Plus de trois cents soldats, un hélicoptère et trois ULM de l’armée nationale camerounaise ont été déployés dans le parc de Boubandjida pour mettre fin au massacre des éléphants entamé en début d’année. Si les braconniers semblent aujourd’hui avoir quitté le parc, l’immensité de ce parc est telle que l’on ne peut en être certain.
Le Parc National de Bouba N’Djida, situé dans la région de l’extrême nord du pays, près de la frontière avec le Tchad, est le théâtre d’un carnage en bande d’éléphants. C’est le Fonds International pour la Protection des Animaux (IFAW) qui a donné l’alerte. Six mois après la découverte des carcasses de 200 éléphants tués, le carnage est loin d’être terminé puisque l’organisation découvre deux semaines après, 14 nouveaux cadavres. Selon des témoignages recueillis auprès des riverains, des coups de feu avaient été entendus quelques jours auparavant. Ce massacre n’a laissé personne indifférent : selon des sources bien introduites, l’ambassade des États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni et la France auraient attiré l’attention du gouvernement camerounais sur cette situation.
Le rapport de l’IFAW est très révélateur : Le massacre de ces éléphants a décimé au moins la moitié de la population d’éléphants du Parc National de Bouba N’Djida. Ce massacre se serait déroulé par vagues de braconnage sanglant perpétré par des braconniers à cheval dont le forfait s’est poursuivi de manière continue durant 10 semaines en raison de la réaction tardive du gouvernement camerounais et des autorités chargées de la protection de la faune dans la région.
Selon Céline Sissler Bienvenu, Directrice d’IFAW : « L’alerte a été donnée dès le début du mois de janvier pour signaler la présence de braconniers. Celle-ci a été ignorée. Seules la pression médiatique internationale et la critique soulignant l’absence de réaction du gouvernement camerounais ont finalement contraint les autorités à intervenir, mais cela est arrivé bien trop tard ». Selon les dernières informations recueillies par les organismes de défense de la nature dans la région, plus de 300 carcasses d’éléphants ont été retrouvées ou géo-localisées à ce jour. Or quelques semaines avant le massacre, les braconniers auraient annoncé aux populations locales avoir abattu 650 éléphants, un chiffre vraisemblable en raison du nombre d’éléphants qu’abritait le parc. L’ampleur des dégâts révèle qu’il s’agirait de dizaines de braconniers lourdement armés de fusils d’assaut tels que le AK-47 conçus pour tuer des humains entre 70 et 80 kilos. Pour venir à bout d’un éléphant de 5 000 kilos, il faut un grand nombre de munitions et les animaux peuvent alors mettre très longtemps à mourir. Ils étaient bien organisés et ont eu le temps de se familiariser avec le terrain s’attaquant à des troupeaux entiers, abattant sans distinction femelles et jeunes, « il faudra probablement plus de 50 ans à la population d’éléphants de Bouba N’Djidapour qu’elle se reconstitue. Les pertes sont irréversibles et dramatiques.» précise la Directrice d’IFAW.
Après la réaction des autorités qui s’est traduite par le limogeage du Conservateur du parc, du Gouverneur et du représentant ministériel des forêts et de la faune de la Province du Nord, des colonnes de braconniers auraient été vues faisant route vers le nord-ouest du Parc, laissant planer le spectre d’une attaque dans les Parcs Nationaux de Waza et de la Bénoué, réserves de biosphère de l’UNESCO.
L’ ivoire prélevé sur ces animaux est exporté illégalement hors d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest pour alimenter les marchés en Asie et en Europe. L’argent récolté finance ensuite l’achat d’armes qui serviront dans des conflits régionaux, tels que ceux du Darfour, au Soudan et en Centrafrique. Le Parc National camerounais de Bouba N’Djida se trouvant à la frontière avec le Tchad, qui lui-même partage ses frontières avec le Soudan et la Centrafrique, des insurgés lourdement armés traversent et peuvent ainsi faire des raids destinés à braconner les éléphants. La décision tardive du gouvernement camerounais a finalement permis la mise sur pied d’une opération militaire anti-braconnage de grande ampleur, qui mobilise 600 soldats du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR), un hélicoptère du BIR et 3 ULM de l’armée camerounaise.
Souhaitons que ces mesures de sécurité soient maintenues dans la durée puisque les massacres d’éléphants dans cette région ne datent pas d’aujourd’hui. Déjà en 2010 face à la montée du braconnage dans la zone du parc national de Lobeke, Jim Leape, Directeur général du WWF International, avait saisi les autorités à cet effet.