de nouveaux points de vue. Par le débat, on peut analyser quelle est la solution la plus intéressante pour le bien du groupe.
Le 11.11.11., une journée internationale s’est mise en place dans toutes les grandes villes : New York, Madrid, Italie, Grèce…etc.
Du côté français, 21 villes se sont mobilisées pour célébrer ensemble cette date inoubliable des 3 fois 11.
Leur savoir-faire est admirable ; cette journée en a été une preuve flagrante.
A la Défense, des actions artistiques se sont organisées encore une fois, laissant aux passants la possibilité d’inscrire librement leur réponse à la question
« qu’est-ce qui vous fait battre le cœur ? »
De nombreuses réponses colorées ont donné vie au parterre de la Défense avec des idées comme :
« Regarde ta Rolex, c’est l’heure de la Rév-olution »
« Marre de ne plus avoir le temps pour rien »
« Marre de la justice à deux vitesses »
« Marre de ne plus pouvoir se faire soigner »
« Nous n’avions jamais été aussi proches »
Ou encore reprenant des citations de grands philosophes comme
Gandhi :
«d’abord ils nous ignorent, ensuite ils se moquent de nous, ils nous font la guerre et finalement nous gagnons».
P. Coelho:
«Vous pensez l’aventure dangereuse, essayez la routine elle est mortelle»
Ou encore de Krisnamurti:
«ce n’est pas un gage de bonne santé d’être bien intégré dans une société profondément malade».
Différent stands en carton colorés à la peinture ont été instaurés : coin cuisine avec ses poubelles recyclables, coins café avec des donateurs de thermos de chocolat chaud, thés et café, l’accueil avec une grande porte d’entrée toute en carton, le coin des artistes où des maquilleurs te dessinaient des cœurs sur le visage…
Une AP s’est déroulée un peu plus tard au cours de laquelle toutes sortes de nouvelles idées sont apparues.
A 14h30, un comité d’accueil a souhaité la bienvenue en musique à la marche provenant du mur de la paix, le cortège ayant traversé tous Paris et grossi au fil du voyage.
Vers 20h, Rebeux des Bois est intervenu avec un des chansons … la chorale des indignés et d’autres artistes spontanés ont détendu l’atmosphère assurant le côté festif du 11.11.11.
Pendant que certains occupaient les espaces luxueux des restaurants des grandes tours ou des cinémas, nos amis s’amusaient sans argent et dans une joie incomparable.
Cette joie s’est accentuée lors d’une séance de step géant à laquelle plus de 500 personnes ont participé pour pallier le froid en bougeant au son de la musique. A côté, sur les marches, un cœur géant composé de personnes s’est formé.
Vers 21h, la température ayant baissé énormément, le coin café était surpeuplé.
Les employés de certains établissements ont collaboré en remplissant les thermos d’eau bouillante pour pouvoir faire un thé chaud plus tard.
L’ambiance festive de plus en plus animée a perduré très tard dans la nuit avec la collaboration de musiciens spontanés avec des morceaux de bois, des tambours, des bouteilles, une joueuse d’harmonica a aussi contribué avec un son country …
Des bougies illuminaient toute la place créant une atmosphère aussi spéciale que paisible.
C’est vers minuit, certains ont décidé de dormir sur place avec les indignés pour soutenir leur action le lendemain.