La Grande Barrière de corail a été gravement endommagée en raison de l’élévation de la température océanique. Selon l’Université de Sydney, les dégâts sont catastrophiques. La National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) indique que la région méridionale du récif a été soumise au stress thermique le plus intense jamais enregistré depuis le début des observations satellitaires en 1985. Seulement 3 % des récifs étudiés n’ont pas été blanchis.

Les coraux peuvent se rétablir, mais seulement s’ils en ont la possibilité. La NOAA met en garde : « Seules des mesures décisives et immédiates pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre peuvent atténuer les risques de stress thermique sur le récif. » Cependant, si l’histoire est un indicateur, il ne faut pas trop s’appuyer dessus. Au cours des trois dernières décennies, et malgré les conférences climatiques des Nations unies, les niveaux de CO2 n’ont cessé d’augmenter chaque année, sans exception.

Pour ajouter à ces inquiétudes alarmantes, Arctic News rapporte que : « Malgré l’effet refroidissant de La Niña, la température moyenne mondiale de l’air en surface a atteint un record pour cette période de l’année le 25 janvier 2025, soit 13,29 °C, selon les données ERA5. » Même avec la phase de refroidissement naturel, appelée « La Niña », les températures mondiales ont continué à augmenter. Cette nouvelle est extrêmement inquiétante pour la Grande Barrière de corail.

La catastrophe en cours, liée à la vague de chaleur marine mondiale de 2023-2024 sur la Grande Barrière de corail, est la preuve la plus accablante des dégâts causés par le changement climatique d’origine humaine, qui rejette des quantités massives de CO2 dans l’atmosphère. En effet, lorsque des sites emblématiques mondialement connus s’effondrent, c’est un signal d’alarme, un message à peine voilé : le changement climatique dû à l’activité humaine prend une ampleur sans précédent.

Selon un article de Bloomberg News intitulé Oceans Are Warming Faster and Faster as the Earth Traps More Energy, du 28 janvier 2025 : « De nouvelles études fournissent des preuves préliminaires du rôle déterminant de la combustion des énergies fossiles dans la montée préoccupante des températures océaniques en 2023 et 2024. »

Bloomberg poursuit en précisant que l’étude sur les températures océaniques met en évidence un réchauffement des océans quatre fois plus rapide que celui du siècle dernier. « Les conséquences pour la santé des océans sont considérables… Cette nouvelle étude représente l’une des premières preuves tangibles reliant l’accélération récente du réchauffement climatique à la combustion des énergies fossiles », explique Kim Cobb, directrice de l’Institute at Brown for Environment and Society, Ibid.

L’Université de Sydney a publié une étude mettant en avant l’impact alarmant « de vagues de chaleur marines sans précédent sur les écosystèmes coralliens » : Coral Bleaching on the Great Barrier Reef now at ‘Catastrophic Levels Université de Sidney, 21 janvier 2025.

Il est bien connu dans la communauté scientifique que les océans absorbent 90 % de l’excès de chaleur produit par le réchauffement climatique, ce qui en fait le principal réservoir thermique de la planète. Mais il y a des limites à ce que la vie marine peut supporter. Les dégâts causés à la Grande Barrière de corail entre 2023 et 2024 constituent un véritable appel à l’aide pour les océans, qui absorbent une telle quantité de chaleur qu’ils ne peuvent plus survivre et commencent à mourir. L’excès de chaleur est une condamnation à mort pour les récifs coralliens. Cette situation ne serait pas possible sans les niveaux extraordinaires de CO2 émis dans l’atmosphère par la combustion des énergies fossiles. Ce CO2 crée un « effet de couverture » qui retient le rayonnement solaire. Au fil des ans, cette « couverture » s’est transformée en un véritable monstre, comme le montrent ces chiffres :

Voici des données qui démontrent pourquoi les écosystèmes, comme la Grande Barrière de corail, sont soumis à un stress excessif et commencent à s’effondrer :

  1. Au début des années 1960, lorsque JFK était président, les émissions mondiales de CO2 s’élevaient à 11 milliards de tonnes par an. 
  2. Aujourd’hui, selon le Global Carbon Budget, « les émissions globales de dioxyde de carbone (CO2) devraient atteindre 41,6 milliards de tonnes en 2024, contre 40,6 milliards de tonnes l’année dernière. Cela inclut 37,4 milliards de tonnes issues des combustibles fossiles, le reste étant dû aux changements d’utilisation des terres (comme la déforestation). »

La School of Life and Environmental Sciences de l’Université de Sidney a étudié l’évolution de 462 colonies coralliennes sur l’île One Tree, au sein de la Grande Barrière de corail, pendant 161 jours. Cette étude visait à évaluer l’impact de la vague de chaleur marine de 2023-2024. Les résultats étaient désastreux : « Les résultats ont révélé que 66 % des colonies avaient blanchi en février 2024, et que ce pourcentage est monté à 80 % en avril. En juillet, 44 % des colonies blanchies étaient mortes. Certaines espèces de coraux, comme l’Acropora, ont atteint un taux de mortalité de 95 % », Ibid.

Selon la professeure Ana Vila Conceio, de l’École de géosciences de l’Université de Sydney et co-autrice de l’étude : « Cette recherche constitue un cri d’alarme pour les dirigeants politiques et les défenseurs de l’environnement. La résilience des récifs coralliens est mise à l’épreuve comme jamais auparavant », Ibid.

Il y a seulement six mois, l’autorité du parc marin de la Grande Barrière de corail publiait son rapport sur les perspectives 2024, déclarant que  « la Grande Barrière de corail était engagée sur une voie de déclin inéluctable en raison du changement climatique… l’avenir à long terme de la Grande Barrière de corail est précaire, les impacts du réchauffement climatique étant désormais inévitables. » Mais, selon cette nouvelle étude, les prévisions étaient trop optimistes : une grande partie du « long terme » s’est transformée en court terme.

Que faudra-t-il pour que les forums internationaux, tels que les Conférences annuelles des Nations unies sur les changements climatiques(COP), prennent enfin au sérieux les dangers du réchauffement climatique dû aux émissions excessives de CO2 provenant des combustibles fossiles ? La destruction des parties méridionales de l’emblématique et mondialement connue Grande Barrière de corail, sera-t-elle suffisante pour susciter une prise de conscience lors de la prochaine conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qui se tiendra en novembre 2025, à Belém, au Brésil ?

Depuis trois décennies, 195 nations se réunissent chaque année et s’engagent à réduire considérablement les émissions de CO2 pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pourtant, les émissions continuent d’augmenter l’année suivant chaque conférence, sans exception. L’accord de Paris de 2015, signé par 195 pays et qui visait à limiter l’augmentation de la température globale mondiale à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, connaît actuellement un triste échec. D’après le Columbia Earth Institute : « Il est évident que la planète dépassera le seuil de 1,5 °C et se dirigera vers des températures encore plus élevées, à moins que des mesures ne soient prises pour réduire le déséquilibre énergétique de la Terre. »

Ce déséquilibre énergétique atteint des niveaux effrayants et annonce une hausse des températures planétaires qui détruira bien plus que la Grande Barrière de corail. Depuis 2010, l’augmentation du rayonnement solaire absorbé (ASR) à l’échelle mondiale est en partie attribuable à l’assombrissement de la Terre, à la diminution de la couverture neigeuse et glaciaire, ainsi qu’à la réduction de l’albédo nuageux, qui réfléchissait autrefois une partie du rayonnement solaire dans l’espace.

Et voici la pire nouvelle : « L’augmentation du rayonnement solaire absorbé (ASR) est la cause du déséquilibre énergétique terrestre (EEI) depuis 2020, et il est presque deux fois plus élevé que durant la première décennie du XXIe siècle. Selon ces nouvelles données, le réchauffement climatique prévu pour 2010-2030 devrait être 50 à 100 % plus important que celui observé entre 1970 et 2010. » (James Hansen, Global Warming Acceleration : Hope vs Hopium, 29 mars 2024)

Évidemment, la Grande Barrière de corail ne pourra pas survivre à un réchauffement 50 à 100 % plus intense d’ici 2030. Qui plus est, on ignore les conséquences que cela aura sur l’Amazonie, l’Antarctique, le pergélisol arctique et le Groenland.

Un an après la déclaration du Columbia Earth Institute selon laquelle le réchauffement de la planète pour la période 2010-2030 devrait être supérieur de 50 à 100 %, les États-Unis ont malgré tout décidé d’abandonner la lutte contre le réchauffement climatique le 20 janvier dernier. Un désastre absolu !

Le reste du monde prendra-t-il des mesures pour empêcher la disparition des écosystèmes qui ne peuvent pas tolérer des températures extrêmes, comme la Grande Barrière de corail, le Groenland, l’Antarctique et le pergélisol arctique (qui émet déjà du CO2) ? Ou encore les grands fleuves européens (Rhin, Danube, Pô, Rhône) qui subissent des sécheresses historiques ; les glaciers de l’Himalaya, indispensables aux fleuves d’Asie du Sud-Est, qui fondent à une vitesse alarmante ; ou encore la forêt amazonienne, qui fait face à des épisodes de sécheresse sévères et qui, maintenant, émet autant de CO2 que les voitures, les trains et les avions. Comment éviter que ces écosystèmes s’effondrent ? Ils sont déjà bien éméchés.

 

Traduit de l’anglais par Alix Hocquet