La santé est un fait qui a préoccupé les personnes et les communautés de tous les temps et de tous les lieux. Dans un passé proche, après la Seconde Guerre mondiale, le 7 avril 1948, l’Organisation mondiale de la santé a été créée dans le but de construire un avenir meilleur et plus sain pour les populations du monde entier. À l’époque, elle a commencé par définir la santé comme un état de complet bien-être physique, psychologique et social, et pas seulement comme l’absence de maladie. Il s’agissait évidemment d’un progrès par rapport à d’autres conceptions plus limitées, mais comme nous le verrons dans cette présentation, il s’agit d’une vision et d’une application qui doivent être réexaminées, et c’est ce que nous avons l’intention de faire dans cette présentation. À l’heure actuelle, les soins de santé des communautés relèvent de la responsabilité des systèmes de santé qui se sont développés dans le monde, mais avec une vision réduite et fragmentée de ce que l’on entend par santé.

  • Vision Réduite parce qu’elle se concentre sur l’aspect biologique et accessoirement sur l’aspect psychologique, négligeant les aspects spirituels, sociaux et environnementaux.
  • Vision Fragmentée parce qu’au cours du siècle dernier et depuis le rapport Flexner de 1910, les soins de santé ont été divisés en spécialités et sous-spécialités qui, bien qu’elles aient permis de mieux comprendre les dommages subis par les personnes, ne parviennent pas à rendre compte de l’ensemble des facteurs qui déterminent la santé.

 

Par Jorge Pompei

D’autre part, les systèmes de santé actuels proposent une thérapie presque exclusivement pharmacologique ou chirurgicale, sans tenir compte de l’univers des stratégies de soins « non conventionnelles » qui ont accompagné et servi les communautés et les civilisations tout au long de l’histoire, qu’elle soit lointaine ou proche.  Enfin, les soins de santé sont considérés comme un bien marchand déterminé par des intérêts financiers plutôt que comme un bien social et un droit universel de l’être humain.

Cela signifie que les soins de santé se concentrent sur les dommages déjà installés chez les personnes, en limitant l’attention en fonction de la capacité économique. Il est donc difficile d’envisager la santé de manière holistique et d’adopter une approche globale et efficace des problèmes. Mais pour imaginer de nouvelles solutions qui aillent au-delà des solutions actuelles, il faut faire l’effort de dépasser les limites de la pensée qui, comme des barrières invisibles, nous font chercher des solutions là où il n’y en a pas.

Si nous voulons changer la situation qui détermine l’état de santé des populations, nous devrons remettre en question la vision actuelle qui nous amène à penser que nous améliorerons indéfiniment la vie et la santé, en séparant analytiquement les personnes en portions de plus en plus petites à traiter. Cela génère l’émergence de plus de spécialités qui définiront plus de pathologies et qui ne feront qu’approfondir notre connaissance des dommages, mais qui nous amèneront à donner des réponses de plus en plus partielles et donc insuffisantes.

Il sera possible de dépasser les limites de la réflexion sur la santé si nous tentons un exercice qui nous conduise à une pensée structurelle qui dépasse la vision analytique et nous montre comment toutes les parties sont reliées entre elles, formant un ensemble cohérent qui, à travers le processus vital, cherchera toujours à se perpétuer et à croître, en surmontant les instances qui le limitent. Vue sous cet angle, l’histoire de la santé humaine est donc l’histoire du dépassement des facteurs conditionnants qui limitent la durée de vie et le bien-être.

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Nous analyserons donc les éléments qui composent la structure et la dynamique du processus de santé, en décrivant ses limites actuelles et en proposant des mesures pour les surmonter.

Pour ce faire, la première chose à faire est de définir ce que nous entendons par santé. Silo l’a dit dans son livre Le paysage intérieur : « L’essence de ce que tu crois doit être la clé de ce que tu fais ».  Il est donc important de comprendre ce que nous pensons de la vie et de la santé. Si nous commençons par considérer que les personnes sont des êtres bio-psycho-spirituels qui naissent et se développent dans un monde social et dans un environnement naturel, nous définirons alors la santé comme une situation d’équilibre dynamique dans les sphères biologique, psychologique, spirituelle, sociale et environnementale, et comme un processus visant à accroître l’adaptation qui permet de vivre plus longtemps dans des conditions de santé adéquates. Et si la vie saine est un équilibre dynamique, lorsque les limites de l’équilibre sont transgressées, le risque, la maladie et la mort apparaissent. Par conséquent, pour maintenir la santé, il est nécessaire d’évoluer à l’intérieur de ces limites, en renforçant les mécanismes qui nous permettent de revenir à l’équilibre lorsqu’il est perdu.

Cela nous amène à définir cinq domaines et trois moments du processus de santé. Les domaines sur lesquels il faut travailler dans une vision intégrale de la santé sont les suivants :

  • Sur le plan biologique, en assurant une nutrition, une hydratation, une respiration, un mouvement et un repos adéquats.
  • Sur le plan psychologique, en établissant des relations harmonieuses avec soi-même et avec la communauté.
  • Sur le plan spirituel, en développant la capacité au silence intérieur et en trouvant un sens à l’existence.
  • Sur le plan social, en comprenant que son propre bien-être n’est pas sans rapport avec celui de ceux et celles qui nous entourent et en promouvant des comportements de soutien qui permettent de reconstruire, sans violence, le tissu social.
  • Sur le plan environnemental, en promouvant un traitement attentif de l’environnement, en créant des conditions favorables à la vie de tous et en récupérant l’environnement de la détérioration causée par le pillage aveugle. Cet environnement commence à la maison, un espace qui nous protège des conditions environnementales défavorables immédiates.

Il s’agit d’une vision statique qui nous permet de dresser la liste des domaines dans lesquels nous devons travailler. La vision du processus nous montre les différentes étapes par lesquelles nous passons et nous situe par rapport à la situation dans laquelle nous nous trouvons et, en fonction de celle-ci, ce qu’il faut faire. La première étape est celle de la santé, qui se caractérise par une façon de vivre en équilibre, sans registre de douleur, de souffrance ou d’insignifiance et avec un sentiment de pleine vitalité et de force pour aller de l’avant dans la vie.

Un autre stade, séparé du précédent par des frontières floues, est le stade du risque, où apparaissent des manifestations qui passent parfois inaperçues mais qui sont essentielles pour développer des actions préventives, qui seront d’autant plus efficaces qu’elles seront prises tôt. Le troisième stade est celui de la maladie. Elle se traduit par des signes plus précis qui nous montrent une situation qui affecte clairement la vie. Mais pour arriver au moment où la maladie se manifeste, d’autres moments ont été traversés qui, s’ils avaient été pris en compte, auraient pu prévenir les dommages. Cela signifie qu’une vision intégrale de l’être humain et de sa santé nous amène à affirmer qu’il n’y a pas de possibilité de santé intégrale si les aspects fondamentaux tels que les suivants ne sont pas résolus :

  • Le style et les conditions de vie des personnes et des populations.
  • La violence personnelle et sociale qui est générée dans la société lorsque l’être humain n’est pas la valeur centrale et qu’il est maltraité dans sa dignité.
  • Lorsque l’objectif prédominant est l’accumulation matérielle, ce qui conduit à ce que quelques-uns possèdent beaucoup plus que ce dont ils ont besoin et que de plus en plus de personnes n’ont même pas le strict nécessaire.
  • Si nous ne prenons pas soin de notre maison commune, qui est la planète, en évitant sa dégradation et le réchauffement climatique, en commençant par le logement et l’environnement immédiat, si nous n’en prenons pas soin, les problèmes en feront un endroit inhabitable.

Il est donc nécessaire de prendre conscience de la situation mondiale et de changer rapidement l’orientation de la vie des individus et des communautés.

En résumé, c’est pour les raisons susmentionnées que nous comprenons que dans le domaine des soins de santé, il sera nécessaire de développer :

  1. Une vision structurelle et axée sur les processus plutôt qu’une vision et une orientation principalement biologiques.
  2. Une approche holistique plutôt que la prédominance de la fragmentation de la personne en fonction des spécialités.
  3. La bientraitance comme indicateur de la qualité humaine des soins plutôt que d’identifier la technologie comme synonyme de qualité des soins.
  4. Le maintien et l’amélioration de la santé et la prévention en fonction des risques plutôt que le traitement de la maladie installée.
  5. Une approche chaleureuse et humanisée de l’accouchement comme moment du début de la vie humaine et de l’incorporation dans la communauté.
  6. L’accompagnement des personnes en fin de vie comme un élément fondamental de l’art et de la science des soins.
  7. L’incorporation de connaissances non conventionnelles à l’efficacité prouvée dans la formation du personnel de santé.
  8. Le renforcement de la stratégie des soins primaires et de l’éducation à la santé pour toutes les communautés.
  9. La promotion de la formation de médecins généralistes et de médecins de famille accessibles à l’ensemble de la communauté.

En d’autres termes, une conception intégrale et de processus nous montre la nécessité de traiter tous ces éléments simultanément, de ne pas faire de la maladie le centre de notre attention et de donner la priorité, dans l’action personnelle et communautaire, au développement d’un mode de vie sain.

 

Traduit de l’espagnol par Evelyn Tischer