Par Jean-Paul Pougala (*)
Le Kenya était le symbole de cette Afrique des animaux, sans les Africains qu’une certaine littérature coloniale raciste du 19ème avait tant décrit. Un pays captif de l’Occident. Depuis qu’il tente de s’affranchir de cette tutelle et de réorienter les partenariats économiques pour son développement, les manœuvres de déstabilisation se multiplient.
Il est encore tôt pour tirer les leçons, de l’attaque du supermarché à Nairobi, mais nous pouvons nous poser certaines questions sans pour autant être des complotistes : Pourquoi maintenant ? Pourquoi depuis que le Kenya a mis le cap vers l’Est, vers Pékin et Moscou, tout lui arrive ?
Désormais les échanges entre le Kenya et un certain nombre de pays se feront en yuan chinois et non plus en dollars américains. Le Kenya vient de découvrir sous son sol, l’un des plus grands gisements au monde d’eau douce. Cette eau tant convoitée par l’Europe. Au même moment, Dakar complète sa première semaine sans eau potable. On nous dit que l’usine de potabilisation située à 280 km construite en 2004 par une entreprise française, avec une garantie de 30 ans, a des problèmes de tuyau.
A la place, on propose à ce pays traversé par trois fleuves (Sénégal, Gambie, Casamance) de s’endetter pour 50 milliards de Francs CFA pour désaliniser l’eau de l’Océan Atlantique. Si le Sénégal refuse, sommes-nous certains que leur ami d’aujourd’hui Macky Sall ne sera pas bientôt traduit au Tpi pour des choses odieuses qu’il aurait commise lorsqu’il était encore dans le ventre de sa maman ?
Revenons au Kenya. On a d’abord eu l’incendie à l’aéroport qui, au moment où ce pays fait le virage pour profiter des investissements chinois pour passer du tourisme qui a apporté dans le pays tous les pédophiles et prédateurs sexuels d’occident, vers l’industrie, nous reporte 40 ans en arrière, au scénario des Brigades Rouges italiens, manipulés par une frange des services secrets italiens pour séquestrer et tuer le Premier ministre Aldo Moro qui avait eu la mauvaise idée de vouloir faire un gouvernement d’Union Nationale avec les communistes tant décriés à Washington.
Il faudra attendre les années 90 avec l’effacement du parti dit de la Démocratie chrétienne à cause de la corruption, pour que les langues se délient enfin et que des enquêtes parlementaires permettent de découvrir la bouche du président de la République Cossiga, à l’époque des faits ministre de l’Intérieur, qu’avec les Américains, ils avaient crée une brigade secrète dénommée Gladio pour commettre l’impensable dans leur propre pays. Il fallait tout faire pour empêcher le rapprochement avec Moscou.
Aujourd’hui, à Moscou s’est ajouté Pékin. Ceux qui tentent en Afrique ont un instrument toujours prêt. Au Kenya, on a d’abord essayé le Tpi et comme ça n’a pas marché, on est certainement passé au plan B.
La manipulation a continué avec des fausses informations publiées sur les journaux français comme Libération du 24 septembre 2013 sur Israël qui aurait dirigé les opérations à Nairobi pour libérer les otages tenus au supermarché. Ce qui est faux bien entendu. Comment le Kenya qui combat avec succès les Shebabs en Somalie depuis 10 ans pouvait-il passer la prise d’otages à Israël qui n’est pas présent avec eux en Somalie ? Mystère.
Je vous conseille de retrouver le discours du président kényan, surtout sur les remerciements. Vous allez tout comprendre. Lorsqu’on voit des déclarations sur les télévisions française comme l’émission « C’est dans l’Air » sur France 5 du lundi 23 septembre 2013, où un pseudo expert de l’Afrique affirme que tous les chefs d’Etat africains sont gardés par Israël, et plus précisément le président camerounais Biya, on comprend vite le pourquoi de tout ce mensonge : la France et son prétendu exploit au Mali.
On a critiqué à l’Ua et le fait que le président de la Cedeao, Ouattara, a préféré programmer une intervention africaine un an après, afin de faire venir la France au Mali plutôt que les Éthiopiens et les Kényans qui avaient dix ans d’expérience avec les islamistes en Somalie.
Avec l’attaque de Nairobi, il fallait faire passer l’image de l’incapacité des africains à se prendre en charge afin de valider l’insistance du président français d’organiser une conférence à Paris sur la sécurité en Afrique. Problème : tous ceux qui sont derrière ces manigances oublient que eux mêmes sont manipulés par une mafia au dessus d’eux, c’est la finance internationale qui n’a pas de visage. Hollande avait juré en campagne électorale de les combattre avant d’aller à Londres dire qu’il blaguait pour amadouer son peuple pour se faire élire et les rassurer que la France restera leur terre de conquête.
Dernier mensonge en date : L’intervention du Kenya et de l’Ethiopie pour rétablir un Etat de droit en Somalie serait financée par l’Europe et les Usa. Faux. Le contentieux entre les Occidentaux et les Africains sur ce dossier s’est très mal terminé, parce que les Africains ne veulent plus qu’une mission en Afrique soit commandée par les non-Africains. Les Africains voulaient bien l’aide, même militaire, des Européens en Somalie à une seule condition : qu’elle soit sous commandement africain. Les Européens et les Américains ont refusé et depuis lors les Africains affrontent seuls ce problème et avec beaucoup de succès.
Cette fable de l’aide occidentale pour la Somalie ressemble à celle racontée sur la pseudo aide américaine à l’armée égyptienne. Comment une armée peut acheter ses équipements dans un pays avec un plan de remboursement et on vient le faire passer chaque fois comme de l’aide ?
A quoi cela sert-il de clamer qu’on est « pays riche », « pays développé », si au final c’est une poignée d’hommes dans une banque qui place ses pions à tous les niveaux de la finance du pays ? La médiocrité des politiciens issus du piège su suffrage universel a permis la création des nations faibles à la merci des financiers. Demandez-vous comment un pays comme la France en seulement cinq ans de Sarkozy a connu 700 milliards d’Euros de dettes, c’est à dire une fois et demi les dettes cumulées de tous les 54 pays africains.
C’est parce que la tant vantée « démocratie » n’est qu’un système bien ordonné où on peut truander le peuple qu’on réduit à l’esclavage et ce dernier est même content, puisqu’on lui brandit tous les jours des images de répertoire des enfants dénutris de la guerre du Biafra qu’on fait passer pour l’Afrique aujourd’hui. Avec cela, Obama était sur le point de suivre Hollande pour aller financer une guerre en Syrie, pour alimenter les Shebabs et djihadiste syriens à aller mettre demain des bombes dans un centre commercial de Paris ou de New-York, alors que le 17 octobre, il doit réussir à convaincre le Congrès pour élever encore le plafond de la dette. L’ancien plafond voté l’année dernière ne suffit plus. Les Usa continuent d’emprunter tous les jours de la Chine pour payer les gardes du corps de Obama, pour payer le repas qu’on lui sert tous les jours sur la table.
Regardez ce documentaire qui est passé sur Arte et vous allez comprendre comment tout l’Occident de la démocratie avancée est tenue de main de maître par la mafia. Et si on insiste à mettre la démocratie en Chine, ce n’est certainement pas pour rendre ce pays plus puissant qu’il ne l’est aujourd’hui, mais juste pour que la même mafia puisse mettre la main aussi sur les richesses de ce pays.
L’Afrique doit trouver sa propre voie, afin d’éviter que les experts en démocratie ne nous installent durablement leur mafia financière. S’ils y parviennent, nous en aurons encore pour des générations et générations de soumission et d’esclavage, exactement comme on le voit aujourd’hui en Grève, en Italie ou en Espagne.
C’est l’économie qui commande la politique et non l’inverse et ne pas le comprendre c’est continuer de vivre dans l’illusion d’une politique puissante, qui au fond n’est qu’un château de papier tant qu’il n’y a pas suffisamment de création de richesses. Sans richesses, tout pouvoir est voué à devenir subalterne à la « mafia démocratique » des puissances de l’argent en Occident. Le cas du Mali nous le prouve valablement.
A la conclusion de ce texte, nous n’avons toujours pas répondu à la question « pourquoi le Kenya ? ». Le Kenya était le symbole de cette Afrique des animaux, sans les Africains qu’une certaine littérature coloniale raciste du 19ème avait tant décrit. Regardez une télévision comme Bbc, le Kenya n’existe que par rapport aux parcs animaliers et ses nombreux safaris. Le Kenya est là où on va chercher la vie sauvage, où on va chercher le sauvage.
Pourquoi la Chine et la Russie ? Parce que ce sont les seuls à avoir le pactole en ce moment, lorsque les autres souffrent du surendettement. Les dirigeants kényans se sont servis tout simplement des autres pays avant eux comme la Thaïlande. Si la Thaïlande cesse d’être le bordel des Occidentaux, c’est grâce aux capitaux surtout russes, mais aussi chinois dans le secteur de l’immobilier notamment.
Aujourd’hui, on a 30.000 Russes qui se sont installés en Thaïlande, c’est-à-dire la population aisée qui a délaissé la Cote d’Azur. La Thaïlande avait commencé avec la guerre de Corée et celle du Vietnam où les Marines américains avaient besoin de trouver un coin avec des filles faciles pour se défouler. C’est comme cela qu’est né la destination touristique sexuelle de la Thaïlande qui, avec l’arrivée du nouveau G2, ne veut plus de ces touristes dépravés qui créent plus de problèmes. Les bordels ferment les uns après les autres à Pataya, remplacés par villas de rêves pour ces riches. Même un ministère spécial a été crée pour aller flatter ces nouveaux riches russes et chinois qui veulent amener leur familles en vacances, dans les hôtels ou dans leurs nombreuses résidences secondaires et ça marche. Par exemple, nombreuses sont les usines chinoises qui offrent comme primes de productivité des voyages en Thaïlande. Le Kenya est tout simplement en train de copier la Thaïlande, pour lancer son développement et ça ne plait pas à quelqu’un apparemment. Mais pourquoi ? Que vont perdre toutes les grandes chaines occidentales d’hôtellerie qui s’y sucraient ?
Pour le savoir regardez la vidéo ci-dessous. Vous en apprendrez du bluff des politiciens occidentaux et de ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre.
(*) Jean-Paul Pougala est directeur de l’Institut d’Études Géostratégiques de Douala au Cameroun et enseigne Géostratégie Africaine à l’Institut Supérieur de Management de Douala.
Source : http://www.pambazuka.org/fr/category/features/89119