Au terme de l’année de détention illégale de Milagro Sala, une conférence de presse a été organisée en présence de dizaines de personnalités du monde de la politique, du journalisme, de l’éducation, des arts et des organisations sociales, pour exiger la libération immédiate de Milagro Sala et des autres détenus de l’Organisation Túpac Amaru.
Les participants se sont accordés à dire que la province de Jujuy est devenue le laboratoire de la répression que le gouvernement de Cambiemos [coalition politique argentine, ndt] cherche à instaurer à travers le pays, tout en indiquant que la dirigeante sociale Milagro Sala est emprisonnée parce qu’elle est à la foi femme, indigène et pauvre. Et aussi pour le travail d’organisation territoriale réalisé et pour le travail immense effectué à Jujuy et dans le reste des provinces argentines où l’organisation Túpac Amaru est active.
Les Nations Unies, l’OEA (Organisation des Etats Américains), la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme, Amnesty International, le CELS [Centre d’Etudes Légales et Sociales, ONG argentine, ndt] et toutes les organisations que l’on peut imaginer qui font référence en matière de protection des droits de l’homme ont assuré que la détention de Sala est illégitime, arbitraire et fait partie d’une stratégie de persécution politique, laquelle classe l’Argentine au rang des pays condamnables pour violation des droits humains.
Il en est ressorti la sentence scandaleuse qui empêche Milagro de ne faire partie d’aucune organisation, de quelque type que ce soit, pendant trois ans, durée du mandat du gouverneur Gerardo Morales 1er, le fléau de l’Altiplano.
Le 16 janvier 2016, quelques secondes avant sa mise en détention, Milagro Sala a twitté que la police l’avait arrêtée et que « cela ressemblait à de la dictature », un message prémonitoire au regard de ce qui s’est produit par la suite.
Outre les différents comités pour la libération de Milagro Sala, se sont également exprimés les maires d’Ensenada, Mario Secco, et d’Avellaneda, Jorge Ferraresi ; de même que le représentant de la CGT et de la CTA, le gouverneur de San Luis, Alberto Rodríguez Saá. Des messages des organismes des droits de l’homme ont été lus.
Alejandro Garfagnini, secrétaire général de l’organisation Túpac Amaru a remercié la solidarité manifestée par un si grand nombre de personnes d’idéologies et de trajectoires différentes. Ensuite, il est revenu sur les informations fournies par Horacio Verbitsky dans son article publié dans le quotidien Pagina 12 du 15 février et dans lequel il révèle les liens de collusion qu’utilisent la politique et la justice de Jujuy pour s’assurer de l’emprisonnement de Milagro Sala. « Et eux nous accusent d’association illicite? Mais ce sont eux qui forment une association illicite ! », a déclaré le dirigeant de Túpac.
La solidarité envers les Mapuches réprimés de façon brutale dans la province de Chubut a été permanente. L’avocate de l’organisation, Elizabeth Gómez Alcorta, a annoncé qu’ils allaient intenter des procès politiques et exiger la démission des personnes impliquées dans ce réseau de corruption visant l’emprisonnement de Sala : Leandro Despouy représentant des droits de l’homme du Ministère des Affaires étrangères d’Argentine, Mariano Miranda procureur d’état de la province de Jujuy, Federico Wagner mandataire de Gerardo Morales et Clara de Langhe de Falcone présidente du tribunal suprême de Jujuy. « Que peut-on attendre de ce Tribunal après avoir pris connaissance de tout ceci ? », se demandait l’avocate.
Taty Almeida, présidente des « Mères de la Place de Mai – ligne fondatrice », a appelé à la lutte sociale et a réaffirmé que nous avons tous confiance en la victoire. « Si les mères ont pu le faire, pourquoi n’en seriez-vous pas capables? », avec la modestie qui la caractérise, et montrant toujours l’exemple pour soutenir les idéaux et la cohérence face à l’adversité.
L’ex-juge de la cour suprême de justice et actuel membre de la cour interaméricaine des droits de l’homme, Eugenio Raúl Zaffaroni, a déploré « J’ai honte de parler de droit dans l’état actuel de la patrie ». Il a assuré qu’en plus « de ne pas avoir honte de ce qu’ils font; ils n’ont pas de pudeur non plus », et a ajouté qu’un secteur minoritaire de la justice est en train de nuire gravement à la démocratie de tout le pays, pas seulement à Jujuy. Et il est revenu sur les faits qui transforment la justice de Jujuy en un système fantoche, rappelant que les propos de Morales «Je ne vais pas relâcher cette femme » étaient en soi un aveu de contrôle de la justice et une démonstration flagrante du manque de division des pouvoirs et des manières de caïd que ce gouverneur-suzerain, comptable de profession, applique dans sa province.
Il a été catégorique en déclarant que la seule action applicable dans une telle situation, d’après la Constitution argentine, est l’intervention fédérale de la province de Jujuy ; et que c’est le gouvernement fédéral qui commet un délit en ne faisant pas son devoir. Il a terminé son intervention en disant que le peuple argentin avait mis des années à « se laver les mains tâchées de sang, aux yeux de l’ensemble des nations, pour les crimes atroces commis durant la dictature ». « Une fois de plus, nous nous tournons en ridicule de façon spectaculaire sur la scène internationale, ce qui nous affecte tous, pas seulement le gouvernement », a-t-il ajouté.
Le dernier orateur de la conférence de presse a été le journaliste et président du Centre des Études Légales et Sociales, Horacio Verbitsky, qui a suivi de près les plaintes et décisions arbitraires émises contre Milagro Sala et d’autres membres de l’association Túpac Amaru.
El Perro [« Le Chien » surnom de Verbitsky ndt ] est revenu sur la stratégie utilisée par Morales pour soumettre les membres des coopératives de Jujuy, en particulier Milagro – alors que le gouverneur n’est en fait que l’employé le plus efficace de la raffinerie de sucre Ledesma et de la famille Blaquier, les véritables détenteurs du pouvoir dans la province, lesquels ont réussi à établir une justice à leur mesure pour s’éviter une quelconque condamnation pour des crimes commis au cours de la dernière dictature civico-militaire et ecclésiastique.
Verbitsky s’est exprimé sur l’ampleur de la figure de Sala et la manière dont elle incarne « la lutte pour la liberté de tous les Argentins », « une chose qu’elle assume, sauf que chacun rentre chez soi et qu’elle reste là-bas. « Entre autres choses, il lui est interdit de réaliser ses cérémonies ancestrales », a souligné le journaliste.
Il a conclu son allocution en affirmant que les déclarations internationales obtenues ne serviront à rien si elles ne se traduisent pas par l’exigence péremptoire de la citoyenneté face au gouvernement national et à celui de Jujuy. Il a ainsi appelé à l’organisation sociale et à la mobilisation permanente en vue de militer pour les exigences de retour à l’état de droit. Il s’est aussi penché sur la différence historique qui existe entre l’Argentine et ses voisins dans ce genre de luttes. « La libération de Milagro ne s’obtiendra qu’avec de l’organisation et la participation populaire. Nous devons tous avoir cela en tête », a-t-il dit avant d’affirmer : « Nous sommes tous ici, et nous n’abandonnerons pas ».
Reportage vidéo réalisé par Voz del Sur [en espagnol] :
Traduction Trommons, révision par l’auteur