On estime à près de 8000 Palestiniens et 57 travailleurs humanitaires de l’ONU massacrés par Israël depuis le 7 octobre (1400 Israéliens par le Hamas). Les enfants constituent jusqu’à 40 % des morts palestiniennes. Le 24 octobre, le Secrétaire-général Antonio Guterres a répété sa condamnation des actes de terreur du Hamas en Israël et réitéré sa demande d’une libération des otages israéliens. Mais il a rappelé 56 années d’une occupation suffocante de la Palestine, sujette à une punition collective, en dépit de la Loi Internationale Humanitaire qu’il appelle à respecter.

Par Pierre Jasmin

Le 27 octobre 2023, les faits suivants, effrayants, ont réagi à ce discours :

  1. La nature du discours de Netanyahou, fasciste, militariste, raciste et impérialiste, appelant au renvoi du Secrétaire général a été suivie de deux nuits des pires bombardements depuis le 7 octobre sur Gaza, ayant coûté la vie à des dizaines d’otages israéliens tués avec leurs ravisseurs. Les familles des otages israéliens encore vivants assiègent en vain le bureau du premier ministre israélien.
  2. Les GAFAM ignorent ce tournant historique dramatique – si vous googlez notre titre, vous aurez des références, au plus récent, de septembre dernier.
  3. Aucun dirigeant de pays membres de l’OTAN, y compris Trudeau et Joly, n’aurait dénoncé ouvertement ce discours en se portant à la défense de M. Guterres[i].
  4. Ou en tout cas aucun média n’a reproduit de telles dénonciations; aucun éditorial du Devoir ou de nos journaux dits officiels ne condamne ce discours décrit en 1, que les médias censurent sachant qu’il susciterait des protestations légitimes !!!

Dès sa nomination, Pugwash et les Artistes pour la Paix avaient salué en Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, un grand leader de paix[ii]. Des amiEs de l’Agora des Habitants de la Terre, dont le sénateur belge Pierre Galand, se sont prononcé face à la détérioration innommable : « En refusant d’obliger Israël à un cessez-le-feu immédiat et à l’ouverture de couloirs humanitaires, en s’abstenant face à une résolution en ce sens de l’Assemblée générale de l’ONU appuyée par 120 pays, les Occidentaux dont le Canada se rendent complices des crimes de guerre et du programme génocidaire du gouvernement israélien à l’égard de victimes qualifiées d’« animaux humains à traiter comme tels » par le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant. Le tableau ci-dessus montre les États-Unis leaders de six micropays : Tchéquie, Paraguay, Croatie, Hongrie, Guatemala et Autriche.

Jour de la Paix 2019 (ONU), l’artiste Bob Deltredici avait forgé ce tableau prémonitoire

En restant sourds aux appels du secrétaire général des Nations Unies, l’Occident, dont nous faisons partie, affirme sa croyance en sa supériorité, ses bons droits, sa méfiance viscérale pour le reste du monde qualifié jusqu’il y a peu, de colonisés, de « sous-développés » et de migrants que l’UNHCR calcule aujourd’hui à 112 millions d’individus. L’Occident, armé jusqu’aux dents, se rend-t-il compte de la piteuse image que nos leaders donnent de nous ?
Les discours pour une coopération pacifique internationale font place à des arsenaux de lois et d’armes pour contrer ceux que l’Occident qualifiera de « terroristes ». Les droits humains attendront, une fois encore. Et la sauvegarde de la planète attendra, elle aussi.

La Déclaration Kairos Palestine sur la guerre à Gaza des Églises chrétiennes palestiniennes s’exprime ainsi : « Non à la guerre. Oui à une paix définitive. Mais quelle est donc cette guerre si soudaine qui a été lancée de Gaza ? La cause immédiate a été la formation du gouvernement israélien d’extrême droite qui a permis et encouragé les attaques contre la mosquée Al Aqsa et qui a défié les sentiments religieux des musulmans et des chrétiens, malgré les ultimatums et les avertissements successifs qui sont venus de Gaza, des dirigeants palestiniens et d’autres dirigeants religieux et politiques du monde entier. (…) Quant aux causes profondes de la guerre, ce sont l’état de guerre permanent dans lequel les Palestiniens vivent quotidiennement du fait de la domination et de la tyrannie de l’armée israélienne d’occupation et l’insistance absolue des gouvernements israéliens successifs, et en particulier du gouvernement actuel, qu’il n’existe pas d’État palestinien et que le peuple palestinien n’a pas droit à l’autodétermination, avec toutes les conséquences qui en découlent. N’assimilons pas le Hamas au Daesh. Incontestablement, en tuant des civils, ce mouvement a causé des crimes de guerre. Mais Israël s’est aussi transformé en État terroriste (Gaza 2014, les deux Intifadas en Cisjordanie, 1987-93 et 2000 à nos jours, déclenchée par Ariel Sharon sur l’Esplanade des Mosquées à Jérusalem).

Comme l’écrit le journaliste israélien Gideon Levy dans le Haaretz du 9 octobre : « Samedi, ils (les dirigeants israéliens) parlaient déjà d’éliminer des quartiers entiers de Gaza, d’occuper la bande et de punir Gaza « comme elle n’a jamais été punie auparavant ». Mais Israël n’a jamais cessé de punir Gaza depuis 1948, pas même un instant. Nous n’avons rien appris. L’arrogance est là pour rester, même si Israël paye le prix fort. Nous devons maintenant pleurer amèrement les victimes israéliennes, mais nous devons aussi pleurer pour Gaza ». L’association israélienne B’Tselem, avec des journalistes comme Amira Hass et Gideon Levy dans le journal de gauche Haaretz, sauvegardent l’honneur d’Israël. B’Tselem soulignait en 2022 « l’effet néfaste du choix fait par des responsables internationaux (…) de se contenter de paroles et de déclarations creuses plutôt que d’agir et de forcer Israël à payer le prix de sa politique ».

Quant à l’État palestinien, proclamé en 1988, il existe, il est même membre observateur aux Nations unies. Seulement, il est occupé depuis juin 1967, avec la bande de Gaza maintenue depuis 2007 comme une « prison à ciel ouvert ». Qu’ont fait les dirigeants occidentaux pour que cette occupation cesse ? Rien, sinon des « mises en garde », des « inquiétudes », des « préoccupations, des blâmes », « une sévère réprimande », une « énième protestation », voire une « condamnation », etc., jamais la moindre sanction, malgré la non-application des Résolutions des Nations unies par Israël, protégé par 17 vétos américains isolés récents au Conseil de Sécurité de l’ONU ! Ainsi, bénéficie-t-il d’une impunité qu’aucun autre État au monde ne connaît.

Rappel d’une résolution internationale appuyée par les Artistes pour la Paix en 2010 :

Nous appuyons sans restriction l’appel lancé de façon unanime par les 189 nations signataires de la résolution finale adoptée le 28 mai lors de la conclusion de la révision du Traité de non-prolifération nucléaire à New York (ONU). Le Canada doit jouer un rôle positif et favoriser cette conférence, en trouvant une façon d’assurer la sécurité d’Israël, sans besoin d’armes nucléaires qui, aux mains de militaires à la mèche courte, pourraient mener l’humanité entière à sa perte.
Nous prions donc votre gouvernement de :

  1. demander à l’ONU une enquête impartiale sur l’arraisonnement meurtrier de la flottille de paix par la marine israélienne ;
  2. exiger d’Israël la levée du blocus de la Bande de Gaza ;
  3. travailler dès maintenant aux côtés de l’ONU au succès de la conférence 2012 voulant assurer un Moyen-Orient sans armes nucléaires.

Ont signé une centaine de personnes dont au premier chef Pierre Jasmin, président des Artistes pour la Paix et Margaret Atwood, vice-présidente de PEN international.

 

En conclusion, la journaliste libanaise Leila Ghanem suggère un manuel pour suivre ce qui se passe en Palestine avec des règles que tout le monde doit avoir « à l’esprit » lorsqu’il regarde le Journal Télévisé le soir. Tout deviendra plus simple !

Règle numéro 1 : Au Proche-Orient, ce sont toujours les Arabes qui attaquent les premiers et c’est toujours Israël qui se défend. Cela s’appelle des représailles.

Règle numéro 2 : Les Arabes, Palestiniens ou Libanais, n’ont pas le droit de tuer des civils de l’autre camp. Cela s’appelle du terrorisme. 

Règle numéro 3 : Israël a le droit de tuer les civils arabes. Cela s’appelle de la légitime défense.

Règle numéro 4 : Quand Israël tue trop de civils, les puissances occidentales l’appellent à la retenue. Cela s’appelle la réaction de la communauté internationale.

Règle numéro 5 : Les Palestiniens et les Libanais n’ont pas le droit de capturer des militaires israéliens, même si leur nombre est très limité et ne dépasse pas un soldat.

Règle numéro 6 : Les Israéliens ont le droit d’enlever autant de Palestiniens qu’ils le souhaitent (environ 12 000 prisonniers à ce jour). Il n’y a aucune limite, sans aucun besoin d’apporter aucune preuve de la culpabilité des personnes enlevées. Il suffit juste de dire le mot magique « terroriste ».

Règle numéro 7 : Quand vous dites « Résistance », il faut toujours rajouter l’expression « soutenue par la Syrie et l’Iran ».

Règle numéro 8 : Quand vous dites « Israël », il ne faut surtout pas rajouter « soutenu par les États-Unis, la France et l’Europe », car on pourrait croire qu’il s’agit d’un conflit déséquilibré.

Règle numéro 9 : Ne jamais parler de « Territoires occupés », ni de résolutions de l’ONU, ni de violations du droit international, ni des conventions de Genève. Cela risque de perturber le téléspectateur.

Règle numéro 10 : Les Israéliens parlent mieux le français que les Arabes. C’est ce qui explique qu’on leur donne, ainsi qu’à leurs partisans, aussi souvent que possible la parole. Ainsi, ils peuvent nous expliquer les règles précédentes (de 1 à 9). Cela s’appelle la neutralité journalistique.

Règle numéro 11 : Si vous n’êtes pas d’accord avec ces règles ou si vous trouvez qu’elles favorisent une partie dans le conflit contre une autre, c’est que vous êtes un dangereux antisémite.

 

Notes

[i] Réaction 2019 avec Romuald Sciora : http://lautjournal.info/20190308/qui-veut-la-mort-de-lonu

[ii] https://pugwashgroup.ca/le-nouveau-secretaire-general-de-l-onu/