Nous retranscrivons ici les commentaires toujours éclairés de David Jiménez sur son blog.
“Le pays qui ne se respecte plus soi-même”
« En écoutant le débat sur la décadence de l’Espagne, on pourrait en arriver à la conclusion que tout cela est arrivé par accident, que nous avons été frappés par le malheur. Nous parlons des corrompus comme s’ils étaient des extraterrestres venus d’un univers lointain. Nous avons observé et envié les hommes politiques des autres pays, nous sommes surpris par leur statut moral, y compris au moment de reconnaître leurs erreurs et d’abandonner. Et nous nous demandons pourquoi nous devons nous contenter des politiciens médiocres, des lâches et des voyous. Pourquoi ne sont-ils pas ceux élus en Finlande ? Seraient-ils un reflet de la société ?
« L’Espagne se regarde dans le miroir et ne s’aime pas mais elle ne parait non plus disposer à faire grand-chose pour changer. Elle proteste contre les politiciens mais vote toujours pour les mêmes. Elle s’indigne face à la corruption mais elle demande si elle peut payer au black. Elle déteste le népotisme mais qu’est ce qu’il en est de mon neveu. Elle souhaite de la culture mais elle nous offre les émissions de télévision les plus grossières. Et elle exige du respect, même si elle l’a perdu pour elle-même depuis bien longtemps.
Il est possible qu’à cause des faux pas de l’histoire, des différents conflits ou de la malchance, ton pays termine entre les mains de Franco plutôt qu’entre celles de Churchill. Mais rien de tout cela n’a permis la réélection de Zapatero, de Rajoy ou de tous ces gloutons qui occupent depuis des lustres les régions et les mairies. C’est le vote conscient des citoyens. Ce sont les valenciens qui donnent au PP la majorité absolue quelques semaines après que ses dirigeants n’aient été accusés de corruption. Ce sont les andalous qui continuent de soutenir ceux du PSOE qui ont transformé la région en une ferme de corruption, d’immoralité et de despotisme. L’Espagne, de Ceuta à Orense, qui affirme dans les sondages qu’elle serait prête à soutenir à nouveau le bipartisme qui a infesté toutes les institutions, en les mettant à leur service et en appelant cela le « Vote utile ».
« Le résultat, c’est cette Espagne où le Président n’est même pas capable de trouver le courage de répondre aux questions d’un groupe de journalistes quand il est accusé de corruption. C’est l’Espagne des anciens présidents Felipe González et José María Aznar, recevant de l’argent en tant que conseillers des grandes entreprises sur lesquelles ils légiféraient quand ils étaient au pouvoir. C’est l’Espagne de Rodríguez Zapatero arrivé au pouvoir pour diriger la nation avec un CV qui ne lui aurait pas permis de trouver un travail dans une entreprise familiale. C’est l’Espagne d’Ana Botella, qui pendant la crise la plus importante de la mairie de la capitale, et pendant que de nombreuses familles madrilènes enterraient ses filles, cherchait un spa pour se relaxer au Portugal. C’est l’Espagne du Roi qui affirme qu’il est temps de serrer les dents avant de prendre la fuite avec son « cher ami » pour chasser des éléphants en Afrique. C’est l’Espagne de ceux qui sont pour faire un traitement de faveur à Emilio Botín pour qu’il régularise 2000 millions d’euros dont sa famille disposait en Suisse mais qui exploitent jusqu’au dernier centime tous ceux qui ne peuvent pas se payer un ticket de bus à Zurich. L’Espagne de Barcenas, amassant environ 22 millions d’euros quand il faisait les comptes du parti au pouvoir apparemment sans qu’aucun de ses dirigeants s’en aperçoivent. L’Espagne de ces 300 charges publique accusées de corruption qui seront probablement réélues par cette Espagne qui ensuite se demandera qu’est ce qu’elle a fait pour mériter ça. »
Traduction de l’espagnol : Marie Le Berrigo