Comme c’est le cas depuis quelques années, les dockers italiens parviennent à combiner la lutte pour les droits contre toute discrimination et exploitation, avec des initiatives concrètes en faveur des peuples opprimés. Ils ont construit un réseau entre tous les dockers et depuis des années, dans un silence médiatique total, ils boycottent le transport d’armes qui partent de ou passent par les ports italiens.
« En 2021, avec les dockers de Livourne et de Naples, nous avons boycotté une cargaison de missiles italiens destinés à Israël pour être utilisés contre la population de Gaza. Ce 5 novembre, les syndicats palestiniens ont lancé un appel pour tenter de bloquer la machine de guerre israélienne. Nous avons toujours défendu la solidarité internationale en faveur des peuples qui lèvent la tête contre leurs oppresseurs. Nous sommes des travailleurs qui ne baissent pas les bras et qui sont aux côtés de tous les peuples qui se débattent ». C’est ce qu’écrit le Calp Collectif des travailleurs portuaires autonomes (Collettivo autonomo dei lavoratori portuali) dans un communiqué. Les dockers ont refusé à plusieurs reprises d’être complices du génocide au Yémen, en identifiant et en dénonçant les navires saoudiens qui transportaient les instruments de mort.
Un réseau consolidé, celui de Calp, dans tous les ports italiens, qui, mieux et plus efficacement que bien des beaux discours, que bien des tentatives d’analyses souvent démagogiques et basées sur la conspiration, synthétise avec une extrême clarté l’idée de base qui unit indissolublement la conscience de classe, qui est universelle, à la lutte contre les guerres et les oppressions.
Et tandis que le gouvernement italien, d’abord avec le groupe de Draghi, puis avec la passation de pouvoir à Meloni, décidait, sans opposition significative, d’envoyer des armes en Ukraine et d’augmenter les dépenses militaires, les dockers organisaient des grèves contre la co-belligérance de l’Italie.
Le 25 février 2023, la manifestation organisée par Calp à Gênes a également été rejointe par la mobilisation nationale déjà appelée par USB Mare e Porti, avec une grève de 24 heures dans toute l’Italie pour la sécurité au travail, afin que l’argent destiné à l’escalade de la guerre soit utilisé pour protéger la santé des travailleurs et pour que le passage d’armes dans les ports italiens soit stoppé. Et c’est précisément le conseil municipal de Gênes, la seule institution dans toute l’Italie, qui a approuvé une condamnation du génocide à Gaza, grâce au conseiller de « Unis pour la Constitution » et ancien sénateur Mattia Crucioli, qui a déployé le drapeau palestinien dans la salle d’audience.
Le collectif des dockers était également présent à la manifestation nationale antimilitariste à Rome le 4 novembre, pour dénoncer la complicité de l’Italie dans l’extermination de tant de civils en Palestine et pour indiquer une voie pacifique de lutte : le boycott économique et commercial, la grève civile. Chacun d’entre nous, à sa petite échelle, peut apporter sa contribution : recherchez les produits israéliens ou les entreprises qui font des affaires avec Israël et dénoncez-les, n’achetez pas les produits ou les services.
« Venez nous aider et nous soutenir le 10 novembre à Gênes », a appelé Calp lors de la grande mobilisation du samedi 4 novembre « On arrête les guerres, on ne les célèbre pas », avec la présence massive de drapeaux palestiniens. « L’appel à bloquer la porte San Benigno, à Gênes, à l’aube du vendredi 10 novembre, n’est que le énième acte d’une lutte, celle contre le transit d’armements au port, que le Collettivo autonomo dei lavoratori portuali (Calp) mène depuis plus de cinq ans », rapporte Il Fatto Quotidiano.
« La chaîne logistique est nécessaire pour alimenter les conflits en armes et nous ne voulons pas faire partie de cet engrenage ». La mobilisation des dockers génois, qui, outre le syndicat de base Usb et SiCobas, est soutenue par divers mouvements et associations pacifistes, non violents et humanitaires, fait suite à des manifestations similaires organisées ces derniers jours en Belgique et aux États-Unis, où des militants et des syndicats contestent l’envoi d’armes au Moyen-Orient. La compagnie maritime Zim a mis sa flotte à disposition pour acheminer des armes vers Israël », explique Jose Nivoi, représentant maritime et portuaire du syndicat de base.
« Nous sommes peut-être différents, mais nous pensons que, surtout en temps de crise, il faut rester unis entre travailleurs et ne pas s’identifier au point de vue du patron.
Nous pensons qu’il faut s’organiser, faire front commun, contre les conditions de travail qui vont se dégrader, contre les licenciements qui commencent à arriver. L’histoire du port est faite de travail, de solidarité, de luttes et de travailleurs qui ont su dire « NON » à l’injustice, au fascisme et à la guerre. Si vous perdez ce courage, si vous renoncez à vous interroger sur votre rôle dans cette société, si vous renoncez à avoir la capacité de ne pas collaborer, alors vous renoncez à votre conscience. Tout devient justifiable et l’histoire a déjà montré jusqu’où cela peut aller.
Pensons aussi au trafic d’armes qui prend place avec une force renouvelée au port ; nous n’y sommes pas et n’y serons jamais indifférents. Nous savons aussi mener la guerre et il ne se passe pas un jour ou une nuit sans que les travailleurs ne discutent et ne réagissent. Il y a beaucoup de solidarité et la volonté de se battre est très forte. Les résultats sont et seront difficiles à obtenir, mais nous ne nous en plaignons pas.
Ce sera difficile.
Ce sera risqué.
Ce sera ce que nous déciderons. »
Traduit de l’anglais par Evelyn Tischer