De Conakry ( Guinée) Mamadou Bhoye Laafa Sow pour Pressenza.
Le président guinéen Alpha Condé a été arrêté tôt ce dimanche matin, 05 septembre 2021 par le groupement des forces spéciales de l’armée guinéenne dirigé par par le tout nouvel homme du pays, le colonel Mamady Doumbouya.
Alpha Condé jusque là président de la République de Guinée réinvesti à ses fonctions le 15 décembre 2020 après deux mandats constitutionnels, a été donc été maritalement cueilli à la présidence ce dimanche par les hommes d’unité d’élite. Aussitôt maîtrisés par les militaires, des tirs nourris ont retenti dans la presqu’île de Kaloum aux abords du palais présidentiel. La presqu’île de Kaloum est la commune qui abrite le centre administratif : tous les départements ministériels, les centres d’affaires, le palais du peuple, le palais des nations et la Présidence de la République de Guinée.
Quelques temps après l’arrestation de ce désormais ancien numéro 1 du pays, les putschistes ont lu une première déclaration partagée sur les réseaux et dans laquelle ils ont annoncé détenir Alpha Condé.
Les forces spéciales affirment avoir la maîtrise de la capitale Conakry tout en revendiquant l’arrestation du président Alpha Condé. Le commandant des forces spéciales qui aurait mené l’insurrection, le colonel Mamady Doumbouya, s’est exprimé à la RTG, la radio-télévision nationale, annonçant la création d’un Comité national pour le rassemblement et le développement, le CNRD. Il promet un dialogue inclusif pour écrire une nouvelle constitution.
<< Chers compatriotes, le geste que nous posons aujourd’hui n’est pas un coup d’État mais une action inaugurale permettant de créer les conditions d’un État. Plus précisément un Éttat de droit. Car l’histoire politique de notre pays, marqué par des violences, des injustices et inégalités, prouve qu’en Guinée la volonté du plus fort a toujours supplanté le droit. Depuis l’accession à l’indépendance, l’esprit autoritaire a triomphé sur l’esprit du juste et du raisonnable. Et c’est parce que nous jugeons cette situation profondément anormale et injustifiable que nous avons décidé d’agir, de poser un geste autour duquel nous voulons mobiliser toutes les bonnes consciences afin de sortir notre pays de la malédiction politique.
Chers compatriotes,
Notre action n’a rien d’un coup d’État. Il traduit seulement l’aspiration légitime des personnes à vouloir vivre dans un environnement où les besoins humains de base peuvent être satisfaits ; où il est possible à chacun, sans crainte, de jouir de la vie, d’étudier, de se soigner, de travailler humblement sans être soumis aux contraintes de réseaux informels ; où enfin le pouvoir est responsable de sa population. Nous voulons ainsi réconcilier la politique et l’humain. Notre geste donc n’est rien d’autre que l’expression de notre désir de dignité que certainement vous partagez avec nous. Or, c’est parce que le respect de notre dignité est bafoué depuis 1958 par une minorité qui confisque le pouvoir et ses avantages économiques que nous avons pris l’initiative, convoqués par le sens du devoir, de créer les conditions d’un nouveau départ politique et social. L’action que nous accomplissons aujourd’hui se veut par ce fait même, un premier pas. Un moment inaugural.
Chers compatriotes,
Nous n’avons aucune mission prophétique. Ce n’est pas le peuple de Guinée que nous voulons sauver, mais la Guinée avant tout. Car un peuple ne peut pas être sauvé alors que l’espace dans lequel il vit est un enfer. Il faut éteindre le feu d’abord. C’est ce rôle de pompier que nous avons voulu assumer. Notre pays ne souffre pas d’un manque de ressources humaines, moins encore est-il victime d’une précarité des ressources naturelles. Non ; nos maux se nomment : manque de courage politique ; tyrannie de l’argent ; extraversion ; absence de moralité collective. Ce dont nous manquons et que nous avons manqué, ce sont des hommes capables de traduire politiquement et économiquement cette richesse qu’est la Guinée. Notre problème, ce n’est même pas l’absence de démocratie, mais le manque de vision, de valeur politique et sociale. C’est pour mettre fin à cet aveuglement volontaire, qui a rendu misérable la vie du guinéen, que nous décidons aujourd’hui d’assumer notre responsabilité. Pour que nous autres, guinéens, accédions enfin à la lucidité, celle qu’exige justement l’Etat de droit.
Aux partenaires extérieurs de la Guinée, nous ne demandons pas forcément un soutien financier, mais une compréhension de votre part. Avant de brandir l’idée de restauration de l’État, demandez-vous, s’il n’a jamais existé un État en Guinée. Avant de brandir des sanctions, cherchez à savoir si la sanction n’a toujours pas été le lot infernal des Guinéens, de Sékou Touré à Alpha Condé. Nous, nous contestons notre condition injuste ; nous jugeons que notre situation politique n’est pas acceptable et est humainement condamnable. Nous espérons donc de votre part un soutien moral.
Nous invitons tous les responsables de la société civile et les différents partis politiques à une rencontre d’urgence pour que, collectivement, nous sortions de ce moment inaugural et amorcions la seconde étape, celle d’organiser la société guinéenne sous les principes de l’État de droit. Ce qui inclura essentiellement une réorganisation de l’armée afin de mettre un terme à sa longue et tragique politisation >>, a décliné le colonel Mamady Doumbouya.
Peu après cette première déclaration partagée sur les réseaux sociaux et en début d’après-midi de ce dimanche 5 septembre 2021, le ministère de la Défense a publié un communiqué pour affirmer que la situation était sous contrôle.
Les organisations africaines et internationales ont réagi à travers des communiqués sur ce coup d’Etat militaire opéré en Guinée.
Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies, ne réagissant pas officiellement, affirme cependant suivre personnellement la situation en Guinée en disant qu’il « condamne toute prise de pouvoir par les armes et appelle à la libération immédiate du président Alpha Condé ».
L’Union africaine de son côté a publié un communiqué sur la situation en Guinée. Un communiqué signé par le président en exercice de l’UA ( Union Africaine), le chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi, et le président de Commission Moussa Faki Mahamat. Les deux dirigeants condamnent << toute prise de pouvoir par la force et demandent la libération immédiate d’Alpha Condé >>. A travers le même communiqué ils invitent le Conseil de paix et de sécurité à se réunir en urgence pour examiner la situation et prendre des mesures adéquates.
En attendant de savoir ce qui va se passer dans les jours qui suivent, le calme règne dans la capitale guinéenne. Toutes les frontières terrestres restent fermées.
Partout dans les rues de la capitale Conakry, des populations sont sorties massivement pour soutenir le coup d’Etat militaire qui a conduit à la chute d’Alpha Condé. Le nouvel homme fort, le colonel Mamady Doumbouya étant ancien légionnaire de France, des partisans du président Alpha Condé accusent la France à travers les réseaux sociaux d’être derrière ce coup d’État.