Le 27 juillet 1953, après trois années de conflit armé qui ont coûté la vie à plus de 3 millions de civils, les États-Unis et la Corée du Nord ont signé un armistice garantissant la cessation des hostilités dans la péninsule coréenne jusqu’à la conclusion d’un accord de paix définitif, qui n’a pas encore pris place à ce jour. Techniquement, les deux nations sont donc toujours en guerre.
Au cours de la huitième décennie de cette guerre sans fin, le collectif d’enseignants Ending the Korean War EKR (terminer la guerre de Corée) a organisé une série d’événements explorant le besoin d’éducation politique en tant qu’outil anti-impérialiste contre la guerre permanente dans les géographies militarisées qui couvrent la Corée et le Pacifique.
Le 4 avril 2024, à l’université du Maryland aux États-Unis, un débat a eu lieu sur le thème « Géographies critiques de l’interminable guerre de Corée : De Pyongyang à Vieques », au cours duquel d’éminents professeurs et activistes ont tenté de faire la lumière sur la manière de dévoiler les lignes de continuité entre les « espaces militarisés » du 38e parallèle et les lieux de diaspora au-delà de la péninsule coréenne ; sur la manière dont il est possible de comprendre les géographies multi-échelles de la guerre de Corée et où se situent les effets de la guerre et comment ils convergent, s’effondrent et négocient les macro et micro-effets de l’impérialisme.
Ce débat a été suivi d’un deuxième panel intitulé « L’éducation politique contre l’empire aujourd’hui », qui s’est concentré sur les perspectives des jeunes chercheurs du collectif d’enseignement « Ending the Korean War » et des organisateurs politiques et activistes de la coalition « Act Now to Stop War and End Racism ANSWER » (Agissez maintenant pour arrêter la guerre et mettre fin au racisme) et de Nodutdol [NdT: Nodutdol est une agence non gouvernementale de Coréens à New York], qui ont rassemblé la recherche et l’activisme politique dans le but de démanteler l’empire.
Plutôt que de comprendre la guerre de Corée comme un événement du passé spécifique de la Corée et des Coréens, ces sessions ont visé à générer une analyse des conséquences structurelles de grande envergure à travers tout le Pacifique qui sont rarement identifiées avec la guerre elle-même.
À travers une lentille prismatique, ce symposium a offert une nouvelle perspective sur les conséquences biopolitiques de la guerre de Corée (séparation des familles, industrie de l’adoption internationale, prostitution militarisée, diasporas queer, relations raciales aux États-Unis), ses géographies de l’ombre (Corée du Sud, Guåhan, Hawaï, Philippines, Porto Rico) et sa signification infrastructurelle (le complexe militaro-industriel, l’État de sécurité nationale, l’empire des bases, l’université impériale).
L’invitation est de construire collectivement une approche multidimensionnelle pour mettre fin une fois pour toutes à la guerre de Corée à travers des pédagogies critiques dans le milieu universitaire et l’organisation de la communauté.
Les sessions à l’Université du Maryland (UMD) ont été suivies le lendemain par une action politique au Mémorial de la guerre de Corée dans le National Mall à Washington DC.
En collaboration avec la coalition « Act Now to Stop War and End Racism » (ANSWER) et Nodutdol, l’action a fourni aux participants un contexte critique et des perspectives alternatives à la mémoire d’État consacrée par Mémorial de la guerre de Corée.
Au lieu d’une commémoration impérialiste centrée sur les États-Unis qui contourne la brutalité asymétrique de la guerre, sa nature permanente et ses conséquences étendues, cette action a intégré et mis en œuvre les discussions de la veille sur l’éducation politique et les droits humains.
En attendant, le peuple coréen, comme tous les autres peuples colonisés pour des raisons de richesse, de pouvoir et de calcul géopolitique, aspire à la fin de cette guerre et de toutes les guerres.
Traduction de l’anglais, Evelyn Tischer