En ce 23 juin, déclaré par les Nations unies journée mondiale des services publics, l’Observatoire des multinationales, avec le Transnational Institute et neuf autres partenaires, publie Reclaiming Public Services : How cities and citizens are turning back privatisation (« À la reconquête des services publics : comment villes et citoyens tournent la page de la privatisation »). Ce rapport (résumé en français ici) montre que la vague actuelle de remunicipalisation et de rejet de la privatisation est bien plus importante qu’on ne le croit généralement, et qu’elle mène à des services publics à la fois plus démocratiques et plus en phase avec les défis contemporains. L’ouvrage propose un tour d’horizon mondial des nouvelles formes de gestion publique et de dé-privatisation des services essentiels, notamment au niveau local.
La privatisation a eu sa chance, et les résultats sont tout sauf probants. Les discours idéologiques selon lesquels les services publics seraient par nature plus coûteux, inefficients et démodés ne correspondent en rien à la réalité du terrain. Cet ouvrage met en lumière de nombreux exemples qui montrent que citoyens et usagers n’ont pas à se résigner à payer toujours plus cher pour des services de qualité déclinante, et que la dégradation des conditions de travail des agents de ces services n’est pas une fatalité. Depuis des années, les entreprises privées ont pris une place de plus en plus importante dans la fourniture des services publics. Mais le mouvement actuel de remunicipalisation, que ce nouveau rapport examine en détail, montre qu’élus, agents et citoyens sont capables de se mobiliser pour protéger et réinventer les services publics.
Il y a eu au moins 835 exemples de (re)municipalisation de services publics dans le monde ces dernières années, impliquant plus de 1600 villes dans 45 pays. Ce mouvement résulte à la fois de l’échec de l’austérité et de la privatisation à apporter les améliorations et les investissements promis, mais aussi de l’aspiration des élus et des citoyens à répondre aux enjeux de changement climatique et de participation démocratique. La remunicipalisation permet souvent de réduire les coûts et les tarifs, d’améliorer les conditions de travail des agents et la qualité du service rendu, tout en assurant une plus grande transparence et un meilleur contrôle.
Notre recherche a été menée par onze organisations non gouvernementales, universitaires et syndicales, qui ont récolté des exemples de remunicipalisation dans un grand nombre de pays. Cette liste nécessairement très incomplète montre que la remunicipalisation concerne tous les pays et tous les tous les secteurs (eau, énergie, déchets, restauration scolaire, transports, services sociaux, etc.), avec des concentrations particulièrement fortes dans le secteur de l’énergie en Allemagne et dans celui de l’eau en France.
Depuis que la ville a remunicipalisé avec succès son service d’eau en 2000, Paris est largement considérée comme un champion de la gestion publique. Célia Blauel, présidente d’Eau de Paris et Maire-adjointe en charge de l’environnement, du plan climat et de l’eau, déclare : « La reprise en main des services publics locaux par les élus dans des domaines aussi essentiels que l’eau ou l’énergie est un enjeu démocratique majeur. C’est la garantie de plus de transparence et d’un meilleur contrôle citoyen. Face au changement climatique, c’est aussi un levier essentiel pour conduire nos villes sur le chemin de la sobriété énergétique, du développement des énergies renouvelables, de la protection de la ressource et du droit à l’eau. À Paris, nous y travaillons avec détermination. »
La ville de Vienne, capitale de l’Autriche, est elle aussi engagée dans la défense des services publics. Ulli Sima, conseiller municipal en charge de l’environnement et des Wiener Stadtwerke, l’entreprise de services publics municipale, souligne : « Dès 2001, Vienne a protégé l’eau potable à travers une décision de statut constitutionnel. Les services municipaux doivent rester publics et ne doivent pas être sacrifiés au profit privé. Nous voulons nous allier avec d’autres villes pour des services municipaux plus forts. »
Barcelone est actuellement à l’avant-garde du mouvement de reconquête et de réinvention des services publics. Eloi Badia, conseiller de Barcelone pour l’eau et l’énergie, explique : « Il est nécessaire de démystifier le processus de privatisation lancé depuis quelques années par certains gouvernements, parce que c’est un modèle qui n’a jamais prouvé son efficacité, ni sa capacité à améliorer les services ou à baisser les prix. »
NOTE
Un résumé presse de 13 pages est disponible ici.
Lire aussi notre article de présentation du rapport : Remunicipalisation : comment villes et citoyens tentent, malgré l’austérité, d’inventer les services publics de l’avenir
Le livre est co-publié par le Transnational Institute (TNI), l’Observatoire des multinationales, la Chambre fédérale du travail autrichienne (AK), la Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP), Ingeniería Sin Fronteras Cataluña (ISF), l’Internationale des services publics (PSI), Public Services International Research Unit (PSIRU), We Own It, le syndicat norvégien des employés municipaux et généraux (Fagforbundet), le Municipal Services Project (MSP) et le syndicat canadien des employés du public (CUPE).