par Renaud Duterme

Bien qu’étant centrale pour résoudre la situation économique dans laquelle nous nous trouvons, la question de la dette est relativement peu mise en avant dans les discours et programmes des différent(e)s candidat(e)s à la présidentielle française.

Par conséquent, le présent texte se propose de répertorier les différentes propositions des candidats quant à la question de la dette publique et, quand elles existent, celles relatives à d’autres thèmes chers au CADTM tels que les institutions financières internationales ou les relations avec les pays du Sud.

Ce texte se veut purement informatif et n’a donc d’autre but que d’éclairer le lecteur sur les positions des candidat(e)s sur ces questions |1|. Les propositions seront donc reprises sans analyse, le lecteur pouvant largement confronter celles-ci avec les revendications du CADTM |2|. Enfin, rappelons que pour le CADTM le positionnement sur la dette n’est bien sûr pas le seul critère à prendre en compte pour un changement réel de société (voir sa charte politique).

François Fillon

Sans surprise, la gestion de la dette est, chez François Fillon, conforme à l’idéal ultralibéral dont il se revendique en permanence et qui consiste à rembourser l’intégralité de la dette, principalement en jugulant les dépenses (jusqu’à 100 milliards en 5 ans) notamment en supprimant 500 000 postes de fonctionnaires. Ainsi «  réduire la dette suppose forcément de réduire la dépense, mais je souhaite que cet exercice soit aussi l’occasion d’améliorer l’action de l’Etat. ». Et le programme de proposer «  un retour à l’équilibre des finances publiques dans le but de rembourser la dette  ». Son programme inclut également une hausse des recettes, en augmentant de 2 points le taux maximum de TVA (20 % aujourd’hui).

Emmanuel Macron

Plus ou moins le même son de cloche chez Macron, pour qui «  Il n’y a pas de politique qui vaille sans responsabilité budgétaire. C’est pour cela qu’il faut réduire nos déficits. Ainsi il promet de revenir dès 2017 à un déficit public inférieur à 3 % du PIB. La France s’y est engagée mais c’est surtout un devoir à l’égard des générations futures. La première exigence, c’est de respecter cet engagement envers les Français. Nous effectuerons donc 60 milliards d’économies, en responsabilisant les ministres sur leurs objectifs de réduction des dépenses  ». Macron évoque également la nécessité de baisses d’impôts ciblées afin de créer de l’activité économique et de l’emploi.

Nicolas Dupont-Aignan

Le candidat de droite pointe la dette comme une des causes de l’appauvrissement de la France  : «  l’Etat s’endette auprès de banques avides et aggrave la situation en multipliant les sacrifices demandés aux Français : les salaires stagnent, les taxes et les charges sociales s’alourdissent, le pouvoir d’achat s’effrite, la pauvreté augmente  ». Pour résoudre le problème, il envisage «  un retour à la politique de financement par la banque nationale  ».

Marine le Pen

Le programme de Marine Le Pen, de son côté, ne mentionne pas le mot «  dette  ». Cela dit, ses propositions de sortie de l’euro et ses interventions publiques sur le sujet laissent penser à une «  nationalisation » de la dette et à un retour à une politique de financement par la Banque de France. La candidate FN entend «  faire diminuer progressivement le déficit public à compter de 2019, après un effort significatif en 2018 [où ce ratio diminuerait à 4,5 %]  ». Le déficit serait ainsi ramené à 1,3 % en 2022. «  Parallèlement, la dette publique diminuera de près de huit points sur la durée du quinquennat, pour atteindre 89 % du PIB  ». Comment  ? En réalisant des économies sur la gestion de la Sécurité sociale, sur la fraude sociale et l’évasion fiscale (…), sur l’Union européenne, sur l’immigration (…), sur la réforme institutionnelle (…) et sur la délinquance  ».


Benoît Hamon

Pour Benoît Hamon, la dette doit avant tout faire l’objet d’une négociation à l’échelle européenne qui «  décidera de la mutualisation d’une partie des dettes souveraines afin d’abaisser le coût du crédit  ». Ceci dans le but et ainsi d’espérer réduire la dette. Le candidat du Parti Socialiste affirme également la nécessité de « rompre avec la logique de l’austérité  » en renégociant, par exemple, la fameuse limite des 3 % de déficit public. En outre, il propose également de réserver 0,7% du revenu national brut au titre de l’aide publique au développement (ce qui correspond à l’engagement pris par la communauté internationale depuis 1970).

Philippe Poutou

Pour le NPA, l’objectif est l’annulation des dettes illégitimes. Le porte-parole dénonce notamment le transfert de richesses que constitue la dette publique, bien entendu au profit des détenteurs de capitaux.

Nathalie Arthaud

Pour Lutte ouvrière, il n’est pas question explicitement d’annulation de dette mais on la devine à travers la nécessité d’expropriation du secteur bancaire «  La seule politique correspondant aux intérêts de la grande majorité de la société serait d’exproprier les banques et les entreprises financières, sans indemnité ni rachat, et de placer leur activité sous le contrôle de la population.  »

Jacques Cheminade

La priorité chez Jacques Cheminade étant de «  libérer la France de la domination financière  », la question de la dette est assez centrale dans son programme  : Il préconise de «  dé-financiariser l’économie et de «  retrouver le contrôle de notre émission de crédit, car un Etat national demeurant sous tutelle financière n’est pas souverain. Cela implique d’échapper à l’article 123 sur le Traité de fonctionnement de l’UE, qui n’aurait plus lieu d’être, mais aussi d’abroger nos lois du 4 août 1993 (qui interdit à la banque de France d’autoriser des découverts ou d’accorder du crédit au Trésor Public) et du 12 mai 1998 (qui stipule l’indépendance de la Banque de France)  ».

Il insiste également sur la nécessité de «  mettre en place, à une échelle européenne et internationale, des mécanismes publics coordonnés de financement à long terme et à faible taux d’intérêt, en vue de l’exécution de grands travaux, impliquant l’abandon du système monétariste aujourd’hui en vigueur. A l’échelle de chaque pays, les Trésors publics pourront ainsi utiliser, pour les projets d’équipement à moyen et long terme dans les cadres nationaux, européens et internationaux, des avances ou crédits de leur banque nationale ou de leurs pôles financiers publics respectifs à des taux préférentiels, en coordonnant les efforts entre partenaires selon les besoins  ».

Enfin, il exige «  d’Annuler la dette des Etats pour sa part illégitime, étrangère à toute création de valeur économique réelle. Pour la part légitime, engagée au service de l’économie réelle, examiner les possibilités de rééchelonnement pour les pays en ayant le plus besoin, au regard et en fonction des bénéfices apportés par les projets à venir financés par du crédit public  ». Il évoque à cet égard le cas de la Grèce «  où près de 90 % des plans d’aide et de crédit qui lui ont été théoriquement accordés ont en réalité servi à renflouer les établissements financiers (banques, compagnies d’assurance, etc.)  ». Selon lui, il est donc évident «  qu’une annulation partielle de sa dette et un moratoire pour une autre part s’imposent. Cette annulation devrait se faire au sein d’une grande conférence internationale en vue de refonder un ordre de développement mutuel entre les nations et les peuples, basé sur ces principes. Le préalable à cette conférence, qu’il nomme un «  Nouveau Bretton Woods  », doit être un nouveau «  jubilé  » d’annulation des dettes illégitimes, déterminées en commun, et son principe ultime, de donner à l’humanité des objectifs communs.

Jean-Luc Mélenchon

Le candidat de la France insoumise exigera «  la réalisation d’un audit citoyen pour déterminer sa part illégitime et préparer un réaménagement négocié (échelonnement des remboursements, baisse des taux d’intérêt, annulation partielle, …)  ». Il demandera également «  le rachat de la dette publique par la Banque Centrale Européenne  ». En cas de refus, il propose un plan b qui comprend notamment «  la réquisition de la Banque de France pour reprendre le contrôle de la politique du crédit et de la régulation bancaire (…)  ». Il prévoit de la sorte de ramener le déficit à 2,5 % du PIB en fin de quinquennat, tout en baissant la dette publique de 95,8 % à 87 % du PIB, via un vaste programme de relance (investissements, hausse du smic de 15 %…).

Dans un registre plus global, il appuie «  la mise en œuvre d’un mécanisme de restructuration des dettes souveraines dans le cadre de l’ONU  ». Il envisage par ailleurs de porter l’aide au développement à 0,7% du revenu national brut, d’en finir avec la Françafrique et de sortir de la Banque mondiale et du FMI pour «  œuvre à la création d’un fond d’urgence sociale et d’une banque solidaire d’investissements  ».

Jean Lassalle

Dans le programme de Jean Lassalle, nous pouvons lire  «  l’objectif d’obtenir 20 milliards d’euros de réduction sur le coût de la dette, soit 0,9 point de réduction de son taux d’intérêt  ». Cet objectif serait réalisé par «  le lancement d’un audit citoyen de la dette publique appuyé par une enquête approfondie sur l’histoire et les conditions de négociation de cette dette (qui viserait une économie de 2 milliards d’euros). Il s’agira également de «  s’appuyer sur cet audit pour renégocier la dette publique passée (20 milliards). Enfin, le candidat insiste sur la nécessité «  d’apporter aux collectivités l’avis expert de l’État (DGFiP du Ministère des Finances) sur leurs emprunts et placement). Au niveau coopération au développement, deux mesures à souligner  : la fin de la supervision du franc CFA par le Trésor français et l’impératif de traités commerciaux équilibrés avec les pays africains.

François Asselineau

Enfin, François Asselineau propose «  d’organiser un grand débat national sur la dette, organisé de façon loyale pour que chaque opinion puisse être exposée et débattue, qui se concluront par un référendum  ».

On voit somme toute se dégager trois tendances dans la gestion de la dette, tendances qui peuvent se retrouver confondues :

  • 1. Elle est utilisée comme un argument pour justifier, comme dans les habitudes néolibérales, le démantèlement des services publics, la réduction des dépenses de l’Etat (Fillon, Macron) et l’austérité généralisée.
  • 2. Elle est réduite à un problème «  européen  ». Le cas de figure préconisé est ainsi, si pas une sortie de l’euro, au moins un refinancement par une banque centrale nationale ou – à l’inverse – une résolution du problème au niveau européen.
  • 3. Elle est remise en question, de façon plus ou moins radicale selon les cas (annulation, moratoire, audit citoyen, renégociation, …).

Sur ce dernier point, on ne peut que se féliciter que la question de l’illégitimité de la dette commence à être présente chez quelques candidats, qui plus est ayant des idées assez différentes. On peut par contre regretter une quasi absence de la question de la dette des pays du Sud, pourtant toujours cruciale pour comprendre les écarts de richesses entre ces pays et leurs homologues du Nord.

 

Notes

|1| Ce texte paraîtra de ce fait peut-être disproportionné, les propositions de certains candidats étant plus développées que d’autres mais cette disproportion ne reflète rien d’autre que l’importance de la question de la dette dans leurs programmes respectifs.

|2| Lire à ce sujet, par exemple l’encadré « La proposition du CADTM concernant la dette publique » à la fin de l’article suivant : http://www.cadtm.org/Que-faire-de-ce-que-nous-apprend

L’article original est accessible ici