Ces charges, qui concernent également la directrice de la revue, Dinorah Girón, font suite à la publication, le 20 août dernier, d’un photomontage tournant en dérision six femmes politiques issues de la majorité et occupant de hautes fonctions.
Reporters sans frontières plaide pour une révision, sinon pour l’abandon, des poursuites contre les deux représentants de Sexto Poder alors que la mesure de censure et de saisie infligée à la revue après cette publication a, par ailleurs, été levée. La justice doit se montrer à la fois cohérente et respectueuse des garanties constitutionnelles en matière de liberté d’expression.
“Cette caricature, fût-elle d’un goût douteux, ne constitue pas une ‘incitation à la haine’ ou un appel à la discrimination selon des critères sexuels. Une caricature, par nature outrancière, est de fait assumée par ses auteurs comme l’exagération d’un point de vue ou d’une opinion. C’est pourquoi les charges retenues contre Leocenis García et Dinorah Girón doivent être abandonnées ou révisées dans le cadre d’une procédure civile et non pénale. Après Dinorah Girón, détenue quarante-huit heures, Leocenis García doit être libéré sans délai. En quoi, d’ailleurs, les services de renseignement qui l’interrogent sont-ils concernés par ce dossier ?”, s’est interrogée Reporters sans frontières.
“La justice fait-elle preuve d’autant de célérité quand un média d’État se livre aux mêmes outrances ? Ou la loi s’applique indistinctement à tous les médias sur un délit de même nature, ou alors la justice n’obéit plus à la loi mais à l’idéologie. Les garanties posées par la Constitution de 1999 en matière de liberté d’expression se trouvent contredites par ceux-là mêmes qui ont promu et fait adopter la loi fondamentale. Alors qu’approchent les grandes échéances électorales de 2012, une condamnation des journalistes de Sexto Poder alimenterait un climat déjà lourd de tensions politiques. Elle risque également d’aggraver la controverse autour de la future loi de communication pour le pouvoir populaire, déposée à l’Assemblée nationale. Ce texte, dont nous avons reçu copie, confond hélas – dans son actuelle formulation – ‘communication alternative’ et ‘propagande d’État’ sans rien régler de l’équilibre du paysage médiatique”, a ajouté l’organisation.
Sous l’intitulé “Qui est qui ? Les femmes de Chávez au pouvoir”, la caricature de Sexto Poder faisait apparaître en tenue de danseuses de cabaret Luisa Estella Morales, présidente du Tribunal suprême de justice (TSJ) ; Luisa Ortega Díaz, procureure générale ; Gabriela Ramírez, Défenseure du peuple ; la haut fonctionnaire Adelina González ; Tibisay Lucena, présidente du Conseil national électoral ; et Blanca Eeckhout, vice-présidente du Parlement. Ce photomontage a donné lieu, le 21 août, aux poursuites contre les deux représentants de l’hebdomadaire, assorties d’une interdiction de publication et de distribution. La mesure de censure a finalement été levée une semaine plus tard. Dinorah Girón, détenue du 21 au 23 août, est à présent en liberté conditionnelle sous contrôle judiciaire, qui implique notamment pour elle l’interdiction d’évoquer en public la procédure en cours. En fuite au début de l’affaire, Leocenis García avait annoncé qu’il se présenterait à la justice.