Par Hervé de Malières
Les déchets nucléaires vont s’accumuler dans les années à venir avec le démantèlement des centrales et l’accumulation des combustibles radioactifs traités. Et aucune solution pour les éliminer n’a encore été trouvée. La seule solution proposée est de les enterrer et de les surveiller pendant des milliers et des milliers d’années…
Lorsque la décision a été prise de lancer en France le programme de construction de 19 centrales nucléaires et de 58 réacteurs, les experts savaient bien qu’ils n’avaient aucune solution à proposer pour éliminer les déchets radioactifsproduits par ces centrales. Mais ils croyaient, comme beaucoup, que la science avec le temps allait permettre de trouver des solutions techniques pour régler le problème. Mais 50 ans après rien n’a encore été trouvé. Les déchets provenant des matériaux contaminés et des combustibles usés nous restent sur les bras et sont stockés dans des centres en surface, en attendant une solution miracle…
Et la situation va avec le temps s’aggraver. Dans les prochaines décennies les centrales vont devoir être démantelées, à commencer par les plus âgées comme celles de Fessenheim, de Bugey, de Saint Laurent, de Chinon… La quantité de déchets radioactifs va donc inexorablement augmenter quelle que soit la politique énergétique nucléaire menée. Et il va falloir gérer cet héritage, à très haut risque, du passé.
Un inventaire réalisé par l’ANDRA, organisme officiel chargé de la gestion des déchets nucléaires, vient ainsi de montrer qu’il existe aujourd’hui en France un peu plus de 1,3 million de mètres cubes de déchets radioactifs. Et ses prévisions pour 2020 et 2030 anticipent une très forte augmentation du volume des déchets très faiblement radioactifs provenant des chantiers de démantèlement de centrales et d’installations nucléaires de base, qui » atteindrait à lui seul 1,3 million de mètres cubes en 2030 « , a précisé MC. Dupuis, Directrice de l’Andra, lors d’une audition qui a eu lieu en décembre 2013 à l’Assemblée nationale devant la commission du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire, présidée par Jean-Paul Chanteguet.
Tous ces déchets vont donc nous poser des problèmes considérables dans les années à venir en termes de capacité de stockage et de sécurisation dans le temps, car ils peuvent avoir une durée de vie qui dépasse l’entendement, allant de plusieurs milliers, à plusieurs centaines de milliers d’années.
Stockage actuel en surface
Actuellement ces déchets sont stockés an surface dans trois centres différents.
- Le centre de La Hague stocke 500 000 mètres cubes des déchets radioactifs de faible et moyenne activité. Mais il est aujourd’hui fermé.
- Le centre de Soulaines, situé dans l’Aube, accueille depuis 1992 les déchets à vie courte (environ 300 000 années tout de même !) provenant de l’exploitation et de la maintenance des centrales nucléaires. Mais ce site est aujourd’hui déjà rempli au quart de sa capacité.
- Le centre de Morvilliers , situé près de Soulaines, accueille quant à lui, depuis 2003, des déchets de très faible activité essentiellement issus des démantèlements actuels .Or ce centre est déjà rempli à 27 % et il ne lui reste plus qu’une quinzaine d’années d’exploitation.
Stockage futur en profondeur
En outre, ces centres ne peuvent être que des solutions transitoires, provisoires, car le stockage en surface n’est évidemment pas acceptable pendant des milliers d’années. Deux autres centres de stockage en profondeur sont donc en projet.
L’un est prévu pour stocker les déchets de faible activité mais à vie longue (environ 10 000 ans !) correspondant essentiellement à des déchets de graphite issus de l’exploitation des réacteurs nucléaires de la filière uranium naturel-graphite-gaz, installés dans les centrales de Bugey, Saint-Laurent et Chinon. Ces déchets étant à vie longue ne peuvent pas être stockés en surface. Etant de faible activité ils pourraient être stockés dans une couche d’argile à faible profondeur. Mais aucune commune n’en veut.
L’autre projet porte sur le stockage géologique des déchets de haute et de moyenne activité à vie longue et qui bien que ne représentant que 0,2 % du volume à stocker, (33 000 tonnes à ce jour) ils concentrent 96 % de la radioactivité totale des déchets. Ils sont essentiellement issus du retraitement des combustibles usés desquels son extraits l’uranium et le plutonium. Ils sont aujourd’hui coulés dans une matrice de verre, elle-même placée dans une cuve en inox. Ces déchets hautement radioactifs sont entreposés sur les sites de Marcoule, de Cadarache et de La Hague. Il n’est pas question non plus de les stocker en surface car ils ont une durée de vie d’environ une centaine de milliers d’années.
Le projet CIGEO
L’ANDRA a été chargée de préparer pour 2015 une demande d’autorisation de création d’un centre de stockage, réversible, profond, appelé CIGEO. Sa mise en service est prévue en 2025. Mais ce stockage devra rester réversible pendant au moins cent ans pour permettre, on ne sait jamais, de récupérer ces déchets, de mieux les confiner si nécessaire, et de les traiter si entre temps une solution est trouvée. Or » le stockage géologique des déchets de haute activité à vie longue n’est pas plus simple à concevoir qu’une centrale nucléaire – loin de là ! » estime MC. Dupuis. Le centre devra en effet servir de tombe à la radioactivité après la désagrégation des protections des colis et des ouvrages en béton, tout en assurant la sûreté contre la dispersion de la radioactivité dans les eaux souterraines et dans l’air, pendant un million d’années !
Le site de Bure retenu ?
Un terrain présentant une couche d’argile de 130 mètres d’épaisseur, a été trouvé pour construire ce centre. Il se situe dans le sud de la Meuse, à Bure, une commune située à la frontière de la Haute-Marne, pas très loin de Soulaines. Delphine Batho, ministre de l’Ecologie et du développement Durable est allée le visiter le 4 février 2013, car le débat public sur l’enfouissement profond des déchets radioactifs aura lieu cette année et s’articulera avec le débat national sur la transition énergétique. Il portera notamment sur le choix définitif du site, en sachant que les populations locales demeurent très réticentes à recevoir ce type d’installations ; sur les conditions de la réversibilité, en sachant qu’il n’existe pas à ce jour de technique permettant de l’assurer ; sur la sécurité, en sachant qu’il est impossible de dire qu’un site d’enfouissement restera stable pendant plusieurs millions d’années ; et sur le coût de l’opération, en sachant qu’aucune installation industrielle de ce type n’a encore jamais été réalisée dans le monde et qu’il sera quasiment impossible d’évaluer un coût de stockage de ces déchets (actuellement estimé entre 15 et 35 milliards d’euros) pendant un million d’années…
Le stockage des déchets nucléaires en profondeur » c’est certes une façon d’enfouir le problème mais pas de le résoudre « , a conclu la Députée Laurence Abeille.
La gestion de ces déchets n’est pas prête d’arrêter de nous préoccuper.
Source : Déchets nucléaires : l’incroyable héritage impossible à gérer – Bioaddict