À partir de juillet 2023, le mois de juillet le plus chaud jamais enregistré dans le monde, nous sommes entrés dans le « point d’ébullition mondial », comme l’a souligné à juste titre le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. [1]
Par Nikos Stergios (*)
Les scientifiques sont clairs. Les deux plus grandes menaces de destruction de la planète (et pas seulement de l’espèce humaine) sont actuellement au nombre de deux : la crise climatique et les armes nucléaires. Elles sont toutes deux dues à l’activité humaine et, en fin de compte, totalement interconnectées. En plus de présenter la menace évidente d’un retour à l’âge des amibes, les armes nucléaires font partie des dépenses militaires. Et c’est là que commence le flirt avec la destruction de l’environnement…
La fameuse « bootprint », l’empreinte environnementale des dépenses militaires, a été délibérément supprimée du protocole de Kyoto, de l’accord de Paris et du Green Deal européen. La raison en est évidente. Comme l’ont montré les deux dernières études très éclairantes du Transnational Institute (TNI) et de ses partenaires (2022 [2] & 2023 [3]), les dépenses militaires sont liées à 5,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), et selon le rapport annuel du Stockholm International Policy Research Institute (SIPRI) [4], en 2022, les dépenses militaires mondiales ont atteint le chiffre record de 2,2 billions [2,200 000 000 000] de dollars américains ! Il est évident qu’en plus de la menace croissante que cette intensité de la militarisation mondiale fait peser sur la paix, la démocratie et la liberté, il y a un prix que l’environnement naturel doit payer.
Depuis plusieurs années, mais officiellement depuis la réunion de 2014 au Pays de Galles, l’OTAN a adopté une politique visant à augmenter les dépenses militaires de tous ses États membres pour qu’elles atteignent au moins 2 % du PIB. Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cette demande est devenue plus pressante de la part des dirigeants de l’OTAN, mais aussi des États-Unis, à l’égard des États membres qui ne s’y sont pas encore conformés. En 2021, seuls six des 31 États membres ont dépensé plus de 2 % de leur PIB pour l’armée, à savoir l’Estonie, la Grèce, la Lettonie, la Pologne, le Royaume-Uni et les États-Unis. Cet objectif est devenu une obsession pour Trump, qui a menacé à plusieurs reprises de se retirer de l’OTAN si les nations européennes n’atteignaient pas « immédiatement » l’objectif de 2 %. La Grèce occupe la première place (données de 2021) avec 3,7 % du PIB et figure également parmi les dix premiers pays émettant le plus de tonnes métriques de dioxyde de carbone (KtCO2e), un gaz à effet de serre essentiel, tandis que 26,3 % de la population se situe au niveau du seuil de pauvreté et d’exclusion sociale ou se trouve déjà en dessous, selon Eurostat (2022)[5].
La récente enquête TNI (2023) met en lumière un autre aspect tragique de la politique européenne. Que se passerait-il si les pays européens membres de l’UE et de l’OTAN augmentaient toutes leurs dépenses militaires [pour qu’elles atteignent] plus de 2 % de leur PIB comme demandé ? Le coût serait tout simplement supérieur à 1 000 milliards d’euros (€), soit autant que ce qu’il faudrait investir dans la mise en œuvre de l’Agenda vert européen. Je me demande quelle sera la priorité lors des prochaines élections européennes.
De plus, l’analyse des exportations d’armes des membres de l’OTAN montre qu’elles sont actuellement envoyées à 39 des 40 pays les plus vulnérables sur le plan climatique ; 17 d’entre eux sont déjà en conflit armé, 22 ont des régimes autoritaires, 26 ont de mauvais résultats sur les indicateurs de développement humain et neuf font l’objet d’embargos sur les armes décrétés par les Nations unies ou l’Union européenne. Ces exportations alimentent les conflits et la répression à une époque dangereuse de dégradation du climat.
L’invocation constante de la « sécurité » pour justifier la militarisation de la société et la logique de la « dissuasion » pour éviter l’élimination des armes nucléaires, [élimination] déjà prescrite par le traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN [en francais] – TPNW [ en anglais]) [6], ne sont rien d’autre que des distractions politiques qui détournent l’attention de la plus grande crise de sécurité à laquelle l’humanité dans son ensemble ait jamais été confrontée : l’effondrement climatique et/ou l’extinction de la quasi-totalité des formes de vie sur la planète.
Les leçons sont claires. Le « kaki » menace de devenir le nouveau « vert ». La lutte contre le changement climatique et l’anéantissement nucléaire dépendra, entre autres, de la réduction des dépenses militaires mondiales, de l’élimination des armes nucléaires, de la désescalade des tensions et de la promotion de la diplomatie, de la paix et de la coopération internationale. Cela dépendra des actions individuelles et collectives qui affirment que la guerre et les armements sont irrationnelles et que la paix et la démilitarisation sont rationnelles.
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(*) L’auteur
Nikos Stergios est le président de la section grecque de l’organisation « Monde Sans Guerres et Sans Violence ».
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Références :
[1] https://news.un.org/en/story/2023/07/1139162
[2] https://www.tni.org/en/publication/climate-collateral
[3] https://www.tni.org/en/publication/climate-crossfire
[4] https://www.sipri.org/sites/default/files/2023-06/yb23_summary_en_1.pdf
[5] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Living_conditions_in_Europe_-_poverty_and_social_exclusion&oldid=584082
[6] https://www.icanw.org/three_years_on_how_the_tpnw_is_having_impact
Traduction, Evelyn Tischer