Lors du grand festival de la chanson de Sanremo cette année, un message du président ukrainien Volodymyr Zelensky a été lu au peuple italien. C’est un compromis trouvé après que la vidéo de Zelensky prévue à l’origine a suscité la critique de plusieurs côtés, entre autres dans une pétition initiée par des intellectuels, des écrivains et des diplomates s’insurgeant contre une militarisation du festival. Le message a été en fin de compte lu par l’animateur et directeur artistique du festival, Amadeus. Nous publions ci-dessous une réponse à la lettre, rédigée par Europe for Peace.
Monsieur le président président Zelensky,
Nous répondons à votre lettre que nous avons lue avec retard, car nous avons refusé de suivre en direct la dernière soirée du festival.
Nous avons boycotté cette soirée parce que nous aimons certes la musique, mais nous aimons encore davantage la paix. Cette paix que vous, Monsieur le président, n’avez pas une seule fois évoquée dans votre message. Une paix à laquelle ni vous ni les gouvernements européens n’avez jamais aspiré. La paix maltraitée que réclament à voix haute les pacifistes dans votre pays et qui sont pour cela humiliés par votre gouvernement, emprisonnés et tués.
Et si la paix semble avoir disparu de votre vocabulaire, nous avons en revanche souvent entendu le mot « victoire ». Dans votre lettre, vous invitez nos artistes à venir dans votre pays le jour de la victoire.
Ce que vous ne nous avez pas dit, c’est que cette victoire, si elle a lieu, n’aura malheureusement lieu que lorsque le feu de la guerre aura consumé non seulement votre pays, mais le nôtre aussi et les aura entraînés dans la plus grande catastrophe que l’on puisse s’imaginer : la troisième guerre mondiale. Une éventualité qui semblait si éloignée, mais qui semble aujourd’hui possible, si ce n’est même probable.
Les applaudissements que vous avez reçus hier n’étaient pas ceux du peuple italien, mais ceux d’un cirque médiatique restreint. Car la majorité des Italiens est contre la guerre et la livraison d’armes dans votre pays qui causent un nombre toujours plus grand de morts et fait s’éloigner encore davantage la paix.
Monsieur le président Zelensky, nos paroles ne sont pas issues d’une hostilité envers le peuple ukrainien, pour lequel, bien au contraire, nous nourrissons une grande estime et affection.
Et c’est justement en raison de la grande solidarité et de l’amour que nous ressentons pour nos frères et sœurs ukrainiens que nous vous prions du fond du cœur de vous effacer et de faire place à quelqu’un qui serait en mesure de mener un processus de désescalade et de paix, avant qu’il ne soit trop tard.
Et lorsque la paix sera revenue, nous nous rendrons alors volontiers en Ukraine afin de la célébrer avec tous les autres pacifistes européens, ukrainiens et russes.
Traduit de l’allemand par Laurence Wuillemin, Munich