Par Frank Brunner
Partout où s’observe la vie s’observe un principe d’organisation d’intérêt général, qui veut que chacun des éléments d’un organisme contribue à la prospérité des autres. Ainsi, les divers organes sont complémentaires et chacun bénéficie du bon fonctionnement des autres. Ce principe d’organisation s’observe également au niveau d’un biotope, où végétaux, herbivores, carnivores et charognards exercent des fonctions complémentaires.
A priori, chacun des organismes de la création pourrait être organisé d’une manière spécifique, due au hasard. Il est donc intéressant de comprendre pourquoi tout, dans la nature, est organisé selon une logique d’intérêt général. Pour le comprendre, il faut analyser cette logique d’intérêt général. Bien que sa conception paraisse simple à première vue, elle présente des propriétés extraordinaires, quasiment magiques, qu’on ne retrouve dans aucun autre principe d’organisation.
Si les divers organes de l’organisme -voire d’une cellule de l’organisme- fonctionnaient de manière anarchique, au lieu de se compléter dans une logique d’intérêt général, cet organisme ne pourrait pas vivre. Il serait fondamentalement privé de cohésion. Le cancer est l’exemple d’une cellule qui se multiplie anarchiquement, sans se conformer à la logique de l’intérêt général. Le cancer meurt avec l’organisme qu’il détruit. En s’opposant à l’organisation d’intérêt général, il provoque son autodestruction. Ce principe d’organisation d’intérêt général est manifestement vital.
Au niveau d’un biotope, si les herbivores proliféraient au point de dévorer les végétaux avant qu’ils aient eu le temps de pousser, ils périraient ensuite de faim. Il en irait de même pour les prédateurs, s’ils massacraient aveuglément leurs proies au lieu de ne tuer que pour se nourrir. Les prédateurs exercent un effet régulateur sur leurs proies et contribuent ainsi à préserver l’environnement.
L’équilibre entre les diverses espèces d’un biotope ne résulte pas d’un hasard. Il est organisé et coordonné par des relations de cause à effet. Si les herbivores se raréfient, les petits des prédateurs sont moins nombreux à survivre en bas âge. L’organisation d’intérêt général exerce un contrôle indirect sur l’ensemble, au moyen des relations de cause à effet.
Il arrive qu’une falaise s’effondre et découvre une caverne jusqu’alors scellée. Dans cette caverne, on trouve tout un biotope plus ou moins microscopique, à l’échelle des bactéries, avec ses proies et ses prédateurs. Et là, comme partout, l’ensemble fonctionne par relations de cause à effet, dans une logique d’intérêt général.
Alors même que chaque espèce -et chaque individu au sein de chacune des espèces- se préoccupe exclusivement de son intérêt particulier, tous ces intérêts particuliers sont interdépendants et coordonnés par une logique visant à promouvoir l’intérêt général. Quand on se représente, derrière la vie interdépendante des diverses espèces d’un étang, l’idée mère organisatrice sans laquelle chaque espèce évoluerait chaotiquement, de façon préjudiciable à toutes les autres, au lieu de contribuer à la prospérité de l’ensemble, on constate l’influence de la logique d’intérêt général sur l’évolution de la matière et sur l’évolution de la vie.