Par Amy Goodman et Denis Moynihan

Chacun sait que le 1er décembre 1955, Rosa Parks a refusé de laisser son siège dans le bus à un passager blanc, à Montgomery dans l’Alabama, lançant ainsi le mouvement des droits civiques. Ce lundi 4 février 2013, nous avons fêté le 100ème anniversaire de sa naissance. Après sa mort à l’âge de 92 ans en 2005, la plupart des médias l’ont décrite comme une couturière fatiguée et pas comme une fauteuse de troubles. Mais ces médias se trompaient. Rosa Parks était une fauteuse de troubles de première catégorie.

Le professeur Jeanne Theoharis démystifie le mythe de la couturière tranquille dans son dernier livre « La vie de rebelle de Rosa Parks ». Madame Theoharis m’a dit que « c’est l’histoire d’une vie d’activisme, une vie que l’on peut qualifier de rebelle, qui commença des années avant sa célèbre prise de position dans le bus et n’a cessé que des décennies plus tard. »

Elle est née à Tuskegee, dans l’Alabama, et élevée dans la conviction qu’elle avait droit au respect et le droit d’exiger ce respect. Les lois Jim Crow de ségrégation étaient alors bien installées et la ségrégation imposée par la violence. Dans le comté de Pine Level, où elle vivait, les enfants blancs prenaient le bus pour aller à l’école, tandis que les Afro-Américains y allaient à pied. Rosa Parks se rappelait « Mais pour moi la vie était ainsi, nous n’avions d’autre choix que d’accepter la coutume. Le bus était l’une des premières indications qui m’ont fait comprendre qu’il existait un monde noir et un monde blanc. »

Peu avant ses vingt ans, Rosa a rencontré Raymond Parks et ils se sont mariés. Rosa décrivait Raymond Parks comme le premier militant qu’elle ait rencontré. Il était membre du groupe local NAACP de Montgomery et, lorsqu’elle apprit que les femmes étaient les bienvenues aux réunions, elle y assista. Elle fut élue secrétaire du groupe.

C’est là que Rosa rencontra E.D. Nixon, un organisateur travailliste radical, et collabora à son action. Rosa Parks fut capable de participer à la Highlander Folk School au Tennessee, en 1955. Cette école était un lieu de réunion des militants – noirs et blancs ensemble – voulant mettre fin à la ségrégation, où ils développaient des stratégies et tactiques de résistance non-violente. C’est là que Pete Seeger et d’autres ont écrit la chanson « We Shall Overcome » (nous vaincrons) qui deviendra le thème du mouvement des droits civils.

Parks est retournée à Montgomery et à son travail de couturière. Le 1er décembre 1955, elle a quitté son travail et pris le bus pour rentrer. «  Le chauffeur disait que si je refusais de laisser ce siège, il devrait appeler la police. Et je lui ai dit « Appelez donc la police. » a dit Rosa Parks sur les ondes de Pacifica Radio en avril 1956. « Le temps était venu où j’avais été bousculée jusqu’à la limite de ce que je pouvais tolérer. » Son arrestation en ce jour a causé le boycott des bus de Montgomery, qui a duré plus d’une année. Il était dirigé par un jeune pasteur, Martin Luther King Jr. Rosa Parks a aidé Martin Luther King à se lancer. Environ 50.000 Afro-Américains ont pratiqué le covoiturage, utilisé les véhicules des églises, ont pris les taxis d’autres Afro-Américains, ou ont marché. Le boycott a mis en péril les entreprises des Blancs et leur système de transport public. Parks et d’autres ont intenté une action en justice contre la ségrégation et, en juin 1956, une cour fédérale a juge inconstitutionnelle la ségrégation dans les bus.

Les Parks ont déménagé à Detroit. Elle a repris son action, réagissant aux émeutes de Detroit en 1967, discutant avec des membres du mouvement Black Power comme Stokely Carmichael. Elle s’est opposée à la guerre du Vietnam. L’historienne Theoharis note que le plus grand héros aux yeux de Park était Malcolm X. Dans les années 1980, Rosa Parks a combattu l’apartheid, en participant aux manifestations à proximité de l’ambassade d’Afrique du Sud à Washington, D.C.

Lorsqu’elle a rencontré Nelson Mandela après sa sortie de prison, celui-ci lui a dit « Vous m’avez soutenu lors de mon emprisonnement, toutes ces années durant. »

Après son décès, Rosa Parks fut la première femme Afro-Américaine à reposer dans la rotonde du Capitole. J’ai accouru à Washington, D.C., pour assister à l’office funèbre. J’y ai rencontré une jeune étudiante et lui ai demandé pourquoi elle se tenait là dehors avec des centaines de personnes, écoutant l’office par les haut-parleurs. Elle m’a fièrement répondu « J’ai envoyé un email à mes professeurs pour leur dire que je ne serais pas en classe aujourd’hui, parce que je vais parfaire mon éducation. »

Rosa Parks a beaucoup à nous apprendre. En fait, elle-même et d’autres jeunes femmes avaient refusé de laisser leurs sièges dans le bus avant le 1er décembre 1955. Vous ne savez jamais quand l’instant magique va se produire. Ce 4 février, la poste des Etats Unis sortira un timbre « Rosa Parks Forever », un rappel de l’empreinte qu’elle a laissé. Rosa Parks n’était pas une couturière fatiguée. Comme elle le disait à propos de cette action courageuse, « J’étais fatiguée seulement de me laisser faire. »

Amy Goodman est l’éditrice de “Democracy Now!,” une chaîne d’information de télévision et radio quotidienne diffusée dans plus de 1.000 postes en Amérique du Nord. Elle est co-auteure de « La majorité étouffée, » un best-seller du New York Times.

 

Traduit de l’anglais par Serge Delonville