Le gouvernement colombien doit accorder la priorité au droit des communautés indigènes et d’origine africaine de décider du développement de leurs terres et s’affranchir de la volonté des compagnies d’exploiter ces territoires pour leur profit, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport publié mercredi 4 novembre 2015.
L’accès aux territoires riches en ressources et leur exploitation est l’une des questions critiques des pourparlers de paix entre le gouvernement et le mouvement de guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), qui se déroulent actuellement à La Havane, à Cuba. De nombreux Colombiens qui ont été contraints de quitter leurs foyers en raison du conflit armé cherchent à retourner sur leurs terres et à les récupérer.
« La propriété et l’occupation des terres sont au cœur de la guerre en Colombie, qui a contraint six millions de personnes à partir de chez elles depuis 1985 du fait des violences. Tout accord de paix sera dénué de sens si les droits des communautés indigènes et d’origine africaine de retourner vivre sur leurs terres et de décider de leur utilisation n’ont pas la priorité sur la volonté des compagnies d’exploiter ces terres pour leur propre profit », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.
Six millions de personnes ont été déplacées de force en raison du conflit colombien. Quelque huit millions d’hectares – soit 14 % du territoire colombien – ont été abandonnés ou acquis illégalement. La plupart des personnes touchées sont des membres des communautés indigènes, d’origine africaine et paysannes, dont l’existence dépend de leurs terres.
Nombre de ces communautés ont été contraintes de quitter leurs terres après des années de menaces et des homicides imputables aux forces de sécurité, aux paramilitaires agissant souvent avec la complicité de l’armée, et aux mouvements de guérilla. Les déplacements d’habitants se déroulent bien souvent dans des secteurs qui ont un potentiel en termes d’exploitation économique, notamment minière.
Au fil des ans, les autorités colombiennes ont accordé des licences à des compagnies minières, entre autres, qui cherchent à exploiter ces terres et leurs vastes ressources naturelles. Dans le cas des territoires des communautés indigènes et d’origine africaine, elles l’ont souvent fait sans les consulter réellement et sans obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé.
En 2012, le gouvernement a lancé un programme de restitution des terres et de réparations pour certaines victimes du conflit armé. Ce processus, qui a marqué une avancée importante dans la politique visant à traiter la question des droits des victimes, s’avère trop lent et n’est que partiellement mis en œuvre.
Une petite partie des personnes qui réclament la restitution de leurs terres ont pu les récupérer ou en obtenir la propriété légale, tandis que les autorités n’ont pas dûment soutenu celles qui ont pu retourner sur leurs terres.
Les lois adoptées par le gouvernement pourraient en fait rendre les choses encore plus difficiles pour les personnes parties sous la contrainte qui veulent regagner la propriété légale et le contrôle de leurs terres. La Loi n° 1753, adoptée par le Congrès en juin 2015, pourrait faciliter pour les compagnies le lancement d’opérations sur des terres acquises illégalement ou dont elles se sont assurées le contrôle en bafouant les droits humains, notamment des territoires qui appartiennent collectivement aux communautés autochtones et d’origine africaine.
Depuis 2008, les autorités colombiennes ont enregistré des demandes d’exploitation minière et accordé des titres miniers aux multinationales sur plus de 60 % du territoire de la communauté autochtone d’Alto Andágueda, dans le département du Chocó, dans le nord-ouest du pays, mettant en péril l’existence même de la communauté.
Cependant, en septembre 2014, Alto Andágueda a fait l’objet du premier jugement concernant la restitution des terres indigènes.
Ce jugement a rendu espoir aux milliers de personnes contraintes de fuir les violences commises par les forces de sécurité, les paramilitaires et les groupes de guérilla qui luttent pour contrôler les zones riches en ressources. Cependant, les autorités n’ont pas mis en œuvre la plupart des mesures ordonnées par les juges pour garantir que la communauté puisse subvenir à ses besoins sur son territoire.
« Pour les populations autochtones, d’origine africaine et paysannes, l’accès à la terre n’est pas un caprice, mais fait partie intégrante de leur identité et de leur existence en tant que communautés. En s’abstenant de favoriser leur retour durable, les autorités colombiennes condamnent simplement des milliers de personnes à subir la pauvreté et des violations persistantes de leurs droits fondamentaux », a déclaré Erika Guevara Rosas.
Le rapport intitulé “Colombia: Restoring the land, securing the peace – Indigenous and afro-descendant territorial rights” sera disponible sur amnesty.org.