Il y a de nombreuses années, il m’est venu à l’esprit d’essayer d’enseigner la politique étrangère dans les écoles maternelles.

Dans une école maternelle typique, n’importe où sur Terre, lorsque les enfants se disputent, il peut y avoir des bousculades, des pleurs, des cris et toutes sortes de désagréments. L’enseignant ne peut pas toujours savoir ce qui s’est passé depuis le début. Il peut ne voir que la fin. En théorie, on dit qu’il faut d’abord mettre fin à toute altercation physique, puis réconforter chaque enfant, et enfin – lorsque les choses se sont calmées – apprendre à chaque enfant à utiliser des mots plutôt que la violence, à s’excuser, à faire des compromis, à se faire des amis et à trouver un moyen de partager un jouet désiré par les deux parties, ou encore à bien s’entendre à l’avenir. En bas de la liste des priorités, il faut chercher à savoir qui a commencé ou qui a fait le pire.

Par David Swanson,

Cela m’a semblé extrêmement malavisé et j’ai décidé d’essayer d’appliquer la politique étrangère à la place. Avec l’accord d’un excellent établissement, j’ai commencé à donner un cours d’un nouveau style. Chaque fois qu’il y avait une dispute entre deux enfants, je choisissais l’enfant que je préférais et je l’encourageais à frapper plus fort. Je gardais en permanence une batte de baseball en plastique à la main, juste pour être prêt, et je la donnais à l’enfant préféré, l’incitant à frapper l’autre enfant à la tête avec cette batte. Pendant qu’ils faisaient cela, je rassemblais tous les enfants qui n’étaient pas impliqués et les informais que s’ils ne commençaient pas à chanter « Mort à Bobby » (ou quel que soit le nom du second enfant), ils ‘auraient plus  jamais droit à un goûter de leur vie.

De cette manière, les conflits étaient rapidement résolus, l’un des enfants étant réduit à sangloter, et l’autre enfant obtenant ce qu’il voulait (utilisation exclusive du jouet ou autre). Ensuite, je réunissais toute la classe et je passais en revue avec eux nos principales leçons : l’enfant que je soutenais n’avait rien fait de mal et avait été attaqué innocemment ; les mots ne fonctionnent pas aussi bien que la violence ; le compromis est une trahison ; et les armes font toute la différence.*

Mes nouvelles méthodes se sont heurtées à des résistances, comme c’est généralement le cas pour le progrès. On m’a dit que j’allais à l’encontre des valeurs les plus fondamentales de la quasi-totalité de l’humanité. Pendant un certain temps, j’ai tenu tête aux opposants en leur faisant remarquer l’alignement complet de mes méthodes sur celles du département d’État américain. Je donnais des leçons, disais-je, dignes de celles qu’un Premier ministre britannique pourrait donner à un président ukrainien. Mais la malchance a eu raison de mon école. Certains enfants sont tombés malades. Quelques familles ont déménagé. Il y a eu quelques procès farfelus. Une mère s’est suicidée.

Des années plus tard, les petits anciens de ma seule incursion dans l’enseignement préscolaire ont grandi et se sont dispersés à travers les États-Unis. J’ai essayé de retrouver certains d’entre eux sur Facebook et j’ai été assez stupéfaite de ce que j’ai trouvé. Je pense que ce que j’ai trouvé justifie tout ce que j’ai fait. J’ai fait des recherches approfondies et j’ai découvert que 82 % des anciens élèves de mon école maternelle de politique étrangère, toujours en vie, sont aujourd’hui membres du Congrès des États-Unis.

*J’ai ensuite ajouté une leçon supplémentaire : la satire est l’œuvre du diable et est pire qu’un massacre de masse.

L’article original est accessible ici