Par Luis Ammann
La politique internationale a tellement de variables à considérer que de nombreux faits s’avèrent surprenants. En général, les analystes travaillent avec des références publiées par les moyens d’information – grands et petits – et une grande partie de leur travail consiste à vérifier la véracité de ces diverses sources qui ont été consultées. Avec les sources qui paraissent les plus fiables, des études sur la situation actuelle, des analyses et des projections sont alors réalisées, basées sur des données publiées. Mais à de rares occasions on a accès aux courants d’information souterrains et quand ils surgissent à la surface ils provoquent l’étonnement. C’est ce qui s’est passé, par exemple, avec la défaite et la chute du dictateur Prie Pahlavi, en Iran en 1979 : quelque chose d’inattendu et considéré comme impossible par les services d’information des deux principales puissances d’alors en pleine Guerre Froide. Cela s’est donc produit d’une façon inattendue et nous avons commencé à parler de l’Ayatollah Khomeiny et du nouveau régime liant religion et politique créant un paysage nouveau dans le panorama international de la modernité et permettant le retour à beaucoup de croyances. C’est quelque chose de semblable qui est arrivé maintenant dans les relations entre deux pays séparés par des questions idéologiques, le Cuba socialiste et les Etats-Unis de l’Amérique du Nord, expression maximale du capitalisme.
Sur ce sujet il y a quelque chose à dire. D’abord, c’est une décision qui a été prise par le travail du Vatican, la diplomatie la plus expérimentée du monde, comme intermédiaire respecté par les deux pays. Durant ces 53 années de séparation il y a eu plusieurs tentatives de médiation qui n’ont pas abouti, comme celle d’Arturo Frondizi avec John F. Kennedy et Fidel Castro; avec les représentants de JFK et de Nikita Kruschev pendant la crise des missiles en 1962 où une confrontation nucléaire a été évitée mais la relation entre ces deux pays n’a pas été améliorée. Et, probablement d’autres que nous ne connaissons pas. Cette fois, un chef spirituel a obtenu ce que la politique n’a pas pu obtenir.
En second lieu, le rapprochement entre ces deux États emblématiques a été vécu avec joie par presque tous les pays, excepté aux Etats-Unis par les républicains plus récalcitrants.
En troisième lieu, ce rapprochement entre les deux états a commencé par d’importants gestes humanitaires comme l’échange de prisonniers. La libération a été simultanée et annoncée par les deux parties. Une façon de montrer le sérieux et la bonne volonté.
En quatrième lieu, il y a la question économique. Dans son discours, Raúl Castro a dit : « Nous avons décidé le rétablissement de relations diplomatiques » et il a mentionné ensuite le fait que «maintenant à Cuba, nous portons de l’avant, malgré les difficultés, l’actualisation de notre modèle économique pour construire un socialisme prospère et soutenable ». Disons en passant, que le pays des Caraïbes a toujours voulu reprendre des relations.
Les points principaux du discours de Raúl Castro ont été les suivants : « En reconnaissant que nous avons des différences profondes, fondamentalement en matière de souveraineté nationale, de démocratie, droits humains et politique extérieure, je réaffirme notre volonté de dialoguer sur tous ces sujets. »
En ce qui concerne l’affaire la plus importante qui est en suspens, Castro a subtilement indiqué une sortie : « Le blocus qui provoque des dommages humains et économiques énormes à notre pays doit cesser. Et bien que la fin de ce blocus ait été promulguée par une loi, le président des Etats-Unis peut modifier son application en exerçant ses prérogatives exécutives. »
Ce rapprochement que beaucoup s’illusionnent de voir comme un changement d’étape ne touche pas au sujet de fond qui est, précisément, le blocus économique des Etats-Unis vis-à-vis de l’île socialiste. Dans le contexte ou Barak Obama ne sera plus président, peut-être va-t-il oser lever le blocus. Mais ceci dépendra de l’analyse des répercussions des mesures actuelles chez la population d’origine latine face aux prochaines élections.
Ce n’est pas la fin de la Guerre froide comme cela a été dit, mais le début d’une étape qui aura des répercussions positives pour le parti Démocrate qui est en perte de vitesse depuis les dernières élections. Avec ce geste envers les électeurs hispanophones, qui s’ajoute à la mesure positive, bien que quelque peu mesquine, de légaliser cinq millions d’immigrants, dont beaucoup vivent dans l’état de la Floride, Obama ouvre une porte au futur candidat démocrate dans un secteur clef. Il ouvre aussi la sienne pour une sortie digne.
Source : http://luisammann.com/2014/12/23/una-puerta-abierta/