La CSI (Confédération syndicale internationale) s’est réjouie de l’appel du bureau brésilien de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) pour la redistribution des terres à lutter contre le travail forcé dans le pays, à la suite d’une décision historique rendue par la Cour interaméricaine des droits de l’homme tenant le gouvernement comme responsable de l’indemnisation de 125 esclaves détenus dans un ranch de l’État de Pará.
Sharan Burrow, Secrétaire générale de la CSI, a déclaré : « De puissants propriétaires terriens sont responsables de l’esclavage au Brésil et ce jugement engage la responsabilité des autorités quant à la protection des travailleurs contre le travail forcé. Le gouvernement de Michel Temer restreint la portée des lois du travail et de la lutte contre la fraude, ce qui expose davantage de personnes à un risque d’être prises au piège dans le travail forcé. Entre-temps, les coupables, et même certains membres du Parlement, échappent à la justice. Une répartition équitable des terres et la pleine application de la loi sont indispensables pour mettre fin à l’esclavage au Brésil. »
Pendant des décennies, les travailleurs brésiliens, souvent indigènes ou afrodescendants, ont été victimisés et maintenus dans des conditions de pauvreté extrême par les propriétaires terriens du nord-est du pays. Au cours des présidences de Luiz Inácio Lula da Silva et Dilma Rousseff, plus de 44 000 personnes ont été libérées de conditions proches de l’esclavage ; toutefois, depuis que Rousseff a été destituée par Temer, la volonté politique de mettre un terme au travail forcé a été absente.
En 2014, le groupe de pression de l’industrie agroalimentaire a réussi à obtenir de la Cour suprême qu’elle empêche la publication d’une « sale liste » des entreprises bénéficiant de l’esclavage. Par ailleurs, certains membres du Congrès brésilien qui ont joué un rôle de premier plan dans la destitution de Rousseff font eux-mêmes l’objet de soupçons crédibles pour leur responsabilité dans des affaires d’esclavage. Dans une affaire en cours d’examen par la Cour suprême pour des raisons de procédure, Beto Mansur (un membre du Congrès qui s’était farouchement opposé à Rousseff) est accusé d’avoir retenu 46 personnes, dont plusieurs enfants, dans des conditions proches de l’esclavage, alors que Nelson Nahim, un membre nouvellement désigné du Congrès, vient juste d’être libéré après n’avoir purgé que quatre mois d’une peine de 12 ans pour sa participation dans une affaire d’esclavage sexuel impliquant des victimes d’à peine 8 ans.
Au total, 30 des 81 sénateurs du Brésil et 130 des 513 membres de la chambre basse sont impliqués dans des enquêtes menées par la Cour suprême. La portée des enquêtes de corruption sur des politiciens proches de Michel Temer, et potentiellement sur Temer lui-même, devrait faire l’objet d’un amenuisement suite au décès du juge de la Cour suprême Teori Zavascki qui supervisait ces enquêtes. Le 19 janvier, Zavascki périssait dans le crash de l’avion léger qui le transportait.
« Le travail d’institutions telles que la Cour interaméricaine des droits de l’homme est indispensable lorsque les systèmes judiciaire et politique ne parviennent pas à faire respecter la primauté du droit, comme c’est le cas aujourd’hui au Brésil. La CSI poursuivra son engagement auprès de ces organismes afin de promouvoir et défendre les droits de tous les travailleurs, » a déclaré Burrow.
La décision rendue dans l’affaire connue sous le nom de Fazenda Brasil Verde, publiée par la Cour le 15 décembre, est la première à appliquer l’article 6 de la Convention américaine des droits de l’Homme interdisant le travail forcé. La CSI a déposé un dossier d’amicus curiae auprès de la Cour en mars 2016, et la Cour a adopté les arguments dans le dossier de la CSI.