Paris tient son nom d’Isis, (par Isis) déesse-mère égyptienne qui a donné naissance à l’Alchimie. Autrefois, une statue d’Isis associée à la Vierge se trouvait dans l’église de St Germain des Prés.

La cathédrale semble n’avoir été bâtie que pour glorifier dans la pierre l’antique science d’Hermès (l’alchimie) ; toute la cathédrale serait hermétique selon Fulcanelli, on en déduit que la Foi soutient l’Alchimie.

Sur le haut de l’édifice, à l’angle de la tour sud et au milieu de quelques chimères se détache la silhouette d’un vieillard de pierre reconnaissable entre tous : C’est l’alchimiste de Notre Dame. Coiffé du bonnet phrygien, attribut de l’Adepte, et s’appuyant d’une main sur la balustrade, tandis qu’il caresse de l’autre sa barbe, il observe.

L’Alchimiste. Crédits : https://lanuitlanuit.wordpress.com/2019/07/28/lalchimie-de-notre-dame-de-paris/

Si dans les articles précédents le thème de l’Alchimie a été volontairement laissé de côté, en revanche c’est lui qui amorce ici cette étude sur Notre Dame de Paris, le temple alchimique, dont Victor Hugo disait : « Il existe à cette époque, pour la pensée écrite en pierre, un privilège tout à fait comparable à notre liberté de la presse. C’est la liberté de l’architecture. Cette liberté va très loin. Quelquefois un portail, une façade, une église tout entière présente un sens symbolique absolument étranger au culte, ou même hostile à l’église. Dès le XIIIe siècle, Guillaume de Paris, Nicolas Flamel au XVe, ont écrit de ces pages séditieuses… La pensée n’était alors libre que de cette façon ; aussi ne s’écrivait-elle toute entière que sur ces livres qu’on appelait édifices. » [1].

Dès lors, rien d’étonnant à ce que la cathédrale ait la forme d’un H [Hermès,] à l’image de l’échelle des sages.

La pratique de l’alchimie vise toujours le même objectif : relier le Ciel et la Terre pour opérer l’ouverture au centre de l’être humain.

Façade Ouest : les trois portails

A l’origine, ces portails étaient polychromes. En ce temps où la lecture n’était réservée qu’à une élite, ces représentations avaient une vocation d’enseignement.

Portail Ste Anne :

Ste Anne, la mère de Marie est la patronne des Alchimistes. Ici commence le parcours, où est figurée la naissance du Christ. C’est à ce commencement que l’on peut associer l’œuvre au Noir, la putréfaction des Alchimistes, qui consiste à ôter les impuretés de la matière, c’est-à-dire à purifier l’âme.

Au trumeau Saint Marcel, évêque de Paris au Ve s, qui maîtrise un dragon (référence à l’Alchimie). Une légende veut que Nicolas Flamel ait compris le secret de la Pierre Philosophale devant la statue du saint. Saint Marcel tient une crosse dans la main par laquelle descend la Lumière pour parvenir dans la gueule du dragon. Il deviendra la matière purifiée et fixée et donnera naissance à un bébé (image de droite) : c’est la pierre philosophale.

L’Alchimie de Notre Dame de Paris

Portail de la Vierge :

Du point de vue alchimique, ce portail représente le second stade de la création de la Pierre des philosophes, celle de la pierre blanche, de la restructuration après que la matière ait été morcelée, et l’entrée de la Lumière dans la matière. C’est le temps des « Noces chimiques », la création du lien avec l’anima pour l’homme (sa partie féminine), et de l’animus pour la femme (sa partie masculine).

Le lit de mort de Marie est, orné de sept cercles : les symboles des 7 métaux alchimiques.

https://www.cosmovisions.com/monuParisNotreDamePortailVierge.htm

Portail central : Le Jugement dernier

Dans cette représentation du jugement dernier, le Christ en majesté est assis en gloire. Il montre les plaies de ses mains et de son flanc. Deux anges portent les instruments de la crucifixion : la lance et les clous pour l’un, la croix pour l’autre. De chaque côté du Christ, Marie, sa mère, et Jean, le disciple préféré, intercèdent auprès du Christ pour sauver quelques âmes. En dessous, l’archange St Michel pèse les âmes tandis que deux démons essaient de faire pencher la balance. A la droite du Christ, les justes s’éloignent vers le paradis tandis qu’à sa gauche, les damnés enchaînés sont entraînés vers l’enfer par les démons.

Au plan inférieur, les morts sortent de leurs tombes, réveillés de chaque côté par les trompes de deux anges.

http://ndparis.free.fr/notredamedeparis/dossiers_photos/facade/parisnotredame_facade5.html

Au centre de ce portail, l’Alchimie est figurée assise sur un trône, et tenant de la main gauche un sceptre (insigne de souveraineté) et deux livres de la main droite : l’un ouvert (exotérisme, la connaissance accessible aux profanes, le laboratoire) l’autre fermé (la connaissance intérieure, la voie du cœur, l’oratoire). Entre ses genoux l’échelle aux 9 degrés, symbole de la patience que doit avoir le fidèle au cours des 9 opérations du labeur hermétique. Fulcanelli ajoute : « Maintenue entre ses genoux et appuyée contre sa poitrine se dresse l’échelle aux neufs degrés, hiéroglyphe de la patience que doivent posséder les fidèles au cours des neuf opérations successives du labeur hermétique. La patience est l’échelle des philosophes, et l’humilité est la porte de leur jardin car quiconque persévérera sans orgueil et sans envie, Dieu lui fera miséricorde ». [https://www.revue-acropolis.fr/cybele-ou-la-sagesse-de-notre-dame-de-paris-gardienne-de-tous-les-savoirs]

Cybèle, l’alchimie, La Sagesse ou encore La Philosophie

http://hermetism.free.fr/cathedrale_paris_ouest-cybele.htm

Notre Dame, cathédrale alchimique comporte à gauche et à droite du portail central des médaillons représentant les vices et les vertus : Selon Fulcanelli, deux interprétations s’offrent à nous :

  1. L’une morale ou exotérique
  2. L’autre alchimique ou ésotérique

Pour un bref aperçu de l’interprétation alchimique des médaillons, nous ne traiterons ici que ceux du côté Nord.

 

LES MÉDAILLONS ALCHIMIQUES : Vices et vertus

La Connaissance est contenue dans le combat entre les vices et les vertus. Les représentations sont gravées en relief en haut, et en creux en bas.

Les personnages sont au nombre de 12, il s’agit donc d’un cycle complet ; ceux du haut ont toujours un médaillon à la main.

Au Nord : (à gauche) la voie sèche : [Interprétation de l’alchimiste Patrick Burensteinas]

http://hermetism.free.fr/cathedrale_paris_ouest.htm

En haut :

De gauche à droite : Humilité- Sagesse- Justice- Charité- Espérance- Foi

  • Correspondance alchimique :
  • Défauts :
Humilité Sagesse Justice Charité Espérance Foi
Le corbeau Le Mercure philosophique La salamandre

Le sel

Préparation du dissolvant Couleurs et régimes du Grand Œuvre Les 4 éléments et les 2 natures
Orgueil Folie Injustice Avarice Désespoir Impiété

 

1er médaillon : en haut à gauche : l’humilité

La colombe symbolise l’humilité. Ici il s’agit en fait d’un corbeau, image de l’Œuvre au Noir.

En bas : l’orgueil

Un cavalier tombe de cheval et tente de se raccrocher à la crinière. Ici est figurée la première étape de l’Œuvre durant laquelle la matière dégage son soufre, le cheval récalcitrant. Il s’agit de décomposer la matière.

2e médaillon : la prudence

Le caducée, le Mercure (à l’origine le serpent était de couleur verte. La couleur verte est toujours celle des choses cachées en souvenir de l’émeraude que l’archange Lucifer portait au front). La verge d’or c’est la Lumière qui va animer le Mercure en descendant dedans. [Cf. la mythologie : Mercure messager des dieux a échangé sa lyre avec son frère Apollon contre un rayon de soleil. En se promenant Mercure a rencontré 2 serpents qui se battaient, alors pour les accorder il a tendu son bâton de lumière sur lequel les 2 serpents sont montés, se regardant jusqu’à la fin des temps. En les étirant et les superposant, on obtient une ligne droite, la voie du milieu, la verge dorée].

En bas : la folie

Un homme avance tenant une corne d’abondance et un miroir. Le message est que si l’on est capable de voir dans le miroir, c’est-à-dire en réfléchissant, donc au-delà des apparences, on aura l’abondance et la Connaissance.

3e médaillon : la justice

La salamandre, le feu des alchimistes. La rosace livre une information supplémentaire : un oiseau figure au centre de 3 flammes [une femme tient un bâton doré, l’oiseau se situe dans le cercle] indiquant les 3 feux à utiliser, mais dosés.

En bas : l’injustice

La balance suggère la modération des 3 feux à utiliser. Il faut être patient et attendre le signe du Bélier pour commencer l’œuvre.

4e médaillon : la charité

La brebis qui donne tout ce qu’elle a, son lait, sa chair, sa toison, sert d’emblème à la charité. Fin mars, l’éveil de la nature, le Printemps, un vieillard est penché sur son âtre, c’est une indication du feu à utiliser, celui d’un vieillard, le régime de Saturne, un feu de braise très doux.

En bas : l’avarice

Figure refaite au XVIIIe s. et rendue quasi inintelligible. Autrefois l’avarice tenait une bourse et serrait des sacs d’argent dans un coffre.

5e médaillon : l’espérance

Il s’agit ici d’un « or-i-flamme » (les 3 feux) les flammes qui permettent de trouver l’or. La lettre « i » au centre du mot représente l’unité en accord avec ce précepte « par l’unité tu trouveras la Lumière grâce au feu » ; ceci s’accomplit en ouvrant la matière.

En bas : le désespoir

Un personnage se transperce le corps avec une épée de feu pour signifier que grâce au travail accompli avant, de la maîtrise du poids et du feu à la décomposition de la matière, cette matière s’ouvre pour l’alchimiste et il pourra trouver les secrets qui se trouvent à l’intérieur.

6e médaillon : la foi

Une croix à branches égales surmontée d’une sorte de disque, le soleil, et en face (très effacé) un croissant de lune. Lorsqu’on ouvre la matière on trouve les 4 éléments et les 2 natures (soleil/lune, masculin/féminin). Il s’agit d’une totalité contenue dans l’univers. En associant tous les symboles, la croix, le soleil, la lune, on obtient celui du Mercure.

En bas : l’idolâtrie

Un homme prie devant une idole. Son visage en relief indique qu’il ne s’agit pas d’un miroir. Le message est pour qui a été capable de voir au-delà des apparences, c’est qu’il a terminé l’œuvre. Ce n’est donc pas un reflet qu’il a vu mais la vérité qui sort de ce reflet.

L’univers alchimique de Notre Dame reprend très bien l’idée de l’homme en tant que matière et acteur du Grand Œuvre, une dimension à la fois matérielle et spirituelle.

 

La cathédrale peut se définir à la fois comme :

-Une représentation de l’humain (âme, esprit, corps)

-Une synthèse des trois plans de l’univers (Ciel, Terre, Monde souterrain)

-Un espace de transfiguration en ce qu’elle transforme le profane en sacré.

« Ce pèlerinage vers l’intérieur de la cathédrale est une véritable opération alchimique… L’Alchimie du Moyen Age était considérée comme la science des transmutations. Ces transmutations pouvaient s’opérer tant au niveau physique que psychique ou spirituel, illustrées par le vieil adage de transformation du plomb en or…C’est par une transmutation profonde que l’homme de fer (matériel) deviendra un homme d’or (spirituel). » [2] Ce qui revient à dire que l’Alchimie, qui traite de la science du Grand Œuvre, est une quête à la recherche de la transmutation vers l’Homme total, c’est-à-dire à transmuter son corps matériel en corps spirituel.

Le secret des secrets est une connaissance [de soi] que nous offre le très -petit quotidien, ce gnome-gnomon en grec [nain, issu de gnosis : la Connaissance]. Les nains nous renvoient au conte de Blanche Neige [résultat d’une préparation alchimique], ils sont au nombre de 7 et représentent les 7 métaux, liés aux 7 planètes elles-mêmes liées aux 7 caractères humains : grincheux, simplet, Atchoum, Dormeur, Joyeux, Prof, Timide [3].

L’agent du Grand Œuvre se nomme la Pierre Philosophale, autrement dit l’Energie Universelle, et la cathédrale est à considérer comme un athanor (fourneau) alchimique qui permet une accélération de nos énergies.

Dans le Mystère des cathédrales, Fulcanelli établit un parallèle entre la forme des églises et celle du creuset de l’alchimiste :

« A de rares exceptions près, le plan des églises gothiques- cathédrales, abbatiales ou collégiales- affecte la forme d’une croix latine étendue sur le sol. Or, la croix est le hiéroglyphe alchimique du creuset… C’est en effet dans le creuset que la matière première, comme le Christ lui-même, souffre la Passion ; c’est déjà dans le creuset qu’elle meurt pour ressusciter ensuite, purifiée, spiritualisée, déjà transformée. D’ailleurs le peuple, gardien fidèle des traditions orales, exprime l’épreuve humaine terrestre par des paraboles religieuses et des similitudes hermétiques : « porter sa croix », « gravir son calvaire », « passer au creuset de l’existence ». Fulcanelli ajoute « La croix est un symbole fort ancien, employé de tous temps, en toute religions, chez tous les peuples, et l’on aurait tort de la considérer comme un emblème spécial du christianisme. On peut même dire que par adjonction d’une abside semi-circulaire soudée au chœur, le plan des grands édifices épouse la forme du signe égyptien de la croix ansée, l’ankh, et qui désigne la vie universelle cachée dans les choses… »

ND en forme de croix latine

https://pixabay.com/fr/photos/n%c3%b4tre-dame-de-paris-la-seine-568858/

C’est le samedi [jour de Saturne, planète associée au plomb] que les alchimistes se rencontraient, chaque semaine, près de la petite « Porte Rouge » de ND de Paris, ornée de salamandres (salamandre : animal alchimique par excellence, dont l’anagramme est Esmeralda, (émeraude en espagnol), l’un des personnages de Victor Hugo dans son roman Notre Dame de Paris.

… Chacun exposait l’avancée de ses travaux [dans le laboratoire : « labor », travail et « orare » prier] et dévoilait le résultat de ses recherches, sachant que selon Paracelse « Nul ne transmute aucune matière s’il ne s’est transmuté lui-même ». Ces doctes et mystérieux colloques se poursuivaient encore au XVIème et de nos jours encore… « Les alchimistes représentent souvent la pierre angulaire du Grand Œuvre, point de départ de la recherche de la pierre philosophale, à l’image du diable. Or sous le jubé de ND, il existait une figure du diable ouvrant une bouche énorme, dans laquelle les fidèles venaient éteindre leurs cierges, de sorte que le bloc sculpté apparaissait souillé de noir de fumée… Le bon peuple appelait cette pierre « Maistre Pierre du coignet » (pierre du coin ou pierre d’angle) ». [4]

La petite porte rouge près de laquelle se rencontraient les alchimistes, et qui permettait aux chanoines d’avoir accès directement au chœur.

 

Les 28 personnages qui forment la galerie des rois sur la façade Ouest, ne seraient autre chose que les 28 aspects de la lune, les 28 jours de sa révolution astrale. Quatre de ces personnages qui se séparent des autres [car chacun est isolé dans sa niche à la base des tours] rappelleraient les 4 quartiers, les 4 phases de la lunaison.

Galerie avec les 28 rois de Judée ayant précédé le Christ.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cath%C3%A9drale_Notre-Dame_de_Paris

Dans la rosace Ouest de la cathédrale, la Vierge est entourée de deux anges dont l’un symbolise la lune croissante et l’autre la lune décroissante [3]

Domaine public ©Wiki Commons.

Après cette première partie, non exhaustive, sur l’ésotérisme des représentations sculptées de Notre Dame, nous poursuivrons dans un second article le cheminement à l’intérieur de la cathédrale.

 

Références :

[1] ND de Paris, V. Hugo, 1831.

[2] La symbolique des cathédrales, études pour la redécouverte du sacré. Fernand Schwarz, Didier Carrié, Brigitte Ludwig.

[3] Le jour des fourmis, Bernard Werber.

[4] La magie des cathédrales, Guy Tarade.

 

Série Les Cathédrales

1. Les secrets des cathédrales

2. Les religions primitives

3. Notions de base

4. Le compagnonnage

5. Architecture sacrée

6. Chartres

7. Amiens

8. Bourges

9.1. Notre Dame de Paris, l’or alchimique

9.2. Notre Dame de Paris, architecture