Photo de Alice Kus
La sécurité sociale britannique (NHS) était l’une des organisations de santé des plus efficaces et des plus rentables. Ce n’est plus le cas. On peut continuer à le dire mais le dernier souffle apporté à son existence, autour du 1er avril par l’Acte de Sécurité sanitaire et sociale, Health and Social Care Bill, est en train de la détruire, comme on s’y attendait.
Comment cela peut-il arriver dans une « démocratie »? Comment une institution aussi estimée par la plupart des habitants de son pays peut-elle être aussi peu respectée par ses « élus » ? Voici quelques éléments de réponse à l’origine de ce désastre.
- Des campagnes médiatiques qui ont fait croire aux gens que ça ne fonctionne pas correctement. Ceci a débuté dans les années 70 avec le Gouvernement Thatcher, et ce n’a jamais pris fin même si le gouvernement travailliste a augmenté les financements pour le NHS.
- Des images de cliniques privées propres et belles, contrastant avec les hôpitaux du NHS, sales et infestés de microbes.
- Des remontées d’erreurs de la part du NHS seulement.
- Des réorganisations permanentes qui troublent et désespèrent employés comme patients.
- Des coupes budgétaires qui entraînent des erreurs de la part d’employés surchargés, et la justification de ces erreurs comme inhérentes au NHS.
- Une concurrence accrue entre les employés afin de rentabiliser et économiser, au détriment de la santé des patients.
- L’intervention de prestataires privés qui augmentent peu à peu leurs participations dans le financement des campagnes politiques et qui offrent des parts aux politiciens. Conséquence : lorsque l’Acte atteint la dernière étape au Parlement, la majorité des députés ont un intérêt privé dans le processus de privatisation (Voici quelques chiffres).
- L’élimination des avocats : des millions de livres du budget du NHS sont utilisées dans des affaires juridiques contre des prestataires privés qui veulent obliger les autorités locales à ouvrir des appels d’offres.
- Des cachotteries dans les manifestes électoraux : n’indiquez pas vos idées. Michael Portillo : « Ils n’auraient jamais pu gagner une élection s’ils vous avaient dit ce qu’ils allaient faire. Les gens sont réellement attachés au NHS ».
- Du pain et du cirque pour amuser les gens, y compris vanter les mérites du NHS lors de l’ouverture des JO, du mariage royal, pour les naissances… afin que les gens ne s’intéressent pas aux vraies informations.
- Une pression exercée sur les médias les plus respectés, par ex. la BBC, pour qu’ils dépeignent une image déformée du processus. « Il y avait une forte opposition à cet Acte de la part des professionnels médicaux, mais cette opinion n’a jamais été véhiculée par les médias les plus écoutés, et tout particulièrement la BBC. Le NHS impacte chaque homme, femme et enfant en Angleterre, mais la plupart des gens ne comprennent pas ce qu’il s’est passé. Le gouvernement y a joué un rôle important. »
- Une répétition à l’infini du mantra néolibéral : « il n’y a aucune alternative, il n’y a aucune alternative, il n’y a aucune alternative… »
- Un discours de liberté, comme si la sélection et la fermeture des services non « rentables » du NHS ne faisaient pas partie du plan visant à entraîner les gens à contracter une assurance santé privée. Les services du NHS doivent être ouverts à la concurrence. Le cœur de métier de corporations transnationales qui répondent aux appels d’offre remportent les contrats gouvernementaux. Elles possèdent l’expérience, de larges poches et une expertise légale pour ce faire. Les petites sociétés et les généralistes locaux ne peuvent concurrencer. C’est ce qu’il s’est passé dans le Surrey avec la reprise des services de la communauté, et dans le Devon avec les services à l’enfance.
- La participation des employés à la grève pour le sauvetage du système de santé est utilisée comme une raison supplémentaire en faveur de la privatisation.
- L’irréversibilité du processus : si un prestataire du NHS perd son contrat en faveur d’un prestataire privé, il disparaît purement et simplement. Un hôpital ferme, une clinique devient un bureau, les employés partent ailleurs. Ainsi lorsqu’un nouvel appel d’offres est lancé, les équipements d’origine du NHS ne sont plus là et ne permettent plus d’être compétitif.
- La discussion d’économiser sur les investissements de santé comme mesure d’austérité … Comme si l’argent n’était pas gaspillé dans les guerres, les armes nucléaires inutiles, les niches fiscales et les paradis fiscaux qui permettent aux plus riches de fuir la fiscalité. Ces montants sont bien plus élevés que ce dont le NHS aurait besoin pour fonctionner plus que correctement.
Traduction de l’anglais : Frédérique Drouet