C’est l’histoire d’une campagne de boycott réussie contre la filiale espagnole du géant états-unien Coca-Cola. En janvier 2014, Coca-Cola Iberian Partners annonce la fermeture de quatre de ses onze usines d’embouteillage à Madrid, Palma de Majorque, Alicante et Colloto (Asturies). Ces fermetures inattendues sont assorties d’un plan social qui prévoit le licenciement de 1 253 travailleurs sur 4 200 employés au total.
Avec plus d’un quart de la population nationale au chômage, l’annonce suscite un véritable tollé populaire. D’autant plus que les bénéfices nets obtenus par Coca-Cola Iberian Partners (60,57 millions d’euros en 2013 [1]), justifient difficilement les licenciements pour des raisons économiques [2].
« Si Madrid ne produit pas, Madrid ne consomme pas »
Coca-Cola explique sa décision par une « surcapacité d’embouteillage » : la production de bouteilles et de canettes de soda ne serait plus suffisante pour justifier le fonctionnement de ces usines [3]. L’argument ne convainc pas les employés touchés par les fermetures. La voie judiciaire est d’abord explorée par leurs syndicats. Dans le même temps, à Fuenlabrada, dans la banlieue de Madrid, des travailleurs licenciés commencent à camper devant les portes closes de l’usine, multipliant les manifestations dans la rue et appelant au boycott de tous les produits Coca-Cola. « Si Madrid ne produit pas, Madrid ne consomme pas », peut-on lire sur les pancartes des manifestants et jusque sur les tracts distribués à la sortie des supermarchés de la capitale pour sensibiliser les consommateurs à la situation précaire des travailleurs de Coca-Cola.
Des personnalités s’associent par solidarité à cette campagne de boycott à l’instar du cinéaste Fernando Trueba. C’est aussi le cas de figures politiques comme Javier Couso (Izquierda Unida) et Pablo Iglesias (Podemos), co-auteurs du documentaire « Una mosca en una botella de Coca- Cola » (Une mouche dans une bouteille de Coca-Cola) qui critique le lobbying des grands groupes industriels sur les médias. Selon Juan Carlos Asenjo, du syndicat Comisiones Obreras et porte-parole du campement de Fuenlabrada, cette campagne a permis de faire baisser la consommation de Coca-Cola de 17 % en moins d’un an rien que dans la région de Madrid.
Poursuite du bras de fer
Face à cette pression sociale, l’Audiencia nacional – la plus haute juridiction du pays – prononce le 13 juin la nullité des licenciements des travailleurs des quatre usines fermées par Coca-Cola. Ce 21 novembre, un deuxième verdict vient de contraindre Coca-Cola à payer les salaires de tous les employés licenciés, à compter du 13 juin et durant le délai requis par les juges pour examiner le pourvoi en cassation déposé par la multinationale. « Pour nous c’est une victoire historique, se réjouit Juan Carlos Asenjo. Celle d’avoir réussi à récupérer nos emplois en luttant aussi bien dans la rue que devant les tribunaux ».
La bataille n’est pas pour autant gagnée. Sur injonction de l’Audiencia nacional, Coca-Cola doit décider d’ici le 28 novembre si elle réintègre les employés licenciés ou si elle se contente de leur payer les salaires jusqu’au résultat du pourvoi en cassation. Coca-Cola a déjà déclaré que si elle doit rouvrir des postes de travail, elle ne le fera que dans les usines demeurées ouvertes. De leur côté, les travailleurs restent mobilisés. « Nous ne lèverons le campement de Fuenlabrada et la campagne de boycott des produits Coca-Cola que lorsque l’usine sera rouverte et que nous récupèrerons nos postes de travail », a averti Juan Carlos Asenjo.
Nathalie Pedestarres
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