Reporters sans frontières estime dangereux le verdict rendu à l’issue du procès de Bradley Manning. Même si le soldat a été acquitté de la charge de “collusion avec l’ennemi”, il a été reconnu coupable de cinq chefs d’inculpation pour “espionnage” et de cinq autres pour “vol”. A ce titre, il encourrait une peine supérieure à 100 ans de prison qui doit être rendue publique mercredi 31 juillet à 9 heures 30 (locales, 15 heures Paris).
Il s’agit d’un avertissement adressé aux “donneurs d’alerte” (whistleblowers) contre lesquels l’administration Obama mène une chasse d’ampleur inédite sans prendre en compte l’intérêt public de leurs révélations. Au-delà, c’est bien l’avenir de l’investigation journalistique qui se trouve compromis par un risque de tarissement de ses sources.
“Parmi les révélations qu’il était accusé d’avoir faites auprès de WikiLeaks -elles-mêmes reprises par des journaux tels que The New York Times, The Guardian, Der Spiegel et Le Monde au titre d’une collaboration avec le site de Julian Assange-, Bradley Manning avait mis au jour les graves dérives de la ‘guerre contre le terrorisme’ initiée sous l’administration Bush. La fusillade ‘collatérale’ d’une équipe de Reuters à Bagdad en juillet 2007 à Bagdad par l’armée américaine en est un exemple connu (cf. vidéo). Cette vérité devait-elle être dissimulée au public américain et à l’opinion internationale ? Était-il plus grave de rendre publics de tels actes ou de les commettre ? Les conditions d’incarcération de Bradley Manning, le procès inéquitable dont il a fait l’objet et le manque de transparence des débats en disent long sur le sort ici réservé aux donneurs d’alerte, au mépris des règles élémentaires de l’État de droit. Edward Snowden aurait toutes les raisons de craindre des mesures de persécution, au sens donné à ce terme par la Convention de Genève, en cas de retour aux États-Unis”, constate Reporters sans frontières.
“Le pays du Premier amendement présente aujourd’hui un visage dégradé en matière de liberté de l’information. Cette chasse aux informateurs affecte directement la capacité des journalistes à enquêter sur des thèmes sensibles, notamment ceux touchant à la sécurité nationale. La relance du débat sur la protection des sources au niveau fédéral suffira-t-elle à dissiper les multiples offensives dirigées contre le journalisme d’investigation, comme la récente saisie des relevés téléphoniques d’Associated Press ? L’issue du procès Manning laisse hélas craindre le contraire”, ajoute l’organisation.
Les États-Unis comptent actuellement un journaliste emprisonné.