Il y a 22 ans, le 19 mars 2003, j’ai démissionné du Département d’État des Etats-Unis. J’étais cheffe de mission adjointe à l’ambassade des États-Unis à Oulan-Bator, en Mongolie, et le troisième employé du gouvernement à démissionner pour s’opposer à la guerre des États-Unis contre l’Irak. J’ai démissionné le jour où l’administration Bush a commencé la guerre de dix ans contre l’Irak, le 19 mars 2003.

Par Ann Wright, ancienne diplomate USA et colonelle de l’armée à la retraite

22 ans plus tard, je ne regrette pas du tout ma décision.

Le président Bush, comme les présidents qui l’ont précédé et suivi, a menti. Il a notamment menti sur la raison pour laquelle les États-Unis ont attaqué et tué des centaines de milliers d’Irakiens.

En 2003, Bush, Cheney, Rumsfeld et Powell ont menti en affirmant que l’Irak possédait des armes de destruction massive, alors que les inspecteurs internationaux en désarmement avaient clairement déclaré qu’après leur enquête exhaustive, il n’y avait pas d’armes de destruction massive.

Au lieu de croire cela, Bush a suivi les conseillers qui ont rédigé le guide Project for the New American Century (Projet pour le nouveau siècle USA), qui appelait au renversement de sept pays au Moyen-Orient, et l’Irak a été le premier à être renversé.

Les noms des auteurs de cette guerre contre le monde, la « guerre contre la terreur », sont encore dans l’infamie : Donald Rumsfeld, Richard Pearlman, Douglas Feith et, bien sûr, le vice-président Dick Cheney.

Bush avait déjà menti sur la raison de l’envoi de l’armée USA en Afghanistan. Au lieu de mettre en place une police internationale pour retrouver les dirigeants d’Al-Qaïda qui avaient planifié et exécuté les événements du 11 septembre, l’administration Bush voulait disposer d’une plate-forme à côté de l’Iran pour mener une guerre contre ce pays. Mais les Talibans, peu nombreux, sous-financés et mal entraînés, ont tenu en échec l’armée USA et l’armée afghane, très bien entraînée et peu motivée, pendant les 20 années où les États-Unis ont été présents en Afghanistan.

J’ai fait partie de l’équipe qui a rouvert l’ambassade USA à Kaboul, en Afghanistan, en décembre 2001. Notre petit groupe de diplomates s’est très vite rendu compte que la poursuite d’Al-Qaïda n’était pas l’objectif principal de l’intervention en Afghanistan. Les politiques et les financements USA en 2002 étaient axés sur d’autres objectifs… et il s’est avéré qu’il s’agissait de renverser Sadam Hussein en Irak.

Si j’avais une démission de plus… non, deux démissions de plus.

Une démission sur la complicité de Biden dans le génocide de Gaza

Au cours des vingt-deux années qui ont suivi, j’ai eu à maintes reprises le sentiment que si j’avais encore fait partie du gouvernement USA, j’aurais démissionné.

La complicité du président Joe Biden dans le génocide israélien de Gaza, qui a commencé en octobre 2023, méritait une démission… et 14 employés du gouvernement USA ont démissionné à cause des armes et des encouragements que l’administration Biden a donnés au gouvernement israélien dans le génocide de Gaza, avec plus de 60 000 Palestiniens tués et des dizaines de milliers encore sous les décombres au moment où Biden a quitté ses fonctions, sans aucune tentative d’obtenir du gouvernement israélien qu’il arrête les tueries.

Et n’oublions pas la complicité Obama-Biden dans les événements orchestrés par les États-Unis en Ukraine, notamment le renversement du gouvernement par la droite nationaliste en 2014 et les promesses non tenues faites à la Russie que l’Ukraine ne ferait pas partie de l’OTAN, qui ont conduit à la terrible guerre entre l’Ukraine et la Russie et à l’alimentation de cette guerre par l’administration Biden avec des armes et l’absence totale de tentative de mettre fin à ce dangereux conflit.

Une autre démission sur les actions de Trump au niveau national et international – Projet 2025

Et en ce moment même, une autre démission viendrait de moi si j’étais encore dans le gouvernement USA.

Quatre administrations présidentielles après ma démission – Obama, Trump, Biden, Trump – une autre feuille de route pour la violation des lois nationales et internationales et le chaos guide un président : Le Project 2025.

Alors que Trump, comme Bush avant lui, a nié avoir connaissance d’un quelconque plan concocté par des conseillers, Trump fait le jeu de ceux qui ont un programme qui le hantera, un programme bien plus vaste que celui que Bush a laissé se mettre en place.

Les rails sont posés pour la destruction du gouvernement américain avec des licenciements massifs de fonctionnaires. La réforme raisonnable du gouvernement et la réduction de ses effectifs se sont transformées en destruction du gouvernement, sous la direction d’Elon Musk, la personne la plus riche du monde, non élue, qui a conclu certains des plus gros contrats avec le gouvernement (dont beaucoup ont fait l’objet d’une enquête), à la tête d’une équipe de très jeunes francs-tireurs de la technologie qui n’ont aucune connaissance du gouvernement et qui s’emparent des informations informatiques de l’ensemble du gouvernement américain en licenciant des dizaines de milliers d’employés d’une simple pression sur un bouton.

Trump est enhardi par l’absence d’indignation du Congrès et menace maintenant d’envahir le Panama et le Groenland; il intimide le Canada pour qu’il devienne un État des États-Unis, ce à quoi le public et les responsables canadiens ont répondu à juste titre par un avertissement de hockey à Trump : « Coudes en l’air ! »

Honteusement, le candidat « pacifiste » Trump a humilié et malmené le président ukrainien Zelensky à la Maison Blanche lors d’une réunion sur la vente de minerais ukrainiens pour payer les armes des États-Unis dans leur guerre contre la Russie.

Alors que l’envoyé spécial du « candidat pacifiste » Trump, l’investisseur immobilier milliardaire Steve Witkoff, a obtenu un cessez-le-feu bien nécessaire dans le génocide israélien à Gaza, le cessez-le-feu s’est maintenant terminé par un blocus israélien de deux semaines de Gaza en nourriture, eau, abris et électricité et par la poursuite des bombardements massifs sur Gaza et des 12 milliards de dollars supplémentaires venant des États-Unis en armes meurtrières. Alors que le cessez-le-feu entrait en vigueur, Trump, fidèle à son style, a déclaré au monde entier que les Palestiniens devaient quitter Gaza afin qu’elle puisse être reconstruite en quelque chose de « merveilleux »…, mais sans eux.

Et ne me parlez pas des capitulations des agences gouvernementales, des universités et des entreprises devant Trump sur l’élimination de la Diversité, équité et inclusion (DEI) : ses sbires effacent les femmes, les minorités, les handicapés et le genre dans son programme nationaliste blanc et masculin apparemment dirigé par le très peu qualifié (à tous les niveaux) secrétaire de l’offensive Pete Hegseth.

De la démission à la résistance

J’ai démissionné il y a deux décennies des politiques criminelles des États-Unis et j’en suis maintenant à ma 22e année de résistance aux politiques criminelles des administrations successives.

Je travaille avec de très nombreuses organisations au niveau local (Hawaii Peace and Justice, World Can’t Wait, Students and Faculty for Palestine,  Hawaii For Palestine: Under the Olive Tree), nationales (CODEPINK: Women For Peace, Veterans For PeaceShut Down Drone Warfare) et internationales (International Peace Bureau, NO to NATO, No to War, World Beyond War, Women Cross DMZ, Pacific Peace Network, Ban Killer Drones) et cela m’a permis de protester et, surtout, d’être avec d’autres personnes profondément préoccupées par les actions de l’administration USA dans notre propre pays et dans le monde entier.

Vous devez résister

Si vous ne résistez pas encore, rejoignez les millions de personnes qui sont dans la rue, au Congrès, dans les assemblées générales, qui écrivent des courriels et qui appellent à mettre fin à l’assaut contre notre pays et le monde. J’ai mis des liens vers de nombreuses organisations avec lesquelles je travaille. Rejoignez-nous !


Ann Wright a servi pendant 29 ans dans l’armée USA et dans comme réserviste de l’armée et a pris sa retraite avec le grade de colonelle. Elle a été diplomate pendant 16 ans et a servi dans les ambassades des États-Unis au Nicaragua, à la Grenade, en Somalie, en Ouzbékistan, au Kirghizistan, en Sierra Leone, en Micronésie, en Afghanistan et en Mongolie. Elle a démissionné du Département d’État USA en mars 2003 pour s’opposer à la guerre des États-Unis contre l’Irak. Elle est co-auteur de « Dissent : Voices of Conscience ».

 

Traduction de l’anglais, Evelyn Tischer