Editorial de Abdoulaye Sene, Co-Président, cofondateur de I-Dialogos, membre du Comité international de pilotage, Dakar (SENEGAL) / NewsLetter N°13 du 22 mars 2025. Secrétaire exécutif du 9e Forum mondial de l’eau, Abdoulaye Sene – Ingénieur hydraulicien de formation – est aujourd’hui le coprésident du Global Water Partnership West Africa. Co-Président-fondateur du Think Tank I-Dialogos, il est ancien Président du Conseil régional de la Région de Fatick (Sénégal), ancien Député et Président de la Commission du développement et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale de la République du Sénégal. Comme Secrétaire général de l’Association des élus locaux du Sénégal, il fut co-fondateur de l’ORU-FOGAR (l’organisation mondiale des Régions Unies). Abdoulaye SENE est membre du conseil d’administration du Conseil des Collectivités Territoriales (CCT) de l’UEMOA comme personnalité qualifiée. Expert invité auprès du Centre de développement de l’OCDE, il est également administrateur de l’Arga (Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique).
Un Monde en Crise
Notre planète traverse une confluence de crises sans précédent qui menacent non seulement la stabilité des communautés, mais aussi l’avenir même de l’humanité. Alors que les tensions géopolitiques s’exacerbent, les appels au réarmement massif se multiplient, relançant une course aux armements qui détourne des ressources vitales des défis climatiques et sociaux. Parallèlement, la guerre commerciale entre grandes puissances fragilise l’économie mondiale, entraînant une montée des inégalités. Dans ce contexte d’incertitudes, les budgets dédiés au développement sont en forte baisse, mettant en péril les efforts d’adaptation climatique et la lutte contre la pauvreté.
Conflits géopolitiques, changement climatique, pénurie d’eau, insécurité alimentaire, effondrement de la biodiversité, inégalités socio-économiques s’entremêlent pour former un tableau complexe et alarmant. Ces défis, interconnectés, s’amplifient mutuellement, créant un cercle vicieux qui exige une réponse urgente, coordonnée et multidimensionnelle.
Face à ces turbulences, il est urgent de refonder notre approche collective. La réponse aux crises actuelles doit en effet être systémique, en intégrant l’engagement citoyen et le dialogue à tous les niveaux pour proposer des solutions durables et équilibrées.
Un monde sous tension : militarisation, guerre économique
La guerre en Ukraine, les conflits au Moyen-Orient et en Afrique, les tensions en Asie ont déclenché une vague de réarmement sans précédent depuis la Guerre froide. Les grandes puissances, suivies par d’autres pays, investissent des centaines de milliards dans leurs capacités militaires, au détriment des budgets sociaux et environnementaux. Cette militarisation accrue risque de provoquer une escalade incontrôlable et de retarder les investissements nécessaires notamment dans la lutte contre le changement climatique et l’adaptation des infrastructures.
En parallèle, la guerre commerciale entre les grandes puissances redessine l’économie mondiale, avec des restrictions sur les exportations, des taxations des technologies vertes, autant de tensions, qui ralentissent la transition écologique et augmentent les coûts des innovations indispensables.
Dans ce contexte de priorisation des dépenses militaires et de protectionnisme économique, les engagements envers les pays les plus vulnérables se réduisent. Or, ce sont justement ces pays qui ont le moins contribué au réchauffement climatique, qui en subissent de plein fouet les effets, à travers notamment la désertification et des pénuries d’eau. L’abandon du développement ne fera qu’exacerber les crises multiples et les conflits.
Le dialogue, seul rempart contre l’escalade
Face à ces dérives, la diplomatie doit reprendre ses droits. Plutôt que de renforcer des logiques de confrontation, la communauté internationale doit investir dans des mécanismes de dialogue renforcés. Un multilatéralisme rénové est indispensable pour arbitrer les conflits, éviter la militarisation excessive et relancer des programmes d’appui au développement ciblés sur les enjeux climatiques et hydriques. Les institutions internationales, comme les Nations Unies, ont un rôle crucial à jouer pour faciliter le dialogue, coordonner les actions et mobiliser les ressources nécessaires.
Le dialogue doit également être promu à l’échelle régionale et locale. Dans un monde où notamment l’eau devient un enjeu stratégique sensible, des négociations entre États riverains, collectivités et acteurs économiques sont essentielles pour éviter des crises majeures. Les mesures appropriées devraient aussi être prises pour le respect du droit humain à l’eau, la protection des ressources et des infrastructures hydriques en tout temps, et partout, notamment dans les conflits.
https://www.gwp.org/fr/GWP-Afrique-Ouest/
L’engagement citoyen comme levier de transformation
Si les États peinent à s’entendre, les citoyens et la société civile peuvent jouer un rôle décisif. Leur engagement doit s’intensifier face à la montée des périls. Les consommateurs ont également un pouvoir considérable dans la transition écologique, en exigeant des politiques publiques cohérentes et plus durables.
Dans ce contexte de mutations accélérées, les think tanks, éclaireurs d’un monde en mutation, ont aussi un rôle stratégique à jouer. Par leurs analyses indépendantes, en organisant des forums de discussion, en produisant des recommandations fondées sur des données, ils peuvent nourrir les débats publics, proposer des alternatives appropriées, identifier des stratégies de coopération plus équilibrées et influencer les décideurs.
Idialogos, notre nouveau laboratoire d’idées, s’inscrit dans cette dynamique, et saisira notamment l’occasion de sa prochaine assemblée générale prévue le 15 mai 2025, pour contribuer à l’élaboration de scénarios prospectifs plus conformes aux aspirations pour un monde de paix, juste et prospère.
Un Monde à Réinventer, une réponse globale et locale dans l’action solidaire
Les crises mondiales auxquelles nous faisons face sont sans précédent, mais elles ne sont pas insurmontables. Elles exigent une transformation profonde de nos modes de production, de consommation et de gouvernance. Cette transformation doit être guidée par des valeurs de solidarité, de justice et de respect pour l’homme et la nature.
La technologie et l’innovation sont des leviers puissants pour répondre aux crises actuelles. Les énergies renouvelables, l’agriculture durable, les systèmes de gestion intelligente et les solutions basées sur la nature doivent être déployés à grande échelle.
Le choix est entre nos mains : subir la spirale des crises ou bâtir un avenir commun fondé sur la coopération, la résilience et la responsabilité. L’histoire nous a montré que l’humanité est capable de se réinventer. Il est temps, une fois encore, de prouver que nous sommes à la hauteur du défi.
Il est temps de passer des paroles aux actes, en mobilisant tous les acteurs – États, entreprises, société civile et citoyens – autour d’un projet commun : construire un avenir durable et résilient pour tous. La collaboration, le dialogue, l’innovation durable, la solidarité internationale et l’engagement éthique sont les clés pour relever ces défis et préserver l’humanité et la biodiversité pour les générations futures.
Le temps presse, et l’espoir réside dans notre capacité à agir ensemble, dès maintenant, car c’est ensemble, et seulement ensemble, que nous pourrons bâtir un avenir vivable sur cette Terre que nous partageons.