Vendredi 7 octobre, avec quelques promoteurs des 24 heures pour Assange, nous avons assisté au Wired Next Fest 2022, organisé à la Fabbrica del Vapore à Milan. Évidemment, sans rien enlever à tous les moments importants de ce festival de l’information, ce qui nous importait le plus était de rencontrer Stella Moris-Assange, et de faire le point sur la situation de son mari, Julian Assange, entrant ainsi au cœur du thème principal de l’événement : “Le futur de la démocratie”.
Nous avons eu l’honneur de rencontrer une femme éprouvée, mais tenace et combative qui a fait et continue de faire tellement pour tenter de rendre justice à ce cas politique sans précédent. Voici la retranscription de l’interview vidéo que nous avons réalisée et diffusée pour la première fois le samedi 15, lors des 24 heures pour Assange.
Nous sommes ici avec Stella Assange. Bonjour, merci d’être ici! Nous sommes à un événement très important qui a été organisé pour parler justement du futur de la démocratie. Comment voyez-vous le futur de la démocratie, en ce moment ?
Eh bien, pour le moment, il paraît très sombre. L’emprisonnement de Julian depuis trois ans et demi est un signe de notre époque. Julian incarne les principes de responsabilité et de démocratie et il est en prison. Je pense que nous sommes tous en prison, tant que Julian est en prison et donc, oui, à l’allure où vont les choses, ça tourne mal . Je pense que ce qui a été fait à Julian au cours des 12 dernières années montre vraiment à quel point nous sommes descendus bas… en gros, nous avons perdu la démocratie! Cela n’a plus de sens de parler de démocratie. Ce qu’elle est et où elle va, est une vraie question.
Pouvez-vous nous donner les dernières nouvelles ?
En juin, la ministre britannique de l’Intérieur [Priti Patel, ndr] a approuvé l’extradition vers les États-Unis. Au Royaume-Uni, vous pouvez toujours faire un recours en appel à cette décision, ce que Julian essaie de faire. Mais la réalité est que Julian pourrait être extradé dans quelques mois. Nous espérons que la Haute Cour entendra l’appel, mais elle n’a aucune obligation. Donc pour le moment, nous attendons de savoir si et quand une audience d’appel sera entendue.
Bien sûr, le Royaume-Uni essaie de se retirer du système de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et donc de cette possibilité d’appel, qui a toujours été, en quelque sorte, la dernière garantie pour les personnes dont les droits sont bafoués, au sein de l’espace européen du Conseil de l’Europe. Le Royaume-Uni veut se retirer de ce système, donc Julian pourrait ne pas avoir recours à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, même si nous espérons qu’il le pourra.
S’il le peut, alors l’affaire sera arrêtée à ce stade et le Royaume-Uni honorera la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Mais il semble évident que le gouvernement britannique veut simplement se retirer de chaque mise en garde internationale et suivre son propre chemin.
Je voudrais vous demander si, à part le soutien très important du président mexicain, y a-t-il un autre soutien majeur que vous avez reçu récemment ?
Julian est un symbole de démocratie et d’anti-impérialisme dans de nombreux pays ; les pays d’Amérique latine qui soutiennent actuellement Julian sont l’Argentine, le Mexique et quelques autres pays. Nous attendons également les résultats des élections brésiliennes, parce que comme vous le savez peut-être, Lula da Silva a déclaré que Julian devrait obtenir le Prix Nobel de la paix.
Il y a donc un soutien incroyable dans le monde entier, la persécution politique de Julian est bien comprise dans le monde entier ; Julian est le plus grand prisonnier politique du monde, en ce moment: il a été puni et persécuté parce qu’il a fait son travail de journaliste et il est sanctionné parce qu’il a révélé les crimes de guerre et la criminalité des superpuissances.
Pouvez-vous nous dire s’il y a eu une sorte d’élévation de la conscience des gens suite à cette affaire ?
Absolument. Il y a eu une prise de conscience progressive au fil du temps et je pense que ce n’est pas seulement le succès des campagnes, qui sont extrêmement importantes, c’est à la fois ces campagnes qui ont sensibilisé et les gens qui se sont informés sur l’affaire, parce que la réalité des faits de persécution parlent d’eux-mêmes. Donc, il s’agit vraiment d’ouvrir une brèche pour informer correctement sur ce pour quoi Julian est accusé, c’est-à-dire les documents sur les guerres en Irak et en Afghanistan, la torture à la Baie de Guantánamo, etc.
Mais je pense que c’est aussi parce que le citoyen lambda est fondamentalement un témoin de cette injustice monumentale et parce qu’il comprend qu’on ne peut pas emprisonner une personne pendant des années et indéfiniment, : c’est une détention arbitraire sous sa forme la plus pure, c’est de la persécution dans son expression la plus primaire et toute personne qui a le sens de la justice et de l’équité peut voir que ce qui est perpétrè à Julian est un traitement cruel, inhumain et de véritable torture.
Concernant ce dernier sujet dont vous avez parlé, il est très important pour nous de comprendre la partie humaine de l’histoire : j’aimerais savoir à quand remonte la dernière fois que vous avez pu voir votre mari, que vos enfants ont pu voir leur père et comment va sa santé à présent ?
Heureusement, actuellement, nous pouvons rendre visite à Julian en prison deux fois par semaine, avec nos enfants de 3 et 5 ans, [information que Stella m’a communiquée plus tard, ndr]. La santé de Julian se détériore de jour en jour, parce que c’est ce que la prison vous fait. Il est dans cellule d’isolement au Royaume-Uni ; dans cette prison, des prisonniers restent dans leur cellule pendant plus de 20 heures par jour. L‘isolement est extrêmement difficile pour lui.
De toute évidence, il n’obtient pas la possibilité d’exercice physique dont il a besoin pour rester en bonne santé et il mène un énorme combat dans cet environnement, donc cela lui coûte énormément. La pure injustice serait extrêmement difficile à gérer pour n’importe qui, mais Julian est incroyablement fort et il sait qu’il y a beaucoup de soutien dans le monde, donc il est stimulé par le fait que les gens se mobilisent.
Ils se mobilisent dans le monde entier : demain [8 octobre, ndr], il y aura une série d’actions dans de nombreux pays, puis le 15 octobre, ici en Italie, et dans d’autres parties du monde, il y aura aussi des actions pour la liberté de Julian et c’est important maintenir la pression, faire monter la pression, afin que l’affaire de Julian soit vraiment compris pour ce qu’elle est: une affaire politique, une persécution politique, pas une procédure judiciaire. C’est un abus de la loi dans le but de persécuter une personne.
Julian est incroyablement reconnaissant pour tout ce que les gens font partout dans le monde, les gestes, petits et grands que les gens font, afin de se battre pour sa liberté de différentes manières et il n’y a pas d’action qui soit trop petite. Il y a aussi beaucoup de liens et de connexions entre les personnes qui soutiennent Julian et il y a de la force et de la résilience dans cette action, et c’est le combat en cours que les gens mèneront tant que Julian ne sera pas libre: c’est ce message qu’il est extrêmement important de faire grandir jusqu’à sa libération.
C’est précisément à cause de cela que nous n’arrêterons jamais de parler de l’affaire Assange et la semaine prochaine, nous allons faire un marathon en direct de 24 heures avec toutes les personnes qui vont parler de ce dossier, ainsi que Pressenza et mes collègues qui sont ici avec moi aujourd’hui! Y a-t-il autre chose que nous puissions faire pour attirer l’attention de tout le monde sur ce qui se passe ? Quelle est votre toute dernière pensée pour faire avancer la justice dans ce cas ?
Eh bien, Julian a défendu les gens du monde entier et maintenant les gens du monde entier devraient le défendre aussi, c’est ce qu’il faudra faire pour le libérer. Le marathon de 24 heures du 15 octobre pour libérer Julian est extrêmement important pour intégrer et consolider le soutien. Il faut continuer ces actions, il faut que les gens s’impliquent de plus en plus et suivent ce qui se passe ; suivez-moi, achetez le livre de Nils Melzer, achetez celui de Stefania Maurizi : ce sont des déconstructions incroyablement détaillées de la persécution contre Julian et les auteures montrent à quel point ce qui est fait à Julian est criminel, et ces criminels infligent des dommages à une personne innocente qui a défendu la démocratie.
Interview en anglais
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