Par : Michel Taube Opinion Internationale.
A moins d’un mois et demi de la COP22 qui ouvrira le 7 novembre à Marrakech, Opinion Internationale inaugure une rubrique consacrée aux solutions pratiques qui permettraient de mettre en œuvre les nécessaires adaptations de nos sociétés à un développement plus durable.
Yazid Chir, Vous êtes le co-fondateur de la startup Be-Bound. D’où est venue l’idée que porte votre entreprise ?
J’ai rejoint Albert Szulman quelques mois après la création de Be-Bound. L’idée vient d’un constat simple : seuls 2 milliards de personnes ont accès à internet. De plus, dans le top 10 des pays où il y a le plus de téléchargements mobiles, 7 sont des pays émergents. Et paradoxalement, dans le top 10 des pays qui génèrent le plus de revenus de cette révolution du digital, il n’y a pas un seul pays émergent.
Nous avons développé une technologie qui ne nécessite aucun investissement et qui permet de rester connecté avec son smartphone à l’internet mobile n’importe où dans le monde et ce, quel que soient le réseau disponible et sa qualité. Nous passons par tous les réseaux : wifi, 3G… et aussi et surtout, c’est là l’idée originale, par le réseau de téléphonie mobile qui offre l’énorme avantage de couvrir près de 95% de la population mondiale.
Très concrètement, 4 milliards de personnes vivant dans les pays émergents disposent d’un téléphone mobile, mais n’ont jamais été connectés à l’internet. Exemple : si vous êtes en Côte d’Ivoire, vous n’avez pas de couverture internet mais vous captez un réseau mobile… Alors, vous allez pouvoir envoyer un email, twitter, accéder à un service géolocalisé…
Notre technologie brevetée est le fruit d’une collaboration entre nos ingénieurs et ceux du PARC (Palo Atlo Research Center de Xerox) dans la Silicon Valley, où notre filiale Américaine est hébergée, une première pour une start-up non-Américaine.
Notre technologie logicielle permet à toute application développée pour un smartphone Android (plus de 85% du marché mondial, et près de 95% dans les pays en voie de développement) de fonctionner sur tous les réseaux mobiles déjà déployés, et donc de servir immédiatement les populations concernées.
Créée en 2011, votre startup s’est largement développée à l’international. Dans quels pays ? Combien de personnes sont connectées à internet grâce à vous ? Et combien le seront dans 1 à 5 ans ?
Nous avons eu la chance de démarrer en 2014 en Algérie avec Djezzy, l’opérateur mobile historique. Aujourd’hui, notre technologie N4B Be-Bound est opérationnelle et déployée dans plusieurs pays (Algérie, Tanzanie, Cisjordanie) et en cours de déploiement en Inde, Bangladesh, Vietnam, Côte d’Ivoire…).
Nous mettons à la disposition des développeurs des pays avec lesquels nous travaillons un kit de développement. Dans notre jargon, cela s’appelle un SDK (Software Development Kit), pour qu’ils puissent en quelques jours adapter leurs applications ou en créer de nouvelles qui ont l’énorme avantage de pouvoir atteindre tout de suite 100% des abonnés des opérateurs et d’être monétisables via Be-Bound et les opérateurs mobile locaux. C’est important dans des pays où, au-delà de la couverture, le principal frein est la non bancarisation de la population.
Les pouvoirs publics français vous soutiennent-ils ?
A l’heure où l’écart de « connectivité » entre zones urbaines et rurales ne cesse de se creuser, les gouvernements, soutenus par les institutions internationales comme la banque mondiale, l’ONU et, en France, l’Agence Française de Développement (AFD), ont fait de la digitalisation des zones rurales et du e-gouvernement une de leurs priorités. Car la connectivité reste le maillon faible de tous les plans actuels. C’est précisément pour répondre à ce souci que Be-Bound a été créé et déploie aujourd’hui sa solution technologique.
Plus précisément, le Ministère des Affaires Etrangères français, et surtout son bras « économique », les équipes de terrain de Business France, nous soutiennent.
Concrètement, Be-Bound a pu profiter des récentes visites présidentielles en Inde et au Vietnam, ainsi que l’action personnelle des Ambassadeurs, pour rencontrer les Ministres desdits pays et lancer sur place des opérations de PoC (Proof of Concept) pour valider la technologie avant de la déployer à grande échelle, en partenariat avec les acteurs locaux (opérateurs mobiles et développeurs d’applications et de contenus mobiles).
Votre solution ne met-elle pas les pays du Sud où vous la déployez sous la dépendance d’un acteur du Nord ?
Dans les pays émergents, nous sommes amis avec les opérateurs mobile, les gouvernements et toute la jeunesse talentueuse de geeks et de développeurs qui ne demandent qu’à profiter de cette formidable révolution que l’on appelle l’économie collaborative ou économie de partage. Nous offrons une opportunité unique de diffuser notre technologie sans nous opposer aux acteurs locaux, et donc de bénéficier de leur soutien puisque nous les valorisons. C’est ce qu’ont bien compris les gouvernements avec lesquels nous avons déjà conclu des accords et c’est la raison profonde pour laquelle ils nous soutiennent.
Le réseau mobile couvre 95% de la population. Seuls 2 milliards de personnes ont accès à internet. Pensez-vous que la terre entière pourra être connectée un jour quand on voit, par exemple, qu’une grande partie de la planète, n’a pas encore accès l’électricité ?
Il est évident qu’il faut électrifier l’Afrique, ce sont deux chantiers parallèles avec l’accès à internet. Pour autant, avec l’utilisation d’une batterie solaire, le smartphone peut être rechargé et l’utilisateur pourra profiter de notre technologie.
J’ajoute que réduire la fracture numérique mondiale, c’est vouloir améliorer le monde dans lequel nous vivons, pour le laisser dans un meilleur état que celui dans lequel nous l’avons reçu. Nous cherchons les partenaires financiers et stratégiques qui partageront cette vision et nous aideront à la concrétiser. Ce qui se joue en investissant dans notre start-up, c’est la création du plus grand store mondial d’applications mobiles qui fera de nous le robin des bois de la révolution digitale mobile.
Propos recueillis par Stéphanie Petit
Yazid Chir participera au Grand Débat organisé par Opinion Internationale avec Aziz Mekouar :
Mercredi 28 septembre de 18h à 20h
Aziz Mekouar: le Maroc au défi de la COP22
Ambassadeur pour la négociation multilatérale de la COP22
Alors que de nombreux Etats ratifient l’Accord de Paris qui nous a redonnés espoir, le Maroc s’apprête à accueillir la COP22 à Marrakech du 7 au 18 novembre, rendez-vous mondial des engagements concrets et de l’adaptation à l’économie verte, tremplin pour les pays les plus vulnérables, en particulier l’Afrique et les Etats insulaires, carrefour de la jeunesse et des solidarités universelles. Débat sur les défis verts du Maroc et la transmission du relai entre Paris et Rabat.
Aziz Mekouar sera interrogé par Michel Taube, fondateur, Harold Hyman, rédacteur en chef, et Charlotte Dammane, journaliste d’Opinion Internationale. Grands témoins : Chakib Benmoussa, Ambassadeur du Maroc en France, Mustapha Bakkoury, président de MASEN (Moroccan Agency for Solar Energy) et du Grand Casablanca, Yazid Chir, co-fondateur de la start-up Be Bound qui connecte à Internet des zones isolées via les téléphones mobiles, Romain Nadal, porte-parole du quai d’Orsay, un(e) représentant(e) de Laurence Tubiana, « championne de haut niveau » pour le suivi des engagements COP21.
Un verre de l’amitié offert, bar à disposition.
Lieu : Aérogare des Invalides – Le Transit
2, rue Robert Esnault-Pelterie 75007 Paris – Métro Invalides
Réservation obligatoire : redaction@opinion-internationale.com