Le 15 janvier dernier, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres a prononcé un discours qui donne le ton des actions planifiées par les organisations des Nations Unies pour l’année 2025.
Sommaire de son discours:
L’ONU est le reflet d’une vérité essentielle: les problèmes mondiaux exigent des solutions mondiales. Plus les Nations Unies agissent ensemble pour relever les grands défis partout dans le monde, moins le fardeau qui pèse sur chaque pays est lourd. C’est cet esprit d’espoir – ancré dans l’action – qui doit nous faire aller de l’avant.
Oui, il y a du progrès dans notre monde tumultueux. Mais ne nous faisons pas d’illusions: notre monde est réellement en pleine tourmente et en proie à de graves incertitudes. Nos actions – ou notre inertie – ont ouvert une boîte de Pandore des temps modernes.
Quatre des maux qu’elle contient se singularisent parce qu’ils représentent des menaces qui pourraient, au mieux, désorganiser nos priorités sous tous leurs aspects et, au pire, remettre en cause notre existence même: le déchaînement des conflits, les inégalités généralisées, la crise climatique qui fait rage, et une technologie qui échappe à tout contrôle.
La bonne nouvelle, c’est que nous avons les plans qui nous permettront de relever ces défis. Nous n’avons pas besoin de réinventer la roue. Nous devons la faire tourner. Grâce à l’accélération et à la transformation – guidés par le Pacte pour l’avenir, dont l’application sera au cœur de nos priorités en 2025.
Commençons par la paix.
Les conflits se multiplient, et ils deviennent plus chaotiques et plus meurtriers. L’aggravation des divisions géopolitiques et la méfiance jettent de l’huile sur le feu. La menace nucléaire est à son plus haut niveau depuis des décennies. Les droits humains dans leur ensemble sont constamment pris pour cible.
L’impunité est endémique – marquée par des violations récurrentes du droit international, du droit international humanitaire et de la Charte des Nations Unies, et des attaques systématiques contre nos institutions elles-mêmes.
À Gaza, nous avons sans relâche demandé un cessez-le-feu immédiat. La libération immédiate et sans condition de tous les otages. Et des mesures immédiates pour la protection des civils et l’acheminement de l’aide vitale.
Je tiens à saluer une fois de plus celles et ceux qui sont la colonne vertébrale de la réponse humanitaire – nos collègues de l’UNRWA.
Bien sûr, rien ne peut justifier les attaques terroristes menées par le Hamas le 7 octobre. Et rien ne peut justifier l’ampleur catastrophique des pertes humaines et des destructions infligées au peuple palestinien.
Depuis des mois, la souffrance est sans limite et l’horreur sans fin. J’exhorte toutes les parties à finaliser un accord de cessez-le-feu et de libération des otages. Dans toute la région, nous assistons à un remodelage du Moyen-Orient. Ce qui en résultera est beaucoup moins clair.
En Israël et en Palestine, verrons-nous une décision irréversible conduisant à une solution des deux États, conformément aux résolutions de l’ONU, au droit international et aux accords antérieurs – comme nous l’avons constamment préconisé? Ou bien assisterons-nous plutôt à une annexion continue par Israël… au déni de la des droits et de la dignité du peuple palestinien… et à la destruction de toute chance de paix durable?
Une grande souffrance afflige également le reste du monde, au-delà du Moyen-Orient.
En Ukraine, la guerre est sur le point d’entrer dans sa quatrième année. Nous ne devons ménager aucun effort pour parvenir à une paix juste, durable et globale, conformément à la Charte des Nations Unies, au droit international et aux résolutions de l’Assemblée générale.
Au Soudan, les parties belligérantes ont provoqué des effusions de sang à grande échelle, la plus grande crise de déplacement au monde et la famine. Nous engageons toutes les parties à protéger les civils, à désamorcer le conflit et à trouver un chemin vers la paix.
Au Sahel, nous œuvrons avec nos partenaires en faveur d’un dialogue renouvelé pour renforcer la coopération régionale et faire face aux menaces communes, y compris l’extrémisme violent et la terreur.
En Haïti, les gangs criminels armés continuent de sévir. Nous devons à tout le moins faire en sorte que la Mission multinationale d’appui à la sécurité bénéficie d’un financement durable et prévisible.
Tout comme nous devons le faire pour la Mission d’appui et de stabilisation de l’Union africaine en Somalie.
Du Myanmar à la République démocratique du Congo et au Yémen, et bien au-delà, nous devons continuer à œuvrer pour la paix.
Et cela implique notamment la promotion des engagements pris dans le Pacte pour l’avenir: donner la priorité à la prévention des conflits, à la médiation, à la résolution des conflits et à la consolidation de la paix; continuer à renforcer le maintien de la paix; inclure véritablement les femmes dans les processus politiques et de paix; conclure le premier accord multilatéral sur le désarmement nucléaire depuis plus d’une décennie; de nouvelles stratégies pour mettre fin à l’utilisation d’armes chimiques et biologiques; des mesures essentielles pour prévenir une course aux armements dans l’espace et faire progresser les discussions sur l’utilisation d’armes autonomes létales; et une véritable compréhension des répercussions sur le développement durable de la course aux armements menée aujourd’hui.
Cette boîte de Pandore moderne propage également les inégalités. Ces énormes inégalités sont le signe indéniable que quelque chose est profondément rompu dans nos systèmes sociaux, économiques, politiques et financiers.
Il est possible de venir à bout des inégalités
Nous nous engageons à mener des politiques qui favorisent l’équité, au lieu de nous accrocher aux vieilles recettes qui ont tant échoué. Nous devons agir sur plusieurs fronts.
Nous devons également lutter contre les inégalités en réformant et en modernisant les institutions financières mondiales afin qu’elles reflètent l’économie de notre époque — et non celle de 1945.
Les pays en développement doivent être équitablement représentés dans la gouvernance des institutions dont ils dépendent.
Nous devons renforcer le filet de sécurité mondial – et considérablement accroître la capacité de prêt des banques multilatérales de développement, les rendant ainsi plus grandes et plus audacieuses.
Le Pacte pour l’Avenir appelle tous les pays à atteindre une pleine égalité entre les genres.
En levant tous les obstacles juridiques, sociaux et économiques.
En prenant des mesures ciblées et rapides pour mettre fin à toute forme de violence et de harcèlement envers les femmes et les filles – y compris les violences sexuelles et sexistes.
En accélérant les investissements pour combler l’écart salarial entre les genres, notamment dans l’économie des soins.
Et en garantissant une participation et des opportunités de leadership égales – que ce soit dans les conseils d’administration, les sphères de pouvoir politique ou encore les secteurs d’économies verte et numérique.
Nous devons aussi lutter contre les inégalités en soutenant la jeunesse, partout dans le monde.
La Déclaration sur les générations futures engage à renforcer la participation des jeunes aux processus décisionnels – aux niveaux national et mondial.
Nous devons œuvrer en faveur de communautés inclusives et mettre fin à la propagation de la haine et de l’intolérance – y compris l’antisémitisme, l’islamophobie, et la discrimination envers les communautés chrétiennes minoritaires.
Cela est d’autant plus important à l’heure où les mécanismes de protection sur les réseaux sociaux sont démantelés – laissant libre cours à la prolifération de la désinformation et des discours haineux.
De la boîte de Pandore a aussi surgi la crise climatique qui dévaste et ravage notre monde.
Il suffit de regarder les collines de Los Angeles. Berceaux des films catastrophes, elles sont devenues une scène de catastrophe.
Mais qui paie le prix de la destruction climatique partout dans le monde?
Certainement pas le secteur des combustibles fossiles, qui empoche les profits et les subventions des contribuables alors que ses produits causent des dommages considérables.
Ce sont les gens ordinaires qui souffrent: leur vie et leurs moyens de subsistance en pâtissent; les primes d’assurance augmentent, les cours de l’énergie sont volatiles et les prix alimentaires sont en hausse. Et ce sont en particulier les plus vulnérables, celles et ceux qui ont le moins contribué au déclenchement de ce désastre.
Cette année, chaque pays s’est engagé à présenter pour l’ensemble de l’économie de nouveaux plans d’action nationaux pour le climat, ou contributions déterminées au niveau national, qui cadrent avec l’objectif de 1,5 °C.
Tout cela doit être réalisé conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées.
Nous savons bien que les circonstances et les capacités varient d’un pays à l’autre, et nous savons également que tous les pays doivent faire davantage. Et l’Organisation des Nations Unies en fera davantage.
Et j’écris aux dirigeants des plus grandes économies, qui sont les plus grandes émettrices, pour les encourager à coopérer et à saisir cette chance.
La bataille pour l’objectif de 1,5 °C ne peut être gagnée sans une élimination rapide, juste et assortie de financements des combustibles fossiles dans le monde entier.
Enfin, la technologie jaillit elle aussi de la boîte de Pandore.
Certes, la révolution technologique offre des possibilités sans précédent. Mais elle appelle également une gestion prudente.
Nous avons la responsabilité historique de veiller à ce que cette révolution profite à l’humanité tout entière, et pas seulement à quelques privilégiés. Le Pacte numérique mondial trace la voie à suivre pour traduire les aspirations en actions, en mettant l’accent sur l’intelligence artificielle.
L’ONU doit agir – rapidement et de manière décisive – de trois manières:
Premièrement, tout le monde doit avoir accès, à égalité, aux connaissances et aux informations les plus récentes concernant l’intelligence artificielle (IA).
Deuxièmement, nous devons promouvoir une gouvernance de l’IA qui protège les droits humains tout en favorisant l’innovation. Le monde a besoin d’une IA éthique, sûre et sécurisée.
Troisièmement, nous devons aider les pays en développement à mettre l’IA au service du développement durable. L’IA peut contribuer à réduire la pauvreté, à améliorer les soins de santé et l’éducation, à accélérer les découvertes scientifiques et à favoriser une croissance durable. Mais pour cela, il faut combler le fossé mondial en matière d’IA.
L’humanité doit rester maîtresse de la technologie. Alors que l’IA transforme notre monde, chaque pays doit contribuer à façonner l’IA.
Ensemble, faisons en sorte que l’intelligence artificielle serve les objectifs les plus nobles: le progrès, l’égalité et la dignité de tous les êtres humains.
Ce sont là les maux qui emplissent la boîte de Pandore des temps modernes que nous devons affronter en priorité: conflits, inégalités, crise climatique et dangers d’une technologie incontrôlée.
Mais j’aimerais conclure par ceci.
Le mythe de Pandore ne se résume pas à ce qui est connu du plus grand nombre. Une lecture attentive du poème ancien révèle qu’une fois que les horreurs s’étaient échappées, Pandore remarqua qu’il restait une chose dans la boîte.
Comme l’a écrit le poète: « Seule resta l’Espérance. »
Il y a là une leçon à tirer de notre époque. Jamais nous ne devons perdre espoir. Et nous nous emploierons à révéler cet espoir au grand jour par l’action.
Pour le réaliser. Pour le répandre. En défendant nos principes. En disant la vérité. En ne renonçant jamais.
En notre quatre-vingtième année, bâtissons un monde plus pacifique, plus juste et plus prospère, dont nous savons malgré tout qu’il est à notre portée.