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La Bolivie a été victime d’un coup d’État à dimensions multiples, une conspiration organisée soigneusement par des fonctionnaires de l’ambassade des Etats-Unis, les Comités Civils, les Forces Armées, l’église évangélique, la Police, les médias et d’autres acteurs de droite aussi bien dans le pays qu’à l’étranger. Les actions ont commencé de façon visible avec les réunions organisées avant les élections à Santa Cruz et à La Paz sous prétexte de « protestation pacifique » ou de « transition démocratique. »
Dans les 2 cas, la droite et les Comités Civils ont déclaré d’avance qu’ils ne reconnaîtraient pas les résultats des élections si le parti au pouvoir, le Mouvement Vers le Socialisme – Instrument Politique pour la Souveraineté des Peuples (MAS-IPSP), en sortait vainqueur car ils affirmaient que cette force politique allait commettre une fraude pour avoir la victoire.
Les manifestations violentes, les actes de vandalisme et discriminatoires commis par l’opposition contre les partisans du MAS-IPSP et les Indigènes se sont transformés en coup d’Etat, le 10 novembre, quand le président Evo Morales s’est vu obligé de démissionner à cause des agressions et des menaces dont étaient victimes des dirigeants et les membres de leur famille et sous la pression du Général des Forces Armées.
Selon les médias et les réseaux sociaux alignés sur les forces putschistes, il ne s’agissait pas d’un coup d’Etat mais de la réaction de tout un peuple mécontent à cause de la fraude, de la gestion corrompue du Gouvernement et en particulier de son dirigeant Evo Morales Ayma, qui cherchait à rester au pouvoir en violant la Constitution et la volonté du peuple.
Mais il vaudrait la peine d’analyser le fond de cette situation en répondant à une série de questions pour mettre en lumière cet événement. Pourquoi un coup d’État en Bolivie ? Quelles sont les véritables raisons de ce coup d’Etat ? Qui sont les acteurs impliqués ? Que cherchent-ils à faire avec la Bolivie ?
La quinquennat 2000-2005 a été décisif pour la politique bolivienne : mes mouvements sociaux d’Indigènes, de peuples originaires, de paysans et de marchands ambulants ont organisé une série de protestations contre la privatisation des ressources naturelles.
Ils ont obtenu ainsi, grâce à al guerre de l’Eau en l’an 2000, l’expulsion de la Transnationale Bechtel qui avait signé un contrat avec Hugo Banzer, président de la Bolivie à cette époque, pour privatiser l’eau à Cochabamba.
Ensuite, il y a eu la Guerre du Gaz, en 2003, quand les protestations populaires ont rejeté la commercialisation de cette ressource naturelle aux Etats-Unis grâce au Chili. Les manifestants, à El Alto, ont été violemment réprimés par l’Armée qui leur a tiré dessus, faisant un massacre connu sous le nom d’Octobre Noir.
A la suite de cela, le peuple a exigé la démission du président Gonzalo Sánchez de Lozada qui a fini par fuir aux Etats-Unis. Son vice-président, Carlos Mesa, lui a succédé et a démissionné à son tour en 2005. Un gouvernement de transition dirigé par Eduardo Rodríguez Veltzé a alors organisé de nouvelles élections.
Les élections ont eu lieu le 18 décembre de 2005 et Evo Morales Ayma les a gagnées avec 54% des voix. Il faut attirer l’attention sur 3 éléments : d’abord, l’élite gouvernante a été chassée du Gouvernement par le premier président indigène de l’histoire de la Bolivie.
C’était comme si le ciel leur tombait sur la tête, comme si le mépris acerbe d’infériorisation échelonné avec ceux qui avaient ordonné le monde à partir de la couleur de la peau était parti en fumée face à l’insolence d’un paysan entrant au Palais du Gouvernement (Lineras, 2011).
Deuxièmement : la nature du nouveau sujet politique de ce processus : le Mouvement Indigène, Originaire et Paysan (MIOC) qui, remplaçant la classe ouvrière faible, transforma toutes les protestations et propositions en passant de bloc d’insurgés à bloc de Gouvernement et plus tard, au pouvoir.
L’irruption du MIOC répond, en outre, au discrédit des partis politiques traditionnels et cela explique la création du MAS-IPSP qui, bien qu’il se présente aux élections en tant que parti politique, conserve un comportement propre très proche de la dynamique des mouvements sociaux.
Enfin, il faut parler de l’Ordre du Jour d’Octobre : le cahier de demandes des Mouvements Sociaux pendant la Guerre du Gaz est devenu Ordre du Jour du Gouvernement. En respectant ces revendications, le Gouvernement d’Evo Morales a engagé un processus de changement en partant de la nationalisation des ressources naturelles, en redistribuant les richesses grâce à des bons destinés aux secteurs les plus vulnérables et nécessiteux de la population.
Il a également réussi à faire approuver une nouvelle Constitution qui a ouvert la voie à la naissance de l’Etat Plurinational de Bolivie qui permet la participation des peuples indigènes et originaires, reconnaît l’existence de 36 ethnies et établit le respect de leurs cultures et de leur vision du cosmos.
D’autre part, les résultats économiques ont été excellents. La Bolivie, qui était le second pays le plus pauvre de la région est devenu le pays qui a eu la plus forte croissance pendant 6 années consécutives. La pauvreté extrême est passée de 38% à 15,2%. La classe moyenne s’est développée avec les secteurs indigènes et paysans.
Dans le domaine de la politique étrangère, le processus de changement s’est fat remarquer par son activité dans les organismes internationaux en défense de la souveraineté, de l’intégration et de l’autodétermination des peuples. La Bolivie n’a plus été soumise aux Etats-Unis. En effet, c’est le seul pays qui a expulsé de son territoire national les principales institutions étasuniennes, c’est à dire l’ambassadeur, la DEA et l’USAID.
Grâce à ces éléments, nous sommes en mesure de comprendre les véritables raisons du coup d’Etat en Bolivie. L’élite blanche raciste, n’a jamais pardonné l’arrivée à la présidence d’un indigène cultivateur de coca et qu’il place, de plus, d’autres indigènes, à des postes de décision et comme si cela ne suffisait pas, arrache le contrôle des ressources naturelles.
Ce sont là les 2 véritables causes du coup d’Etat : la discrimination raciale et la lutte pour le contrôle des ressources naturelles de la Bolivie.
Le lithium et les acteurs étrangers
Les ressources naturelles
Dans le tableau de la géopolitique mondiale, les ressources naturelles occupent une position de choix et sont sources de conflits. C’est pourquoi tous les pays possesseurs de ces richesses qui mettent en place des projets nationaux de décolonisation et souverains sont identifiés par les Etats-Unis comme des Gouvernements qui violent les Droits de l’Homme.
C’est évidemment le cas de l’Etat Plurinational de Bolivie, l’un des territoires qui possède la plus importante biodiversité de la planète éparpillée sur des espaces géographiques importants comme la Cordillère des Andes, l’Altiplano, l’Amazonie, le Pantanal, le Chaco, le Lac Titicaca. Il possède, en outre, du pétrole, de l’or, de l’argent, de l’eau, du bois et une importante réserve de gaz.
Parmi ces richesses se détache la Saline d’Uyuni, le plus important gisement de lithium au monde, qui héberge 70% des réserves de la planète. Cette situation met le pays en condition de se renforcer en tant qu’acteur important sur la marché de ce qu’on appelle l’or blanc.
Ce minerai stratégique est indispensable pour fabriquer des batteries de téléphones portables, d’ordinateurs, de voitures électriques. Les gisements se trouvent pour la plupart à un peu plus de 3600 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans le département de Potosí.
Le lithium bolivien a pour caractéristique essentielle d’être mêlé à d’autres minerais et est soumis à 3 mois de pluies par an. C’est pourquoi il faut une expertise et un investissement de capitaux considérable pour l’exploiter.
Dans ce but, l’entreprise allemande Acys Systems a été choisie pour le projet de traitement de la saumure résiduelle. Ce contrat est devenu la justification du conflit engagé par les membres du Comité Civil de Potosí, en particulier de son président Marcos Pumari, qui a accusé le gouvernement, en octobre de cette année, d’avoir conclu un contrat qui remet les ressources naturelles à des intérêts étrangers.
En vérité, le projet était à 100% un projet d’exploitation par l’Etat, Gisements de lithium boliviens (YLB) étant le partenaire majoritaire. Cette entreprise vendait à Acys Systems la saumure et cette entreprise la traitait en territoire bolivien pour obtenir des produits de haut niveau qu’elle exportait en Europe.
C’est à dire que les Boliviens touchaient le prix de la vente du produit, de nouveaux emplois étaient créés sous la direction du Gouvernement également bolivien, les brevets restaient là ainsi que les transferts de technologie et enfin les produits finis avaient un marché sûr pour leur commercialisation.
D’autre part, la croissance constante de l’économie bolivienne et la stabilité politique et sociale sous le Gouvernement d’Evo Morales rendaient le pays encore plus attractif pour les investissements étrangers. Les nouvelles relations commerciales se mettaient en place sous le contrôle de l’Etat et sous les principes de souveraineté et elles avaient d’excellents résultats. L’alliance de la Bolivie et de la Chine dans le cadre de l’initiative de la Bande et de la Route destinée à mener à bien le projet de corridor bi-océanique en est un bon exemple.
La Chine, en outre, investit dans les ressources hydrauliques, le lithium et la technologie. Pour sa part, la Russie a investi environ 500 000 000 de dollars dans les hydrocarbures, le lithium, l’industrie alimentaire et la défense. En 2016, Gazprom et Gisements de Pétrole Boliviens (YPFB) ont signé un accord concernant l’exploitation conjointe de gisements de pétrole.
Sans doute, la diversification des relations commerciales boliviennes, en particulier avec la Russie et la Chine, et la décision de faire participer activement les entreprises d’Etat à l’exploitation des ressources naturelles ont contribué à l’ébranlement de l’hégémonie des Etats-Unis dans la région. Ou c’est au moins ainsi que les Etats-Unis le perçoivent. C’est pourquoi ce sont eux qui ont financé et même conseillé ce coup d’État.
La discrimination raciale
Malgré les efforts du Gouvernement pour éliminer ce fléau de la société, son éradication n’a pas été possible. Le racisme agit dans la subjectivité et la représentation sociale des individus et est la conséquence de la colonisation intérieure. La haine et le mépris de l’Indien a été pendant de nombreuses années une pratique courante en Bolivie.
Analysons le sujet du point de vue symbolique. Ce n’est pas un hasard si les putschistes sont entrés au Palais Présidentiel avec la Bible, le rosaire et la drapeau tricolore bolivien. Respecter la promesse faite devant le conseil municipal de Santa Cruz de faire revenir Dieu au Palais a été un message clair, fort, colonialiste.
De plus, toutes les concentrations des réunions de l’opposition à Santa Cruz se sont déroulées au pied de la statue du Christ. Les discours des dirigeants montrent, de plus, un fondamentalisme religieux qui répand la crainte de Dieu et la nécessité de participer à cette croisade pour que le bien triomphe du mal ou, ce qui est la même chose, que les hérétiques, ceux qui ont une vision du cosmos différente, les Indigènes, s’en aillent.
En plus, les militaires ont supprimé la Whipala de leur uniforme et ce symbole a été brûlé sur la Place Murilo. La droite annonçait clairement ses intentions de reprendre le pouvoir grâce à l’exclusion de l’autre comme dans l’ancien temps. Le non respect des symboles des peuples originaires est une preuve du caractère raciste des forces putschistes.
Un autre exemple en est l’agression physique de paysannes portant la jupe traditionnelle à Santa Cruz et ce qui s’est passé avec la maire de Vinto en Cochabamba, Patricia Arce qui a été obligée de marcher pieds nus, qu’ils ont offensée, humiliée, maltraitée, à qui ils ont coupé les cheveux et qu’ils ont arrosée de peinture seulement parce qu’elle était membre du MAS-IPSP, qu’elle était une femme et qu’elle était indigène.
La droite et les classes moyennes traditionnelles à la peau blanche mais aux racines indigènes connues n’ont pas pardonné à Evo d’avoir dû avoir des relations avec la classe moyenne venue des secteurs sociaux antérieurement pauvres. Cette haine raciale a été habilement utilisée par les auteurs du coup d’Etat pour diviser le peuple et l’inciter à la violence.
Partie 2 :
Bolivie : Les véritables raisons du coup d’État (partie 2 de 2)
Traduction : Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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