Le 27 septembre 2019, nous étions un demi-million de personnes à déambuler dans les rues de Montréal, marquant l’histoire, le cœur plein d’espoir, pancarte à la main, scandant par milliers des slogans écologistes. Aucun débordement à signaler. Au grand dam de certains commentateurs, les rues étaient même plus propres au départ des manifestants qu’à leur arrivée. Une manifestation parfaite en fait. Au même moment, près d’une dizaine de milliers d’autres manifestaient, ici même, à Sherbrooke.
En réponse au retentissant cri d’alarme de toute une génération qui s’est mobilisée aux côtés de parents et grands-parents, le gouvernement fédéral a proposé de planter des arbres. Ils se font encore attendre d’ailleurs. Aucun changement de cap à l’horizon. On vous a entendu les jeunes, ce sera « business as usual », mais avec quelques arbres en plus.
Puis, la pandémie est venue freiner l’élan international de mobilisation citoyenne pour la justice environnementale et climatique. Aujourd’hui, même en tentant de me montrer optimiste, je doute qu’on parvienne à faire beaucoup mieux comme démonstration de force. Greta et tout son cortège n’auront visiblement pas suffi. Je me suis souvent demandé ce qui serait arrivé si la pandémie n’avait pas interrompu ce mouvement. Quelles auraient été les prochaines étapes?
Face à l’inaction gouvernementale vis-à-vis de la crise la plus importante de l’histoire humaine, jusqu’où est-il légitime de poursuivre l’escalade des moyens de pression? Certains groupes prônent une désobéissance civile non violente, plusieurs s’y refusent, et d’autres croient qu’il est dorénavant légitime d’aller encore plus loin. Je vous laisse répondre à ce questionnement par vous-même. Ce sur quoi je souhaiterais m’attarder cependant, c’est sur ce que nous souhaitons changer. De quoi voulons-nous nous débarrasser, et surtout, par quoi souhaitons-nous le remplacer? La question peut sembler simple, mais y répondre est généralement plus ardu qu’il n’y paraît.
De plus en plus de gens semblent s’entendre sur le fait que le système socioéconomique dominant, capitaliste et néolibéral, est, dans sa forme actuelle, dangereux pour l’environnement, puisqu’il carbure à la surconsommation. Rappelons au passage que nous ne sommes pas simplement dépendants de cet environnement dont on pille les ressources, mais que nous en faisons bel et bien partie, aussi épais seront les murs de nos maisons. Dans les mouvements environnementaux particulièrement, une proportion considérable de personnes vous dira que le système capitaliste et son insatiable appétit pour l’extraction de ressources naturelles constituent la source de la crise.
C’est cependant à ce moment que ça se corse. À quoi aspire-t-on, si ce n’est à ce système? Plusieurs vous parleront de commerce de proximité, de transport actif ou encore de consommation sobre et décarbonée. Les plus radicaux oseront le mot « décroissance » et proposeront une forme de démocratie plus participative.
Il s’agit d’idées crédibles et d’objectifs louables, mais qui ne représentent pas une forme de système socioéconomique de remplacement. Les mots qui servaient autrefois à définir les alternatives au capitalisme nous ont été confisqués. Si je dis « anarchie », on pense « chaos », si je parle de communisme, on me référera au système chinois et si je me risquais à parler de socialisme, j’aurais probablement droit à des références au Venezuela ou à la Russie avec un peu de chance. Je doute que l’on puisse envisager sérieusement la société souhaitée en ayant à l’esprit une seule voie d’accès, un système unique que l’on s’imagine à tort exister depuis la nuit des temps.
Si l’on souhaite un changement plus substantiel que quelques arbres en plus ou en moins, il est peut-être venu l’heure de nous pencher réellement sur les alternatives. Lorsque la prochaine Greta reviendra manifester chez nous, aux côtés d’une foule immense, saurons-nous davantage ce à quoi l’on aspire comme société?
Alexis Legault