Ce samedi 8 septembre 2018, aux Parcs d’Étude et de Réflexion ‘La Belle Idée’ près de Paris, Andrea Novotny a présenté le COPEHU (COurant PEdagogique HUmaniste Universalise) ainsi que le livre « Préparer le chemin des temps nouveaux, un regard humaniste sur l’apprentissage » écrit par Andrea Novotny, Kity Goyena et Sabrina Di Tomaso.
Vidéo de présentation du COPEHU :
Pour voir la vidéo avec les sous titres en français : 1. Cliquez sur l’icône Sous-titres (rectangle blanc en bas a droite de la fenêtre du lecteur vidéo). 2. Cliquez sur l’icône Paramètres (roue dentée en bas à droite), puis cliquez successivement sur Sous-titres, puis sur Traduire automatiquement. 3. Dans la fenêtre qui s’ouvre, faites défiler la liste des langues et cliquer sur Français.
Une question qui transcende les frontières, les cultures ou toute autre variable sociale est la suivante : Comment éduquons-nous pour un monde plus humain ?
Ce fut notre point de départ pour commencer à réfléchir à la manière de contribuer au domaine de l’éducation dans une nouvelle perspective, face au besoin pressant de fonder et de construire de nouveaux paradigmes éducatifs. C’est ainsi qu’est né le COPEHU (COurant PEdagogique HUmaniste Universalise), un mouvement pédagogique né en 2011 en Argentine et qui se développe aujourd’hui en Amérique latine et en Europe.
Les fondements du paradigme éducatif que nous proposons proviennent de la recherche Contributions à une théorie et à une pratique de l’apprentissage intentionnel (dans le contexte latino-américain) menée par un groupe d’étude multidisciplinaire des Parcs d’Étude et de Réflexion « Carcarañá » (Argentine) et « Caucaia » (Brésil). Dans cet écrit ont été esquissés les éléments d’une nouvelle théorie de l’apprentissage basée sur la conception psychologique, la vision philosophique et le chemin spirituel exprimés dans l’Œuvre de Silo (Mario Rodríguez Cobos, penseur, philosophe, écrivain argentin), fondateur du courant de pensée connu sous le nom d’Humanisme Universaliste.
Trois hypothèses ont été émises :
- Les capacités d’attention et d’imagination des enfants sont atrophiées, rigides et limitées dès le début de l’éducation formelle.
- L’ouverture vers le spirituel, la connexion intérieure avec les êtres spirituels qui guident, donnent des réponses, protègent et accompagnent, commune dans la petite enfance et souvent atrophiée par l’externalisme de l’environnement social, peut être cultivée dans des atmosphères de grande diversité, de communication sans jugement et d’intérêt pour les expériences significatives des autres.
- La capacité d’auto-apprentissage se développe mieux dans de petits groupes très diversifiés, disposant d’ordinateurs et d’un accès à Internet, sur la base des intérêts définis par les apprenants eux-mêmes.
Afin de corroborer ces hypothèses, nous avons lancé sur une période de deux ans des retraites sur l’apprentissage intentionnel pour les enfants et les jeunes de 2 à 16 ans et, par la suite, des journées intergénérationnelles. Sur la base de l’expérience partagée avec les enfants, les enseignants et les parents durant ce laps de temps, nous avons confirmé qu’une autre façon d’apprendre était possible et nous avons entrepris de systématiser cette expérience, afin qu’elle puisse être partagée et vécue par d’autres. C’est dans cet intérêt qu’est né ce livre, dans lequel nous avons compilé tout le travail effectué par une équipe beaucoup plus grande que ceux d’entre nous qui ont assumé le rôle de compilateurs. Dans cet ouvrage ont été également rassemblés des témoignages des expériences de ceux qui ont participé.
Nous y développons une théorie de l’apprentissage, tout en fournissant des outils pratiques reflétant la façon dont ce processus a été mené autour de l’apprentissage intentionnel. Ce n’est pas un matériel fermé ; nous aspirons à ce qu’il soit repris par d’autres qui s’en inspirent et développent leurs propres expériences en vue de la construction collective d’une éducation humanisatrice.
Nous affirmons que l’apprentissage admet différents degrés intentionnels : du simple enregistrement de ce qui est perçu par les sens – du fait d’enregistrer des phénomènes, externes ou internes – et à partir de là, l’apprentissage par imitation, l’apprentissage par l’action, l’apprentissage par le jeu, l’apprentissage par l’enseignement, l’apprentissage par l’échange, l’apprentissage par la recherche, l’apprentissage par l’inspiration… à l’apprentissage sans limite, comme mode d’existence lié au sens transcendant de la vie. Nous ajoutons que nous pouvons distinguer également les gradations dans l’intensité de l’ouverture au monde, de cet élan intentionnel de la conscience vers le monde. En commençant par la simple curiosité et l’attention à un monde extérieur plein de stimuli auxquels il vaut la peine de s’intéresser ; en passant par les goûts plus personnels ou les tendances vers certains aspects de la vie, thèmes ou activités ; par la vocation pour une certaine profession ou un mode d’application sociale ; jusqu’à atteindre le degré le plus intense, significatif et profond de la mission elle-même dans le passage par ce plan d’existence.
Dans ce cadre, l’apprentissage est une activité intentionnelle, active et très dynamique de la structure psychique que nous appelons conscience où l’on apprend de ce que l’on fait. Vous apprenez en faisant, en ressentant et en pensant. Le fonctionnement de la conscience est ainsi, on agit et avance par le succès et par l’erreur. Pour nous, c’est la base de l’apprentissage.
Si bien que nous ne pouvons partager la conception de l’apprentissage, gouvernant encore une grande partie de la planète, basée sur un paradigme du XIXe siècle, qui considère l’être humain comme passif et façonnable, où l’apprentissage est une assimilation passive de l’information ; où l’enseignant « donne toutes les bonnes réponses », inhibant chez l’étudiant la possibilité de se développer, de chercher de nouvelles solutions, alors que sa conscience cherche à aller plus loin, à se déployer, à se développer.
Le monde a changé et les choses ne fonctionnent plus telles qu’elles sont. Ce système ne répond plus aux besoins ni aux aspirations humaines d’aujourd’hui. Et, fondamentalement, il ne répond plus à la sensibilité des nouvelles générations : une sensibilité non-violente, solidaire, spirituelle, horizontale, une sensibilité à revendiquer leurs droits, avec la capacité d’autorégulation et d’autogestion.
Combien de temps allons-nous continuer à éduquer pour un monde qui n’existe plus ? J’aimerais vous inviter à réfléchir, en tant qu’éducateurs, à ce pour quoi nous éduquons et comment nous pouvons redéfinir et redonner sens à notre rôle dans la salle de classe.
Pour nous, le but d’une nouvelle éducation est de « permettre aux nouvelles générations d’exercer une vision plurielle et active de la réalité, afin que leur regard prenne en compte le monde non pas comme une supposée réalité objective, mais comme le moyen par lequel l’être humain applique ses actions, le transformant et l’humanisant ». Pour cette raison, nous comprenons l’éducation non pas comme une simple transmission de données cognitives, mais comme une autonomisation pour un développement cohérent dans le monde.
Et nous arrivons ici à un point essentiel du paradigme que nous présentons : la certitude que tout être humain vient au monde avec une mission irremplaçable et non transférable dans une direction humanisatrice : apprendre sans limites, aimer la réalité que l’on construit et surmonter les facteurs qui génèrent la violence, la douleur et la souffrance, tant chez les individus que chez les peuples.
Depuis cette perspective, l’environnement physique et mental, mis à disposition pour faciliter l’apprentissage, le dévoilement et la réalisation d’une telle mission, est essentiel. L’éducateur remplit la fonction d’accompagnant ou de guide, en offrant les outils appropriés, grâce à l’accumulation d’expérience et de connaissance acquises par l’humanité dans ses différentes disciplines, ainsi que la technologie indispensable à cette fin, et en laissant le rôle de protagoniste aux enfants et aux jeunes. En même temps, l’éducateur formé à l’expérience de cette méthode pédagogique apprend et grandit en ayant la possibilité de devenir une référence, un exemple de cohérence. Il s’agit d’apprendre ensemble, de grandir ensemble, élèves et enseignants. À cette fin, nous considérons que l’égalité des chances, la liberté de choix, l’affectivité et la spiritualité sont fondamentales.
Et c’est un autre point clé, essentiel pour nous. La création d’atmosphères affectives positives dans lesquelles les enfants – de même que les jeunes et les adultes – peuvent non seulement apprendre à trouver et à mettre en relation l’information dont ils ont besoin, à penser, à développer leur affectivité et leurs capacités physiques, mais aussi à apprendre, à connaître et à développer leur monde intérieur, à se connecter avec leurs guides intérieurs, à se poser des questions et à trouver leurs propres réponses aux grands thèmes de l’immortalité et du sacré, de l’existence et de son sens, librement et ensemble avec leurs pairs.
Dans ce cheminement d’apprentissage vital de dépassement de la violence, de la douleur et de la souffrance, de la recherche du sens existentiel, se développe l’incorporation de références internes qui nous permettent d’orienter notre propre vie dans une direction cohérente et croissante. C’est le livre du Message de Silo avec son Regard intérieur, ses Cérémonies et le Chemin qu’il propose, que nous prenons comme référence pour guider notre vie dans cette direction.
Pour ceux d’entre nous qui partagent le concept d’apprentissage, et donc d’éducation, dans le sens de l’évolution humaine, il est essentiel de permettre aux enfants, dès les premières années de la vie, d’entrer en contact avec ces « espaces intérieurs ». Comme le disent Mario Aguilar et Rebeca Bize dans leur livre Pédagogie de l’intentionnalité : « il s’agit d’apprendre à reconnaître les signes qui proviennent de ces espaces, à les manier, à se familiariser avec eux, à les interpréter, à les valoriser comme signes de quelque chose de plus grande importance ».
Nous aimerions partager ici un extrait du témoignage d’une jeune fille, Sofia Mazzoldi, alors âgée de 11 ans, sur son expérience après une retraite du Copehu.
« J’étais en train de faire un relax, quand est arrivé le moment de relâcher le cerveau, je me suis sentie apaisée, c’est-à-dire que j’ai eu une sensation que je n’avais jamais eue auparavant. J’ai vu une lumière qui envahissait mes yeux et derrière mes yeux. Et puis j’ai vu un paysage de montagne avec beaucoup d’arbres ; mais je n’y étais jamais allée. Je me suis vue moi-même.
Je n’ai pas vu mon visage, ni aucune partie de mon corps, mais quelque chose m’a dit que je me regardais moi-même. C’était une belle sensation, très belle (…) Je me voyais moi-même mais je ne voyais rien, c’était comme si je voyais depuis un autre endroit qui n’est pas physique, mais profond et vient de l’intérieur, beaucoup plus à l’intérieur.
Ça vient de mon monde, du monde que tu ne peux pas voir avec tes yeux. On ne peut pas voir ça avec des yeux physiques parce qu’il faut le voir avec un regard profond.
Il faut méditer beaucoup pour voir ce monde. C’est un signal pour me guider.
Se voir soi-même ne signifie pas que l’on voit quelque chose, mais que l’on sent, que l’on sent que c’est soi-même et que l’on perd ses peurs parce que l’on se rend compte que le vrai monde est à l’intérieur de soi et que l’extérieur n’est que objets, attractions… Tu rêves d’avoir quelque chose à toi, quand tu réalises que tu n’as besoin de rien, parce que chacun a son monde qui n’est pas quelque chose de MATERIEL, ce qui veut dire que c’est quelque chose que personne n’a, c’est à toi, c’est particulier et tout le monde l’a. Ce qui se passe c’est que les gens ne réalisent pas, parce qu’ils sont intéressés par ce qui est matériel, par ce que l’on peut voir et toucher, bien sûr, si bien qu’on ne veut pas quelque chose de NON MATERIEL. Cela veut dire qu’il n’existe pas si c’est quelque chose qui n’existe pas pour la vue humaine. Mais pourtant c’est quelque chose qui existe, sinon quelle est l’origine de la vie ? La vie n’est pas quelque chose de matériel. »
En synthèse et pour conclure, il s’agit d’un livre qui nous invite à réfléchir sur le sens de la raison pour laquelle nous éduquons et sur la façon dont nous pouvons contribuer au développement intégral des nouvelles générations. Des concepts tels que l’être humain historique et social, la conscience active, l’intentionnalité, les clés de l’apprentissage et la nouvelle spiritualité sont présentés ici comme une proposition pour une nouvelle vision capable de redéfinir le SENS de l’éducation et notre rôle en tant qu’éducateurs.
Aujourd’hui, dans un monde en perpétuel changement, nous aspirons à ce que la « salle de cours » devienne un lieu de convergence de la diversité, de rencontre entre les générations, où la passion d’apprendre, de réfléchir, de débattre, de se rebeller contre ce que l’on veut nous imposer comme vérité absolue est encouragée. En somme, un espace où nous apprenons tous ensemble et où nous sommes en relation les uns avec les autres à partir du meilleur de chacun.
Merci beaucoup !