Durant des décennies, Cuba s’est retrouvée isolée suite aux pressions de la Maison Blanche. Ainsi, en 1962, toutes les nations, du Canada à l’Argentine, avaient rompu leurs relations avec La Havane, à l’exception notable du Mexique. Aujourd’hui, tous les pays du continent disposent de relations diplomatiques et commerciales normales avec Cuba, à l’exception des Etats-Unis.
Washington a multiplié les pressions sur le Panama afin que Cuba ne soit pas invitée en avril 2015. En plus des intenses tractations diplomatiques directes, les Etats-Unis ont émis plusieurs déclarations publiques s’opposant à la participation de La Havane au prochain Sommet des Amériques. Le Département d’Etat, par le biais du secrétaire d’Etat pour les Affaires de l’hémisphère occidental, Roberta Jacobson, a réitéré son opposition à la présence de l’île[1].
Juan Carlos Varela, Président du Panama, n’a pas cédé aux pressions étasuniennes et a réaffirmé sa volonté d’accueillir Cuba. « L’Amérique est un seul continent et inclut Cuba. Il faut respecter cela. La ministre des Affaires étrangères, Isabel de Saint-Malo, l’a notifié au secrétaire d’Etat John Kerry lors de sa visite à Washington […]. Tous les pays doivent être présents. […] La participation de Cuba est importante car elle pourrait apporter beaucoup au débat sur les situations politiques. Par exemple, les négociations pour la paix en Colombie se déroulent à La Havane[2] ».
Le Panama a même symboliquement dépêché Isabel de Saint Malo, Vice-présidente de la République et également ministre des Affaires étrangères, à Cuba pour faire part de l’invitation au Président Raúl Castro[3]. « La famille américaine serait incomplète sans Cuba. En tant qu’hôte, le Panama a fait part de son souhait de compter avec la présence de tous les pays. Puisque le Sommet est celui des Amériques et que Cuba est un pays des Amériques, pour la participation soit totale, la présence de Cuba est nécessaire. Si vous invitez votre famille à déjeuner et que vous mettez de côté un membre, la famille n’est pas complète. », a déclaré Isabel de Saint Malo. De son côté, Martín Torrijos, Président du Panama de 2004 à 2009, a salué le « triomphe collectif » de l’Amérique latine qui a su résister aux pressions en provenance du Nord[4].
Même Miguel Insulza, secrétaire général de la très docile Organisation des Etats américains, a fait part de son souhait de voir Cuba au Sommet : « Il n’y a aucun motif légal » qui empêche la participation de La Havane. Insulza a rappelé qu’il était temps pour les Etats-Unis « d’essayer autre chose » après plus d’un demi-siècle de politique hostile vis-à-vis de l’île de la Caraïbe, et d’opter pour le « dialogue »[5].
Lors du dernier Sommet de 2012, plusieurs pays tels que l’Argentine, le Venezuela, la Bolivie et le Nicaragua, avaient conditionné leur participation à l’édition de 2015 à la présence de Cuba. En mai 2014, les membres de l’Union des nations sud-américaines (UNASUR), qui regroupe 12 nations, a rendu publique une déclaration exprimant « sa volonté que la République sœur de Cuba soit présente au prochain Sommet des Amériques de façon inconditionnelle et sur un plan d’égalité[6] ». De la même manière, Haïti et le Nicaragua ont partagé ce point de vue. Selon Managua, « un Sommet des Amériques sans Cuba n’est pas un sommet des Amériques[7] ».
L’Equateur avait déjà boycotté le Sommet de Carthagène de 2012. Son Président Rafael Correa en avait expliqué les raisons : « Un Sommet des Amériques sans Cuba est inadmissible, tout comme était inadmissible une Organisation des Etats américains sans Cuba ». En 2009, l’OEA avait décidé d’abroger la résolution relative à l’exclusion de l’île. « L’Amérique latine ne peut tolérer cela. J’ai décidé que tant que je serai Président de la République d’Equateur, je n’assisterai plus à aucun Sommet des Amériques », sans la présence de Cuba, a-t-il ajouté[8].
La solidarité exprimée par l’Amérique latine vis-à-vis de Cuba est emblématique de la nouvelle ère que traverse le continent depuis une quinzaine d’années, marquée par une volonté d’émancipation, d’indépendance et d’intégration et le refus de l’hégémonie étasunienne. Elle illustre également l’isolement total dans lequel se trouve Washington et le rejet que suscite sa politique désuète et cruelle de sanctions économiques contre La Havane, lesquelles affectent les catégories les plus vulnérables de la société, à commencer par les femmes, les enfants et les personnes âgées.
[1] EFE, « U.S. Reaffirms Opposition to Cuba Attending Americas Summit », 26 septembre 2014.
[2] EFE, « Juan Carlos Varela quiere a Cuba en la Cumbre de las Américas », 8 septembre 2014.
[3] Granma, “Recibió Raúl a la Vicepresidenta de Panamá”, 19 septembre 2014.
[4] EFE, « Canciller panameña: familia americana estaría incompleta sin Cuba », 19 septembre 2014.
[5] EFE, « ‘No hay motivo legal’ que impida a Cuba ir a la Cumbre de las Américas, dice Insulza », 5 septembre 2014.
[6] UNASUR, “Declaración de los cancilleres de UNASUR”, 23 mai 2014.
[7] Cubadebate, “Países de la región exigen presencia de Cuba en próxima Cumbre de las Américas”, 6 juin 2013.
[8] Cubadebate, « Exige Correa presencia de Cuba en Cumbre de las Américas 2015 », 5 juin 2014.