Il n’échappe à personne que les monopoles médiatiques sont les mercenaires de l’inégalité et d’un mode de vie prédateur et consumériste au service des minorités. Il ne fait aucun doute que la propagande de ces médias parvient à déformer les scénarios, s’appropriant des significations telles que la liberté ou les droits humains, précisément pour les raccourcir, agissant contre le bien-être social…

Je reviens à ce premier paragraphe, pour vérifier d’une manière autocritique, « quel avenir progressiste » il contient.

En une sorte d’erratum anticipé ou de droit à l’auto-critique, ce paragraphe inaugural devrait commencer comme ça : « A une grande partie de la société il échappe le fait que les monopoles médiatiques sont les mercenaires de l’inégalité et d’un mode de vie prédateur et consumériste au service des minorités ».

Mais comme cet article ne sera pas lu par cette grande partie de la société, mais par des lecteurs relativement éclairés, l’appréciation erronée du début est peut-être passée inaperçue. Et c’est là que se trouve l’un des noyaux du problème.

Signaler les noms propres de l’oligopole médiatique dans chaque pays, bien qu’instructif, ne fera pas baisser le prix des actions de ces sociétés produisant de la schizophrénie sociale avancée. Dire que Magnetto, Azcárraga, Zucolillo, Angulo Sarmiento, Ardila Lülle, Santo Domingo, Luksic, Marinho, Cisneros ou Gonzalez manipulent l’opinion publique pour leur propre bénéfice et leur parti pris majoritaire ne les empêchera pas de continuer leur infâme complot.

Vérifier, chiffres à l’appui, la domination de marché abusive des groupes de médias tels que Globo, Televisa, Clarín ou Prisa ne réduira probablement pas leur audience.

Souligner l’intentionnalité politique des médias privés incidents auprès de publics locaux tels que Ecuavisa ou Teleamazonas en Equateur, les médias du groupe Lider en Bolivie, El Mercurio au Chili, Caracol ou RCN en Colombie, Veja au Brésil, La Prensa au Honduras, ABC au Paraguay ou El Universal au Venezuela, pour ne citer que quelques-uns parmi des milliers de journaux et stations de radio et de télévision appartenant à quelques entreprises, ne sera pas en mesure de retourner l’indubitable vision anti-populaire qui anime chaque scrutin électoral.

Tous ces médias autoproclamés indépendants – en réalité dépendants de l’argent des corporations et des directives publicitaires des gouvernements que ces mêmes médias installent – avec le concours de l’armée de journalistes qui privilégient le prestige et les commissions à la déontologie journalistique, font montre d’un comportement antidémocratique scandaleux. Cependant, basé sur des élaborations de marketing minutieuses, leur contenu frauduleux parvient à imprégner l’appréciation d’un large secteur de la population.

Tous parviennent à construire de  » fausses idées communes », à force de répétitions et de scénarios fictifs aux bases à sensation mais convaincantes.

Comment faire cesser cette attaque contre la vérité, l’information et la croissance sociale ?

Des lois ? Bien sûr. Pour limiter l’attribution de l’éventail public aux émetteurs privés, pour élargir l’offre des médias publics et des productions locales, pour attribuer des budgets de financement non arbitraires à des médias communautaires, coopératifs et indépendants. Et pour beaucoup plus encore. [1]

Des médias alternatifs et publics ? Bien sûr. La structure générale de communication d’une nation informée et démocratique doit être essentiellement publique (sans confondre le public avec les partisans) et communautaire. La participation populaire directe aux deux est la clé d’une véritable démocratisation. Il est nécessaire de promouvoir une alliance de communication communautaro-publique. De cette manière, les médias démocratiques cesseront d’être des « médias alternatifs » et deviendront une alternative médiale.

Des contenus de qualité ? Sans doute. Bien que le contenu de qualité, la rigueur critique, journalistique et d’investigation existe déjà dans les alternatives de communication démocratique, il est confronté à l’offre massive du divertissement vide des conglomérats privés, un net désavantage dans la primauté des préférences. Au second plan, il y a une confrontation entre l’éthique et le banal, où le second prend un avantage momentané, une situation propre à un monde en déclin.

Conformément à cela – et aux intérêts improbables – le réel est présenté comme un complot fictionnel et la pure fiction comme forte réalité. Rien de tout cela n’est nouveau. L’assujettissement massif a toujours eu son argumentaire…

Cependant, il est nécessaire que les médias communautaires et publics offrent des loisirs, et si c’est créatif, tant mieux. Rien n’empêche que la production audiovisuelle parvienne aux gens par le biais de plate-formes communautaro-publiques ouvertes ou par Internet, biaisant ainsi l’activité des entreprises qui endoctrinent avec des messages politiques sournois de domination impérialiste.

Réseaux ? L’omniprésence factuelle du discours unique et la mise en place de ses agendas sont peut-être la pierre angulaire du problème, ce que les pratiques de communication communautaires tentent de contrer par des convergences opérationnelles. De plus, avant la transformation des canaux de communication de l’analogique vers le numérique et la convergence multimédia avec Internet, de nouveaux mouvements altruistes de défense des citoyens émergent, formant un front d’action mondial pour un Internet citoyen, ouvert et non manipulé.

La grande question à poser, en en faisant une question étendue et enracinée dans tous les secteurs sociaux est :

La communication est-elle un bien commun, un service public, le droit de chacun et de chacune de s’exprimer et de créer des points de vue communs avec les autres ? Ou est-ce simplement un commerce pour les grands groupes de médias et un moyen de contrôler le sens et les aspects de l’existence ?

L’antidote durable à la manipulation communicationnelle des grands médias concentrés, le seul moyen d’élargir la liberté des options personnelles et collectives, est de limiter politiquement l’expansion des conglomérats médiatiques, de promouvoir les médias communautaires et publics et de sensibiliser le public au rôle de la communication en tant que droit de l’homme inaliénable à travers une initiation massive aux médias.

 

Notes

[1] En ce qui concerne les exigences des lois qui protègent le droit à une communication plurielle et démocratique, il est essentiel, entre autres sources, de consulter

21 points pour le droit à la communication (Argentina)

Projet de loi pour l’initiative populaire de communication sociale électronique et recommandations pour la garantie du droit humain à la communication au Brésil (droit à la communication au Brésil 2017 – Intervozes : Collectivo Brazil de Comunicação Social, p.68)

Proposition du secteur communautaire pour réformer la loi sur la communication organique de l’Equateur

 

Traduit de l’espagnol par Ginette Baudelet