Le 2 mars 2016, la leader autochtone Berta Cáceres, défenseure des droits du peuple Lenca au Honduras, récipiendaire du prix Goldman en 2015, a brutalement été assassinée alors qu’elle bénéficiait de mesures de protection de la police nationale en raison des menaces constantes à son égard.
À Montréal, en réponse à l’appel de la famille Cáceres et du Conseil civique d’organisations populaires et autochtones du Honduras (COPINH) et dans le cadre d’une centaine d’actions coordonnées au niveau international, une vigile de commémoration a eu lieu à Montréal, ce 2 mars, devant le consulat du Honduras de 17h à 19h pour rappeler à l’État hondurien que nous n’oublions pas Berta, sa pensée, sa lutte et que nous continuons à exiger justice.
Un an après l’assassinat, de nombreuses irrégularités subsistent dans l’enquête sur l’assassinat de Berta et la tentative d’assassinat de l’activiste mexicain Gustavo Castro, ayant survécu à l’attaque. Huit personnes ont été arrêtées à ce jour, parmi lesquels des militaires, des militaires retraités et des employés de l’entreprise DESA, responsable du projet hydroélectrique Agua Zarca réalisé sur le territoire du peuple Lenca sans son consentement. La famille de Berta Cáceres, le COPINH et Gustavo Castro, dénoncent le manque de transparence et l’apparente manipulation de l’enquête par les autorités gouvernementales.
Berta Cáceres n’a pas été la seule victime de la répression brutale contre les leaders des mouvements sociaux au Honduras. « Depuis le coup d’État de juin 2009, les personnes qui dénoncent des injustices et des violations des droits au Honduras font face à des risques en hausse et des menaces constantes », rapporte Félix Molina, journaliste hondurien ayant couvert le travail de Berta Cáceres et du peuple Lenca et qui a survécu à deux tentatives d’assassinat l’an dernier. Molina, récipiendaire du prix Chavkin pour sa longue trajectoire comme journaliste, se trouve présentement à Montréal et a confirmé sa présence à la vigile.
Un rapport publié en janvier dernier par Global Witness souligne que le Honduras, avec plus de 120 activistes écologistes assassinés depuis 2009, serait à présent le pays où les environnementalistes subissent le plus de menaces au monde. Le 15 mars 2016, deux semaines après l’assassinat de Berta Cáceres, Nelson Garcia, un autre dirigeant du COPINH, était assassiné et en octobre 2016, une tentative d’assassinat est survenue contre le coordonnateur général du COPINH, Tomás Gómez Membreño, et un leader communautaire.
Dans ce contexte, plusieurs organisations de la société civile canadienne diffusent cette semaine une déclaration de solidarité avec le COPINH dans laquelle elles dénoncent l’appui technique et financier du Canada au Ministère public du Honduras, soulignant que cet appui a pour effet de légitimer le contexte d’impunité et de contribuer à ce que des violations des droits humains continuent d’être perpétrées au pays. Au moins deux hauts fonctionnaires du Ministère Public ont des liens avec l’approbation du projet Agua Zarca.
« Au cœur du problème de l’impunité au Honduras se trouve non pas un problème de capacité technique, mais bien un problème politique. Le maintien de l’appui du Canada renforce le soutien politique à une institution qui n’a pas la volonté d’éclaircir les véritables motifs derrière ces assassinats », affirme Karen Spring, du Réseau de solidarité avec le Honduras à Tegucigalpa.
Rappelons que le Canada a montré un appui sans remise en cause aux administrations de l’après-coup suite aux élections de novembre 2009, largement qualifiées de frauduleuses au Honduras et à l’international. « L’accord de libre-échange entre le Canada et le Honduras, ratifié en 2014, est un levier de plus pour les investisseurs étrangers dans un contexte de conflits déjà fortement asymétriques et répressifs. De fait, les investissements canadiens sont nombreux au Honduras dans les mines, l’énergie, les télécommunications et le tourisme, et leur présence a été directement liée dans certains cas à des abus et des menaces contre les défenseurs et défenseures des droits », souligne Marie-Ève Marleau du Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL).
En cette année électorale au Honduras, des groupes et réseaux à travers la planète se mobilisent pour dénoncer l’impunité et l’appui d’institutions financières et de gouvernements étrangers. Aux États-Unis, des députés ont présenté en juin dernier le projet de loi Berta Caceres Human Rights Act, qui vise à mettre un terme au financement octroyé par les États-Unis aux forces armées et policières du Honduras et à des mégaprojets de développement bafouant les droits humains. Le projet de loi sera présenté de nouveau au Congrès américain cette semaine.
Berta n’a pas été tuée, elle s’est multipliée!
Une Vigile de commémoration a eu lieu le 2 mars à Montréal devant le consulat du Honduras, 1255 boul. Robert-Bourassa, Montréal. Elle a compris plusieurs prises de parole et, grâce à la collaboration de Cinéma sous les étoiles et Makila.tv., la projection du documentaire « Berta vive » de Katia Lara.