Histoire

Classée au titre des monuments historiques depuis 1862, puis au patrimoine mondial de l’Unesco en 1981, la cathédrale d’Amiens considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de style gothique rayonnant est la plus vaste d’Europe, son volume de 200 000 m3 est le double de celui de ND de Paris. La construction débute sous l’égide de l’évêque Evrard de Fouilloy, s’étend de 1220 à 1288 et verra se succéder plusieurs maîtres d’œuvres en moins d’un siècle, dont Robert de Luzarches, avec cependant une grande unité dans sa réalisation. Elle a été précédée par trois édifices, dont les deux derniers ont subi des incendies, le premier fut détruit par les Normands. Elle a conservé de magnifiques stalles sculptées datant de la fin du Moyen Âge et à la même époque, les statues étaient polychromes. Chaque soir d’Été les cathédrales de Amiens, Bayeux, Bourges, Chartres, Metz, Orléans, Reims, Rouen, Sens, Strasbourg sont illuminées.

De 1849 à 1874, la restauration de l’édifice sera entreprise par l’architecte Viollet-le-Duc, pour qui cette cathédrale « représente l’église gothique par excellence ». Amiens est une nécropole comportant pas moins de 16 tombeaux, dont ceux de deux évêques. Les noces du roi de France Philippe Auguste et de la princesse danoise Ingeburge y seront célébrées en 1193.

Extérieur

Les deux tours surmontent les portails latéraux Nord et Sud.

Façade Ouest

Généralement situé sur cette façade figure le Christ en majesté ou en gloire. C’est la figure de l’homme accompli, entre la clarté du jour et celle de la nuit. Cette façade comporte trois portails ornés d’une abondante statuaire demeurée presque intacte depuis l’origine, et de nombreux médaillons alchimiques [1], cette façade s’élève sur trois niveaux.

Les portails :

Au Moyen Âge, le décor sculpté des églises était polychrome. Jusqu’à 26 couches de peinture ont ainsi été découvertes sur les portails de la cathédrale d’Amiens ! Cette polychromie est artificiellement rendue par des projections d’images numériques les soirs d’été et à Noël.

Vue de la projection restituant la polychromie de la façade. Domaine public

a) Le portail central « le Beau Dieu d’Amiens » ou portail du Sauveur, l’une des statues les plus célèbres au monde. Le Christ bénissant de la main droite, tient un livre fermé de la main gauche, lequel livre fait référence à l’ésotérisme réservé à la science occulte, au secret, à l’alchimie. Sous ses pieds l’aspic et le basilic.[2] De part et d’autre du Christ les cinq vierges sages à sa droite, celles qui tiennent leur lampe bien droite et surplombent un arbre chargé de fruits, tandis que les cinq vierges folles à sa gauche laissent leur lampe se renverser, avec en dessous un arbre couché.

La statue du Beau Dieu, Domaine public

Ici les apôtres qui flanquent le Christ sur la gauche.

De droite à gauche : Paul son livre et son épée, Jacques le Mineur et son bâton, Thomas et sa croix en T, Matthieu l’évangéliste, Philippe tenant une pierre dont il fut lapidé, Simon puis les deux prophètes Ézéchiel tenant un rouleau et Daniel.

Crédits image : Mattana | Domaine public

 

La Rose occidentale

Cathédrale d’Amiens – Rosace ouest, vue du triforium. Crédits : Guillaume Piolle / CC BY 3.0

De style gothique flamboyant, elle a été érigée au début du XVIème siècle sur ordre du Maire de l’époque. On l’appelle aussi Rosette de la Mer

b) Le Portail de la Mère-Dieu:

Au XIIIe s. Marie devient la mère de tous les fidèles. Ici, la Vierge présente l’enfant Jésus ; elle figure la nouvelle Eve et foule aux pieds un serpent à tête de femme qui tenta Eve, évoquant le péché originel.

Crédits image : Guillaume Piolle | Wikipedia commons.

 

c) Portail Saint Firmin

Saint Firmin fut le premier évêque d’Amiens et martyr. La tradition catholique le présente comme fils d’un sénateur romain converti au christianisme puis ordonné prêtre ; cependant aucune source historique officielle ne mentionnant l’existence de ce saint, la question se pose de savoir s’il ne s’agit pas d’un personnage imaginaire.

De part et d’autre du saint, six statues de saints au-dessous desquelles figure le zodiaque de la cathédrale.

St Firmin. Crédits : Ybroc | Wikimedia Commons.

 

Le zodiaque de la cathédrale d’Amiens : ou calendrier picard

Elaborées entre 1220 et 1230, ces sculptures sont restées dans un état de conservation remarquable. Situé au niveau du portail St Firmin ce zodiaque est un ensemble de médaillons présentant des personnages occupés aux travaux du mois dans les champs ; au-dessus de chaque médaillon se superposent les signes du zodiaque.

Ci-dessous les travaux du Printemps et de l’Eté

Les travaux du Printemps

Crédits : HaguardDuNord | Wikimedia Commons.

  • Sous le signe du Bélier, les travaux au grand air reprennent (mars-avril), et d’abord le travail de la vigne.
  • Le signe du Taureau correspond à la chasse aux oiseaux, au faucon (avril-mai).
  • Le signe des Gémeaux correspond au renouveau de la végétation (mai-juin). Le personnage représenté ici écoute le chant d’un oiseau et admire la nature.

Les travaux de l’Été

Crédits : HaguardDuNord | Wikimedia Commons.

  • Au signe du Cancer correspond la fenaison (juin-juillet) : le mot cancer provient du grec (karkinos) qui signifie crabe.
  • C’est sous le signe du Lion que se déroule la moisson (juillet- août).
  • A la Vierge correspond le battage des grains (août-septembre).

 

Façade Nord

La rosace Nord, dite « Rose des vents » comporte un pentagramme inversé dont la signification a longtemps été considérée comme négative. Cette étoile à 5 branches pointe en bas était le signe du dieu cornu, du diable, du Baphomet des Templiers, une explication qui ne saurait tenir, puisque cette rose est représentée dans une cathédrale. Mais comme tous les symboles, celui-ci est ambivalent, il est une étape nécessaire de l’évolution personnelle, un passage obligé vers la Lumière, d’où sa place au nord.

Crédits : Joël de Vintuit| Creative Commons by-nc-nd 3.0

 

Façade Sud

Portail de la Vierge dorée

Crédits : Vassil | Domaine public

Ce chef- d’œuvre de la Vierge à l’enfant diffère de celui de la Mère-Dieu, le buste incliné et souriante elle est entourée par trois anges portant un nimbe, sorte de halo. Datant de la fin du XIIIe s., elle est restée populaire.

Sur cette même façade, l’ange au cadran solaire :

Crédits : Riches en Somme

Il déploie ses ailes et désigne d’un doigt, le ciel. Le support de cette statue est un superbe cadran solaire à six divisions, censé donner les heures des offices.

Dominant le portail de la Vierge dorée, la rosace Sud dite « Rose du Ciel » : Rose flamboyante surmontée de 17 personnages qui grimpent à gauche et tombent à droite, représentent un passage de l’Évangile de St Luc : « quiconque s’élève sera abaissé, et qui s’abaisse sera élevé »

Crédits : Cathédrale Notre-Dame d’Amiens

 

Intérieur

Le labyrinthe [étymologie grecque : méandre]

Crédits : Joël de Vintuit | Creative commons

« Tout comme celui de Chartres, l’emplacement du labyrinthe, comme on pouvait s’y attendre, a été choisi avec la plus grande précision, en un lieu où le tellurisme local est particulièrement puissant, surtout en son centre. On note que la surface et le diamètre du labyrinthe sont exactement les mêmes que ceux de la grande rosace ouest, et que, bien que la cathédrale soit dédiée à Notre-Dame, c’est le jour de la saint Jean-Baptiste (N.d.E. : La cathédrale abrite une relique de St Jean Baptiste) que le soleil se lève dans l’axe de la nef, et vient éclairer le labyrinthe ».[3] Une légende voudrait que quiconque se trouve à cet instant à cet endroit précis après avoir parcouru le chemin obtiendrait le pardon éternel de ses fautes.

Le plan de ce labyrinthe est octogonal et comporte en son centre quatre personnages, l’évêque Evrard de Fouilloy ainsi que les trois architectes qui ont œuvré à la construction de la cathédrale ; les sculptures en marbre blanc sur la pierre noire centrale sont réparties entre les branches d’une croix et ceinturées par une bande de cuivre sur laquelle figure l’inscription de fondation de la cathédrale.

Les stalles

Ce sont les rangées de sièges contre les murs de chaque côté du chœur ; ils sont destinés aux membres du clergé et permettent une position debout, ou assise sur les miséricordes [N.d. E. : Petites sellettes situées sous le siège qui servent d’appui lorsque l’on est debout ; les religieux âgés du chapitre pouvaient ainsi suivre les longs offices sans trop de fatigue, on leur faisait « miséricorde »].

Crédits : PMRMaeyaert | Wikimedia Commons

Les miséricordes sculptées

Les miséricordes Détail. Crédits : Joël de Vintuit | Creative commons

L’ange pleureur

Crédits : Vassil | Wikimédia Commons

Parmi les tombeaux de chanoines et d’évêques on distingue le monument funéraire du chanoine Guillain Lucas, orné du très célèbre et émouvant ange pleureur : le bras droit accoudé sur une tête de mort, la main gauche posée sur un sablier. « Il symbolise le chagrin des orphelins dont le chanoine s’était occupé en créant une Maison de Charité en leur faveur, également appelée École des enfants bleus ». [4]. Considéré comme le chef-d’œuvre de la cathédrale cet angelot a été reproduit et photographié des milliers de fois.

Le trésor

Composé de deux mille deux cents pièces en 1419, il a parfois servi de réserve monétaire aux rois de France, puis a été dispersé lors de la Révolution et partiellement reconstitué au cours du XIXe s. Il comporte entre autres objets précieux :

– Une couronne en argent doré surmontée de douze fleurs de lis garnie de perles fines. Elle provient de l’ancienne abbaye cistercienne Notre- Dame du Paraclet.

Couronne reliquaire du Paraclet

Crédits : Bycro | Wikimédia Commons

– La Châsse de St Firmin : réalisée en Wallonie en 1236

Crédits : Bycro | Wikimedia Commons

 

Conclusion

La cathédrale d’Amiens est riche d’une profusion de symboles perceptibles sur ses sculptures : ils sont langage de la connaissance, ou moyens d’accès à la spiritualité, ou alchimiques. Bien que le choix ait été fait dès le premier article de cette série sur les cathédrales de ne pas aborder la thématique alchimique, il est opportun ici de céder la parole à Eugène Canseliet (auteur et alchimiste français, disciple de Fulcanelli), pour une conclusion en forme d’invite – en s’appuyant sur la symbolique – à se découvrir soi-même.

« Comment mieux conclure cette modeste intrusion dans le livre de pierre que constitue inéluctablement ce chef-d’œuvre gothique picard, que par ce quatre-feuilles représentant l’instruction reçue avec humilité du maître lui-même. L’Initié (au bonnet phrygien) porte le phylactère de la Doctrine sacrée, de toute évidence, la Philosophie hermétique (l’alchimie), sur lequel, ainsi que l’enseignait Fulcanelli, rien ne peut être écrit… sinon la vérité elle-même » [5].

 

Notes

[1] Pour plus de détails : Fulcanelli « Le mystère des cathédrales ».

[2] le psaume 90 verset 13 : « Tu marcheras sur l’aspic et le basilic, et tu fouleras au pied le lion et le dragon ». L’aspic est une vipère ; le basilic un reptile fabuleux capable de tuer par son seul regard, image de l’inconscient en psychologie.

[3] https://www.aramenta.net

[4] Amiens 80 : cathédrale

[5] Eugène Canseliet : article paru dans Atlantis N°218 juillet-août 1968.

 

Série Les Cathédrales

1. Les secrets des cathédrales

2. Les religions primitives

3. Notions de base

4. Le compagnonnage

5. Architecture sacrée

6. Chartres

7. Amiens

8. Bourges

9.1. Notre Dame de Paris, l’or alchimique

9.2. Notre Dame de Paris, architecture