Vikas kumar a vécu des moments très durs dans son enfance, une enfance bien différente de celle des autres enfants de son âge. A neuf ans, il choisit de fuir son foyer familial et ses parents qui le maltraitaient.
Il a travaillé pendant deux ans dans la collecte des ordures à la gare, et a réussi après un difficile combat à renoncer à la toxicomanie.
Aujourd’hui, c’est un jeune reporter qui collabore avec Balakenama ou «La voix des enfants», un journal entièrement rédigé et édité par les enfants de la rue en Inde.
Une première dans le monde de la presse le journal Balakenama se distingue de tous les autres journaux du fait qu’il est dirigé par des enfants vivant dans les rues, et se concentre sur les dures réalités du travail des enfants, le mariage précoce, la sexualité et d’autres questions qui affectent des milliers d’enfants vivant dans les bidonvilles en Inde.
Dans une interview accordée au Centre de Doha pour la Liberté des Médias, Kumar montre sa frustration et son désarroi: « Quand on parle aux actualités du chien d’un acteur de Bollywood qui est blessé et que cela fait les pages de couvertures de tous les journaux et d’un grand nombre de médias, alors que les enfants des rues meurent sur les rails de métal ou dans des accidents ou autres mésaventures, de cela personne ne s’en soucie».
Il ajoute: «Nous souhaitons que les enfants des rues jouissent d’un meilleur traitement, qu’ils soient considérés avec leurs semblables d’une manière égale et équitable. Nous faisons de notre mieux pour faire entendre leur voix».
Lancé à New Delhi en 2003, avec un petit groupe de 35 enfants, aujourd’hui, le journal est diffusé dans sept villes du pays et compte 10.000 adhérents (des enfants).
Grâce à Balakenama, Kumar et d’autres enfants de la rue ont désormais une nouvelle chance, un but dans leur vie et peuvent défendre leur dignité et lutter sans relâche pour leurs droits.
Channu, ancienne rédactrice en chef et actuellement consultante au journal Balakenama explique : «Quand j’ai discuté avec les collaborateurs à Chetna, une ONG indienne, qui travaillent avec les enfants de rue, j’ai pensé que j’étais la seule à être privée d’éducation et de l ‘enseignement et je devais travailler très dur pour aider ma famille ».
Mais lors de nos ateliers de formations, j’ai rencontré de nombreux enfants qui comme moi vivaient la même situation, une situation injuste.
Elle ajoute: «Je suis parvenue à connaitre mes droits à travers ma collaboration à Balakenama , j’ai pu également retrouver la jeune fille combative qui existe en moi. Au début, je devais mentir à mes parents en prétendant que j’avais trouvé un emploi pour être en mesure de continuer à travailler au journal».
Parmi les obstacles qui entravaient le travail des enfants dans ce nouveau projet: l’environnement inapproprié et les conditions économiques très difficiles en Inde où la plupart des journalistes passe une grande partie du temps à visiter les familles en vue de les convaincre de permettre à leurs enfants de rejoindre l’équipe du journal en vue d’obtenir un emploi et de poursuivre leurs études en parallèle.
Channu raconte : « Je passe énormément de temps à donner des conseils sur le travail en tant que reporter pour les enfants et les familles ».
Elle ajoute: «Chaque fois que nous sommes en réunion éditoriale pour parvenir à une décision sur le sujet de la première page, nous faisons de grands efforts, et nous disposons d’un réseau de correspondants qui travaillent dur afin de nous fournir des articles exclusifs et de qualité qui n’ont pas été traités par d’autres médias ».
Le journal est composé de huit pages comprenant des actualités et des nouvelles provenant de diverses villes de l’Inde telles que New Delhi, Noida, Mathura, Gualaar Jhansi et Agra.
L’un des articles qui a été sélectionné pour la page de couverture portait sur le froid hivernal et le temps glacial qui frappe le nord de l’Inde ainsi que les différentes méthodes à suivre pour maintenir la sécurité des enfants de la rue.
Kumar s’étonne: « Tout au long de cet hiver, nous avons vu beaucoup de couvertures médiatiques sur les médias traditionnels concernant la vague de froid et les moyens de s’en préserver, cependant, il n’ y a jamais eu de couverture relative aux conditions de vie des enfants qui dorment dans les rues ou sous les ponts» .
«Ces jeunes enfants journalistes sont devenus de véritables célébrités, ils sont sollicités par un grand nombre de médias étrangers pour des entrevues et des documentaires » .
Channu explique : « Un de nos reportages sur les enfants de la rue qui n’ont pas accès à l’éducation a été diffusé sur la quatrième chaîne indienne. Un grand soutien s’en est suivi, certains enfants ont pu rejoindre l’école et reprendre leur scolarité grâce aux dons des téléspectateurs».
« Aujourd’hui, c’est un sentiment extraordinaire que l’on ressent, quand notre journal peut changer des choses et quand nos articles créent la différence » .
Article traduit par Yassari Sanae