Par Michel Deslandes
Au revoir José Salcedo V., de nombreuses personnes étaient présentes, cette nuit, dans le monde pour t’accompagner dans ton voyage, transporté par la lumière vers ta nouvelle demeure…
A chaque fois que quelqu’un s’en va ainsi, un être humain que j’ai connu, un être qui a compté, un être avec lequel des liens se sont créés, à chaque fois, la mémoire déroule les faits communs, les anecdotes, les circonstances de nos rencontres, les histoires… la compassion s’éveille de nouveau et prend les commandes…
Je me souviens, nous nous sommes connus dans les années 80, à Paris, avec des premières actions timides dans les rues, pour faire connaître l’humanisme, l’humain, la violence d’un système, la folie de l’argent ; je me souviens d’un tract représentant une bombe et un slogan « notre bombe interne »…
Puis un jour, tu as décidé de rentrer dans ton pays, l’Equateur, nous nous sommes retrouvés dans le même conseil, avec notre cher Dario Ergas, et nous nous retrouvions régulièrement tous les 6 mois, quelquefois à Paris, et puis plus souvent en Amérique Latine ! Je me souviens que tu as souvent traduit pour ce petit Français, cabochard avec la langue espagnole, qui n’a jamais voulu vraiment s’y mettre, et cela sans jamais t’en plaindre, ni rechigner…
Puis la mémoire m’a replongé dans quelques anecdotes, certaines trop floues, mais une très précise m’est revenue, une fois où tu allais chez Dario, la veille de reprendre ton avion, la baie vitrée venait d’être nettoyée, et croyant qu’elle était ouverte, tu es rentré comme on rentre normalement dans un espace ouvert, et celle-ci s’est cassée, te blessant sérieusement au bras… ! Je me souviens t’avoir accompagné à l’aéroport le lendemain, pour t’aider à porter une valise, je me souviens que tu me disais être un peu honteux car nous avions fait tout un travail sur l’attention dans le conseil !!!
Je me souviens aussi de contacts de rues, en Equateur, ou… ? En Amérique Latine en tout cas, et où un individu te soutenait avec agressivité et certitude que la violence était le seul moyen de lutter contre le système, je me souviens que tu lui disais alors de le faire vraiment, pour le placer face à lui-même, seule réponse valable à donner face à la mauvaise foi, face à son propre mensonge interne.
Enfin, je me souviens de tes rires, je me souviens de quelqu’un qui écoutait beaucoup, quelqu’un de simple, pas un personnage, je me souviens d’une réunion la nuit, à Paris, avec Silo, beaucoup de souvenirs reviennent, beaucoup… Et puis, je me souviens de ce centre de travail, que tu étais venu donner ici, à Paris, pour les Français, de plusieurs jours, ou tu m’avais fait beaucoup rire avec tes lunettes de soleil, qui étaient comme des lunettes de plongée… Un centre de travail que je n’ai pas oublié, avec cette imposition des mains finale, une référence dans mon processus personnel. Un très beau centre, que tu avais guidé sans aucun dirigisme, la main ouverte, l’âme tranquille. C’est ça un humaniste, prêt à partir de chez lui, quitter sa famille quelques temps, faire des milliers de kms, pour apporter à d’autres une possible expérience fondamentale, sans recevoir d’argent, à contrecourant d’un système déshumanisant, qui ne cesse de compter pour accumuler… accumuler quoi ? Le non-sens ! Pour toi José, cela a été la satisfaction de donner, se sentir en accord, avec sa conscience, donner à d’autres ce que l’on a ressenti important pour soi même ! Être heureux de voir que certains ont compris quelque chose d’important, que celui-là a fait une expérience extraordinaire, ou que celui-ci a produit une réconciliation fondamentale pour sa vie.
Un jour, tout à fait par hasard, nous nous sommes rendu compte que nous étions nés le même jour, la même année, 26 avril 1955, étonnant quand même, ce n’est pas si commun… Depuis ce temps-là, quand nous nous revoyions, on s’appelait « mon frère »…
Alors, tu as décidé de partir, mon frère, un choc que j’ai pris en pleine figure, j’ai pleuré, la machine interne s’est mise en route, et la mémoire a fait son travail… Ainsi, comme beaucoup d’humanistes, tu auras agi dans ta vie pour lui donner du sens, pour chercher ce sens, pour aller vers les autres, pour transmettre le meilleur, ce qui transcende l’humain ! Tu auras été une bonne personne, tu es une bonne personne, longue vie à toi, dans cet autre espace et autre temps, longue vie mon frère.