Pour voir l’avenir que nous voulons créer, il nous suffit de regarder au-delà de nos propres frontières.

J’espère que tout le monde lira le nouveau livre Another World Is Possible: Lessons for America from Around the Globe [Un autre monde est possible: leçons pour les États-Unis venant d’ici et là dans le monde] par Natasha Hakimi Zapata. Je pense que les leçons pourraient être valables pour n’importe quel endroit de la planète. Ce sont des histoires de ce qui est possible pour les États-Unis (ou dans certains cas pour un seul État de ce pays) ou presque partout ailleurs. Mais ce sont aussi des histoires de ce qui est déjà réel dans certaines parties du monde.

Dans une mesure limitée et de plus en plus réduite, les États des États-Unis sont des modèles de politiques réussies dont d’autres États s’inspirent et essayent d’imiter. Si vous faites défiler ce site Web, vous trouverez un nombre croissant d’États interdisant la peine de mort, fixant le salaire minimum, etc. Mais les modèles de politiques publiques réussies ont toujours été les plus spectaculaires au niveau des nations, et l’apprentissage des leçons par d’autres nations est étonnamment limité. Au lieu que les États-Unis, par exemple, s’inspirent des investissements européens dans les besoins humains et sociaux, l’Europe « apprend » à consacrer ses ressources à la guerre et à ses préparatifs de guerre, sur le modèle étasunien.

Dans Another World Is Possible, nous ne voyons pas seulement les tendances positives des pays riches, dont les États-Unis sont généralement une triste exception, mais nous découvrons aussi ce qui se fait de mieux dans le monde. Les exemples, examinés en détail, y compris leurs défauts, comprennent : le système de santé du Royaume-Uni, les congés familiaux en Norvège, le logement à Singapour, les écoles en Finlande, les politiques de la drogue au Portugal, les politiques Internet en Estonie, les énergies renouvelables en Uruguay, la loi sur la biodiversité au Costa Rica et les retraites en Nouvelle-Zélande. Ces histoires de réussite, de luttes nécessaires et de bénéfices qui en ont résulté sont absolument stupéfiantes. Et même si nous devrions être capables de savoir qu’il est possible de faire encore mieux, les gens sont souvent mieux persuadés par le fait établi de quelque chose qui a déjà été fait. Et il y a de nombreuses leçons à tirer des détails – là où se trouvent souvent l’émerveillement ou l’échec.

Dans les rares occasions où le regard américain se porte au-delà d’une frontière, quelques excuses très familières sont prêtes à être utilisées : les États-Unis sont trop grands ! Les États-Unis sont trop divers ! Les États-Unis ont leur propre façon de faire les choses, bien supérieure à la moyenne ! Natasha Hakimi Zapata réfute explicitement certains de ces arguments et encore d’autres arguments, à travers les exemples qu’elle fournit. Aucune preuve ne vient étayer ces excuses. Il n’y a absolument aucun lien entre la « diversité » d’une société et son choix de considérer les soins de santé comme un droit ou comme un moyen de faire profiter certains bailleurs de fonds de campagne.

Il est vrai que le public étasunien est divisé et conquis à bien des égards en fonction de la race, de la richesse, des partis politiques, etc. Mais la leçon à tirer pour surmonter ce problème se cache également dans ces réussites. Chacune d’entre elles possède l’ingrédient secret clé, qui n’est pas ni un ciblage approprié, ni des tests de ressources, ni des options publiques, mais l’universalité. L’universalité ne crée pas de stigmatisation pour ceux qui reçoivent quelque chose, ni de ressentiment de la part de ceux qui n’en bénéficient pas (un tel groupe n’existe pas). L’universalité évite l’inefficacité bureaucratique coûteuse et massive qui consiste à déterminer qui est digne [du bénéfice]. Elle renforce la solidarité et encourage une politique dans laquelle des groupes plus larges peuvent s’unir pour apporter de nouveaux changements. Elle décourage non seulement le ressentiment des bénéficiaires réels, mais aussi les préjugés irrationnels contre des groupes particuliers qui en bénéficient ou qu’on imagine en bénéficier. Elle renforce le soutien au maintien d’un programme dans le futur, plutôt que d’ouvrir les moyens de le réduire jusqu’à ce qu’il disparaisse.

Alors que la Terre est secouée par les catastrophes du dérèglement climatique, exacerbées par la guerre, la concentration des richesses et l’ignorance volontaire, il est difficile de ne pas ressentir une tragédie dans les récits de la façon dont les choses sont bien faites dans certains coins de notre planète – et de la façon dont nous pourrions tous nous en sortir si les meilleures pratiques étaient diffusées au lieu des pandémies et des armes. Mais ces récits peuvent aussi être interprétés comme une source d’inspiration pour le travail dont nous avons désespérément besoin. Et Un autre monde est possible contient des exemples d’apprentissage. De nombreux pays ont tiré des leçons, par exemple du système de santé du Royaume-Uni. En fait, il est probable qu’un seul grand pays riche ne l’ait pas fait.

Les succès peuvent être appris et adaptés en fonction des besoins. La Norvège et la Finlande semblent traiter les enfants comme s’ils vivaient dans un monde où ils peuvent se promener librement et en toute sécurité. Cela pourrait être prématuré dans certains quartiers des États-Unis. Mais ces politiques publiques efficaces, prises dans leur ensemble, ne réussissent pas seulement dans leurs sphères limitées séparées. Si les États-Unis devaient copier (il n’y a pas de droits d’auteur !) les meilleures politiques du monde en matière d’éducation, de santé, de congés familiaux et de logement, etc., ils créeraient un endroit plus sûr, à moindre coût et avec moins d’effets secondaires négatifs que ce qu’ils obtiennent avec une police militarisée, des prisons, des tests et une surveillance.

Certains succès nécessiteront une innovation continue. Mais si le débat sur les droits en ligne, la vie privée, la sécurité et la liberté d’expression est interminable aux États-Unis, et si nous en sommes réduits à une censure xénophobe et à des administrateurs milliardaires, alors qu’il existe une solution géante et brillante à de nombreux dilemmes fondamentaux exposée au grand jour en Estonie, pourquoi ne pas au moins l’examiner ? Si Los Angeles brûle à cause de causes qui sont aggravées avec enthousiasme et que l’Uruguay a trouvé une issue, il est peut-être vrai que les États-Unis n’ont pas la même taille, la même forme, les mêmes caractéristiques naturelles ou la même population que l’Uruguay (et qu’il se peut que ses habitants consomment des tonnes d’énergie de plus que les habitants de l’Uruguay), mais pourquoi ne pas au moins y réfléchir ?

Pourquoi ne pas au moins essayer, tant que nous comprenons qu’un autre monde est possible ?

 

Traduit de l’anglais par Evelyn Tischer