Danielle Mitterrand nous a quittés il y a un an. Le 23 novembre 2012, un hommage lui était rendu à l’Assemblée nationale.
La Fondation Danielle Mitterrand-France Libertés a été créée en 1986. Sa fondatrice rêvait de construire un monde plus juste et solidaire. Elle en avait fait son objectif premier, notamment avec la défense des droits de l’homme, la protection des biens communs. En défendant le droit d’accès à l’eau pour tous, elle a permis aux peuples de disposer de leurs richesses.
Au travers de différents témoignages, nous avons pu ressentir combien l’œuvre de Danielle Mitterrand et son esprit restaient vivants.
Certains ont défini Danielle Mitterrand comme une Première dame simple, toujours à l’écoute, une femme de gauche engagée plus radicalement que son époux François Mitterrand. Une femme qui transformait l’impossible en possible, tenace, constante mais surtout cohérente au moment d’agir en accord avec ses principes.
Avec le témoignage de Yamina Benguigui, nous avons senti Danielle proche de nous.
« Mes débuts ont été difficiles dans cette France de tous. Cette France des années 1980 qui rejetait la diversité, où il était difficile de trouver sa place, surtout si tu étais issu d’une famille maghrébine. Une France qui ne reconnait pas ses enfants ». Elle a parlé de Danielle Mitterrand comme d’un soutien moral dans les périodes difficiles. Grâce à elle, elle a découvert sa véritable vocation de cinéaste pour faire parler les images.
« Parler de Danielle Mitterrand, c’est parler d’une maman, mais que l’on a choisie. »
« Nos parents étaient invisibles, nous n’avions pas notre place au bout de 2 générations, nous n’étions toujours pas reconnus comme Français bien qu’ayant la nationalité française. J’ai tout appris de Danielle Mitterrand ».
Une réalité que l’on ne veut pas regarder en face ?
Nous avons écouté le témoignage poignant de Bakary Sakho, membre fondateur et président de l’association Braves Garçons d’Afrique, membre aussi des petits débrouillards: « On regarde le monde, mais on oublie de regarder ce qui se passe dans nos quartiers à Paris, dans le 20ème ou le 18ème. Dans ces quartiers où les jeunes se battent encore pour un coin de rue ! »
Les larmes aux yeux, il fait part de son travail dans les quartiers avec un groupe de jeunes de moins de 20 ans. Il partageait avec nous combien c’était douloureux de ne pas les sauver tous.
« Cette année j’en ai perdu encore 3: 2 filles enceintes malgré elles et un garçon qui est tombé dans le piège. Il est maintenant en prison. Sans parler de ceux qui sombrent dans la schizophrénie à cause du crack. » Un regard qui a ému toute la salle. Un regard réaliste sur la situation des jeunes, regard qui trop souvent change de direction, lorsque l’on passe dans ces quartiers.
Les tables rondes
Se sont alors poursuivies 3 tables rondes, sur des sujets d’échanges et des regards variés sur la situation mondiale actuelle.
Invité par la Fondation, Ricardo Petrella, politologue, économiste italien, installé en Belgique et enseignant à Louvain et en Suisse italienne.
Pour lui, Danielle Mitterrand était une femme prophète. « Les prophètes sont ceux qui engagent leurs souhaits et s’engagent à les réaliser à l’avenir »
Fondateur du comité international pour le contrat mondial de l’eau, l’eau est pour lui plus importante que le pétrole :
« En tant que bien commun, l’eau n’a pas de prix car le droit à la vie ne peut être payant » ajoute-t-il.
Il regrette que la Commission européenne, aujourd’ hui dans son texte, ne mentionne pas le concept de « citoyen » et que le terme « stakeholders » revienne lui, cependant trop souvent.
Il se sent indigné par la perte de nos valeurs véritables et déçu par l’attitude de la Commission européenne et du Parlement européen :
« Cette Union européenne est à jeter à la mer.» nous disait-il.
Invitée également à cette table, Vandana Shiva, scientifique et activiste indienne, prix Nobel alternatif. Dirigeante du mouvement national de protection de la diversité et de l’intégrité des ressources du vivant.
De son vivant,Danielle Mitterrand avait participé aux rencontres internationales sur la bio-piraterie en 2009.
Vandana mène une lutte depuis des années contre le monopole des multinationales comme Monsanto, à qui on permet d’acheter toutes les licences de nouvelles semences.
Elle dénonce que l’on ne parle pas des conséquences de ce monopole et qu’on oublie les plus de 200.000 suicides des producteurs de coton en Inde à ce jour.
Du côté des USA, Susan George, présidente d’honneur d’Attac, altermondialiste américaine auteur de 16 livres dont « Leur crise nos solutions » qui est membre du conseil international de Greenpeace.
Elle revendique le peu de respect des nouveaux colonisateurs: « land grab » . Nouveaux acteurs internationaux qui acquièrent de vastes étendues de terres dans des nations en développement, pour faire de l’eau et des autres richesses naturelles une source de profit en chassant pour cela les habitants de leur propre terre.
« Nous sommes devenus le centre d’une nouvelle façon de désigner l’économie verte vue d’en haut par les multinationales ».
« La nature est devenue susceptible de devenir un profit pour eux ».
Elle nous décrit les nouveaux projets réalisés au Canada, les études de biologie synthétique, études qui permettraient de réaliser un véritable portrait de la nature via satellite. Plus besoin de se déplacer pour acheter telle ou telle autre richesse naturelle. Il suffirait de la visualiser sur écran et de choisir son produit à distance, nous raconte-t-elle.
L’ironie, dit-elle, c’est que des grandes fortunes comme Warren Buffet affirment qu’il y a une lutte de classes mais ils pensent que c’est leur classe qui gagne car elle est en train de s’approprier toutes les ressources naturelles.
Croyance ou réalité ?
Le sujet de la 2ème table ronde était « l’esprit de résistance et l’indignation ».
Le colloque a reçu José Galinga, représentant du peuple quechua de Sarayaku (Amazonie équatorienne). Il nous a ouvert les yeux sur le danger que représente l’invasion des 18 blocs pétroliers venus les chasser de leur terre. Danielle Mitterrand leur a apporté son soutien aux projets sur Sarayaku et a médiatisé leur cause. Cela fait plus de 30 ans qu’ils luttent pour préserver leur forêt, habitat naturel.
« Nous sommes des hommes déjà libres, raison pour laquelle nous voulons conserver notre liberté, notre biodiversité, nos fleuves non pollués, le contact direct avec la forêt qui nous protège et nous donne la sagesse, elle est l’esprit de notre résistance ».
« Les envahisseurs prétendent venir nous développer mais nous sommes déjà développés, où est la différence ? »
« Si eux ont des voitures, nous avons des canoës, si eux ont des supermarchés nous avons la cueillette et la chasse …»
«Ils nous promettent leurs richesses en échange d’être enfermés dans des boîtes ».
« Nous ne sommes pas d’accord sur la manière de procéder des gouvernements. Si une exploitation pétrolière ou minière doit être autorisée, le peuple a le droit d’être consulté avant. Il s’agit d’obtenir un consensus avec les populations au moyen du dialogue et des échanges.
Nous refusons de ne pas être consultés et demandons une bienveillance dans les propositions.»
Il termine son exposé avec une petite anecdote :
« Dans notre culture, nous avons l’arbre de la vie où tout le savoir s’accumule sous forme de colibris. Si nous arrivons à apprivoiser l’un de ces colibris, alors nous aurons la sagesse de pouvoir conduire notre population sur le bon chemin ».
« Dans l’attitude de Danielle Mitterrand notre peuple reconnaît cette sagesse !»
Internet-logiciel libre MOZILLA FIREFOX
Tristan Nitot, président fondateur de l’association Mozilla Europe, porte-parole de Mozilla, fervent défenseur de l’utilisation de logiciels libres et des formats ouverts, nous informe que plus de 5 milliards de personnes dans le monde n’ont pas internet et que 2 milliards l’utilisent déjà.
Il ajoute qu’aujourd’hui les créateurs des systèmes d’exploitation sont les maîtres du net. Se prendraient-ils pour des dieux en décidant quelle application peut être utilisée ou pas par leur système? Ces grandes compagnies comme Google, Apple, Amazon, Facebook, ont le contrôle en empêchant leurs clients d’utiliser les applications qui ne sont pas rentables pour eux, même si elles peuvent améliorer le bien-être commun …
Tristan Nitot donne l’exemple du célèbre Marc Fiore, dessinateur qui proposait des caricatures. Un jour, ses caricatures de politiciens ont été cataloguées comme non respectueuses et donc rejetées par Apple. Impossible de continuer son art sur Apple… Entretemps, celui-ci a gagné le prix Pullitzer pour ses caricatures. Apple lui a présenté ses excuses en justifiant l’erreur comme l’action d’un stagiaire maladroit, renvoyé par la suite pour étouffer l’affaire. Il n’était surtout pas question de rejeter un prix Pullitzer : les conséquences économiques auraient été désastreuses et plus graves que de renvoyer un stagiaire innocent.
Un autre exemple de contrôle et de répression des libertés sur le net est la suppression du livre de Georges Orwell « 1984 » sur Amazon-kindle.
« Nous défendons la liberté d’utiliser l’information au moyen de logiciels libres avec Mozilla. Nous révélons nos codes sources pour être partagés et même modifiés. Notre équipe est formée entièrement par des bénévoles du monde entier, équipe collaborative et ouverte. Notre projet est de permettre à tous d’écrire sur le net et de devenir les acteurs de leur vie numérique ». « Nous essayons de libérer les smartphones avec un nouveau projet le Firefox os, spécifique pour smartphone. Nous voulons libérer le net de ces prisons numériques dirigées par Apple, Google, etc…».
Il termine son exposé sur ces paroles:
« Nous voulons choisir notre mode de fonctionnement numérique et pas celui que l’on voudra bien nous imposer ».