Dans le cadre du Forum des migrants, voici un beau texte qui nous est offert par Abida Aïda Allouache. C’était à Oujda, en 2012. L’auteure nous emmène dans un voyage langagier et poétique autour des différentes réalités existentielles de la migration et, par delà les situations individuelles, lance un appel vibrant à la Paix.
Nomade,
Je suis une âme vagabonde
Qui erre de par le monde
En quête de liberté
Solitaire,
Je traverse l’hiver
En faisant l’inventaire
Des soleils disparus
Vigile,
Je balise les routes de l’exil
À tous les chercheurs d’asile
Dans le désarroi
Sentinelle,
J’en appelle aux rebelles
Pour apaiser les querelles
Qui mènent à la haine
Apatride,
J’ai les mains vides et le cœur aride
Mais mon âme est avide des parfums d’Alger
Des langueurs océanes
Des chants de Tanger
et du jasmin fleuri
de ma si belle Tunisie
Gratitude et Merci pour ce
Bouquet odorant et ô combien enivrant
De mon occident maghrébin
Sans papier,
Je récuse le mépris
Voulant instaurer l’oubli
Sur mon histoire, mon passé
Réfugiée,
J’aspire au retour
Quand viendra le jour
Où la loi d’Amour aura droit de cité
Femme,
Je fais pousser des fleurs
Dans le jardin de mon cœur
Pour donner des couleurs
À toutes mes sœurs que l’on a violentées
Algérienne,
Je veux la fin de la guerre
Pour tous les peuples de la terre
Pour que vive la Paix
Marocaine,
Je veux l’ouverture des frontières
Pour que l’on puisse circuler
Et enfin guérir nos cœurs déchirés
Tunisienne,
Je veux la karama, la dignité le respect
redorer le blason,
retrouver cet honneur perdu
des Maghrébins, mes frères
Aveuglés par les sortilèges
Des sirènes européennes dont les seins de pierres
Ont broyé dans la mer tant de harragas
Arabe, amazighe,
J’ai honte des violences policières,
Du racisme ordinaire,
et de la politique sécuritaire de
Ces régimes serviles d’une maîtresse indigne,
Cette Europe arrogante
qui non contente
d’avoir écumé les mers
Et pollué toute l’atmosphère
Est en train de faire de la Méditerranée
Un brûlant cimetière
Africaine
Je pleure sur les corps sans sépulture de mes enfants
Fuyant la guerre et la misère
Bastonnés, brisés dans vos prisons,
Empalés, déchiqueté sur les murs de vos enclaves
dont Sebta, Melila n’en sont que les plus fières.
Subsaharienne,
je vomis la terreur de mes fils dans vos forêts cachés
je hurle l’horreur de mes sœurs violées
et de ces accouchées sans ménagements
Expulsées
vous êtes donc sans cœurs ?
Pourquoi le fruit de mes entrailles est-il
refoulés de frontières en désert ?
Jouets de tant de cruauté
Avez-vous oublié votre africanité ?
Européenne,
Je crie ma colère
et je bats le rappel
de tous les indignés de la Terre
Pour chanter en chœur
Et pulvériser les murs porteurs de nos lâchetés
Pour à la place construire
avec plein de couleurs et d’ardeurs
l’entraide et la fraternité
Fille du désert
J’implore le vent et les rivières
D’apporter l’eau et la lumière
À tous mes frères dans l’iniquité
Etre libre,
Je chante l’équilibre
D’une humanité ivre
De ses différences acceptées
Demain
Je rêve de la joie
Comme ultime loi
Transcendant les voix trop souvent discordantes de la foi
Pour cela,
Je vous invite à l’ouvrage,
partons en voyage,
Vers d’autres rivages, avec pour tout bagage,
L’envie de briser les frontières
et tous clivages
De casser les préjugés qui nous ont piégés
Et sur lesquels on a érigé des tonnes de barbelés
Jusqu’aux ciels étoilés.
Abida Aïda Allouache
(Forum social des migrants / Oujda/ octobre 2012)