Le Collectif Accueil de Merde, remarquable pour avoir tagué en avril dernier “accueil de merde” les murs de l’Assemblée Nationale avec de la mousse au chocolat, organisait hier un événement silencieux, pacifique, et nécessaire.
Trente-six personnes se retrouvent sur un quai de Seine, à deux pas de la Tour Eiffel, vendredi 15 juin, pour embarquer sur un bateau mouche parmi les touristes ; trente-six êtres humains, chacun habillé d’une lettre, formant en s’assemblant une grande phrase : PROTÉGEONS LES HUMAINS, PAS LES FRONTIÈRES.
Tous ne se connaissent pas bien, mais tous ont cette envie de faire avancer les choses, et c’est ce qui les réunit aujourd’hui. L’embarquement se fait parmi les touristes, dans une impression de file d’attente pour une attraction, sous un soleil radieux.
Les 36 lettres s’installent dans une humeur joviale, à tribord. Après quelques minutes de croisière, le signal est lancé : on revêt les T-shirts porteurs de la phrase. Les touristes du bateau sont surpris, mais poursuivent leur visite tranquillement.
Les regards interrogateurs des passants sur les berges se transforment au fur et à mesure du passage de cette embarcation surprenante en applaudissements et cris de soutiens : nous ne sommes pas seuls, bien au contraire. L’ambiance est bon enfant, les lettres répondent aux joyeux signes des promeneurs par de petits mouvements de bras, conscients de l’importance de ce message d’hospitalité et de solidarité envers les exilés, et de peur que les précieux T-shirts deviennent illisibles par trop de mouvement.
Répondant à la symbolique du navire, les passants crient de grands “Aquarius !”, nom du bateau d’SOS Méditerranée qui a secouru depuis février 2016 près de 30 000 personnes, victimes sur leur chemin de détentions, vols, tortures, agressions sexuelles, travaux forcés, fuyant l’enfer de leurs situations dans leurs pays.
C’est qu’à partir de lundi 18 juin 2018, la loi asile-immigration doit être examinée au Sénat. Le temps presse donc, pour interpeller l’opinion publique et mobiliser les gens. Cette loi qui prévoit entre autres de raccourcir la durée moyenne des traitements des demandes d’asile de onze à six mois, de rallonger la durée maximale de séjour en centre de rétention de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours, voire à cent quarante-cinq, donne lieu à des débats tendus au sein de la classe politique.
Selon le collectif, il est temps de réconcilier notre pays avec certaines de ses valeurs fondatrices, de liberté, égalité et fraternité. Et s’il faut multiplier ce genre d’action, le collectif n’est pas à court d’idées.