Par Rick Wayman, directeur des Programmes et  Opérations, « Fondation pour la paix dans l’ère nucléaire » (Nuclear Age Peace Foundation ou NAPF)

 Lors de la dernière journée du forum de la société civile organisé par l’ICAN (Campagne Internationale pour l’Abolition des Armes Nucléaires) à Oslo, environ 150 personnes prenaient part, à l’heure du déjeuner, à un débat sur « l’Ethique en Politique Internationale ».

À la fin du débat, Frère John Dear a brièvement évoqué une anecdote importante qui en a choqué plus d’un dans l’assemblée. Il a expliqué que de nombreux employés du Laboratoire National de Los Alamos (LALN) – qui se trouve près de son lieu de résidence au Nouveau Mexique –  pensent qu’ils travaillent pour un secteur éthique, peut-être même le plus éthique qui soit.

La définition du mot “éthique” à partir de laquelle je considère la question de l’armement nucléaire est la suivante:

Cette discipline philosophique réfléchissant sur les valeurs relatives à la conduite humaine, concernant en particulier l’évaluation de ce qui est juste, ou de ce qui ne l’est pas, dans certaines actions ainsi que les notions de bien et de mal vis-à-vis des motivations et des finalités de telles actions.

Comment les employés du LANL peuvent-ils vraiment croire que leur travail est éthique? Chaque arme nucléaire que ces employés ont créée, contrôlée et modernisée, depuis l’aube de l’ère nucléaire jusqu’à nos jours, a la capacité d’anéantir des centaines de milliers -si ce n’est plus- de vies en un éclair. La famine résultant d’une guerre nucléaire, même s’il s’agit d’un assez petit échange d’agressions nucléaires à une échelle régionale tuerait des centaines de millions d’autres personnes autour du globe.

La réponse à cette question repose sur la croyance en la dissuasion nucléaire – c’est-à-dire que la menace de représailles massives de la part du pays B empêche le pays A d’initier les hostilités. Ainsi, les armes nucléaires maintiennent la paix et ne seront qui plus est, jamais utilisées.

En tant que signataire de la Déclaration de Santa Barbara contre la dissuasion nucléaire, je ne pense pas que l’idée de la confiance dans le comportement humain fonctionne dans tous les cas ou bien que l’on puisse compter là-dessus pour nous maintenir en sécurité. Un conscient effort doit sans aucun doute être fait par les promoteurs d’armes nucléaires pour ignorer les conséquences humanitaires catastrophiques et très bien documentées de ces armes nucléaires en question afin d’être capable de considérer celles-ci comme « éthiques ».

Lors de la conférence sur la révision du Traité de Non-Prolifération du nucléaire en 2010, David Krieger, président de la NAPF, a demandé à la sous-secrétaire d’État américaine Ellen Tauscher si les États-Unis désiraient mener une « étude d’impact humain» à propos de l’utilisation des armes nucléaires. La réponse de Mme Tauscher fut très simple : « Nous n’avons pas l’intention de faire cela. »

Cette volontaire ignorance continue encore aujourd’hui: le P5 du Conseil de Sécurité de l’ONU (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, France et Chine) a décidé de façon consensuelle d’éviter la conférence du Ministère norvégien des Affaires Etrangères sur les conséquences humanitaires désastreuses des armes nucléaires, qui débute le 4 mars prochain. Participer à cette conférence reviendrait à faire voler en éclats leurs illusions soigneusement entretenues qui consistent à soutenir que « la motivation » et la « finalité » du maintien d’au moins une arme nucléaire est bien éthique.

Au moins 132 pays se réuniront à Oslo les 4 et 5 mars pour examiner les impacts humanitaires des armes nucléaires. La preuve scientifique n’est plus à mettre en doute. Personne ne pourrait dissimuler les conséquences humanitaires catastrophiques des armes nucléaires si un conflit nucléaire survenait.

Les membres du P5 ne peuvent cacher éternellement le fait que l’humanité réclame l’abolition de l’arme nucléaire. Une Convention sur les Armes Nucléaires pour une éradication progressive, vérifiable, transparente et irréversible de toutes les armes nucléaires du monde entier est l’unique option éthique.

Traduction de l’anglais : Julie Godard